Notion et régulation de l'abus de puissance économique( Télécharger le fichier original )par Azeddine LAMNINI Université Sidi Mohammed Ben Abdellah Fès - DESA 2008 |
Section II - La lutte contre les abus de puissance économique par la restauration des conditions d'un débat équilibré258. Un débat déséquilibré. Comme on l'a déjà démontré, l'infériorité juridique du consommateur aggrave sa faiblesse. Elle a pour origine un déséquilibre profond entre l'entreprise qui attache de l'importance à l'aspect juridique de la relation de consommation et qui est à même de bénéficier de conseils, et le consommateur qui ne se soucie généralement pas de ce qu'il ressent comme des « formalités ». Et même un consommateur sensible aux choses du droit ne disposera pas toujours de connaissances lui permettant de mesurer le sens et la portée du contrat qui lui est proposé, dont, de toute façon, on ne lui permettra pas de discuter les termes. Et pour couronner le tout, le consommateur sera aussi dans une position d'infériorité s'il entend par la suite faire valoir ses droits : le coût de l'action en justice sera le plus souvent sans proportion avec le montant de sa réclamation615(*). 259. Deux approches : individuelle ou collective. La nécessité de protection du consommateur n'est discutée par personne, et surtout pas par les entreprises qui cherchent à le satisfaire véritablement et durablement pour s'assurer de sa fidélité. Comme il est certain, comme on l'a déjà démontré616(*), que les mécanismes du droit commun ne suffisent pas à assurer cette protection, il existe un accord sur la nécessité de l'instituer ; mais on s'interroge sur les moyens qu'il convient d'employer pour cela. Puisqu'il s'agit de rétablir un équilibre dans une relation marquée par l'inégalité, deux moyens sont envisageables : confier à la loi le soin d'élaborer des règles protectrices, ou attendre le regroupement des consommateurs, l'établissement d'un nouveau rapport de force qui soit équilibré et conduise donc à une négociation réelle de puissance à puissance617(*). On estime que la deuxième voix est naturellement la plus efficace, car par la nature des choses, c'est le pouvoir qui arrête le pouvoir. Mais l'expérience montre que le marocain n'a pas la fibre collective ce qui rend l'interventionnisme légale inéluctable pour la lutte contre les abus de puissance économique à l'instar de l'expérience française en la matière. Cependant, la loi adopte l'approche individuelle, notamment par des instruments ayant pour but la préservation du consentement de la partie faible dans les rapports contractuels individuels (I). Néanmoins, l'approche collective n'est point ignorée par le législateur. Ainsi, le développement social est accompagné d'une prise de conscience chez la société civile que la loi, d'une manière regrettable, persiste dans son encadrement. Cette prise de conscience manifeste les prémices d'un regroupement des consommateurs dans des associations capables de négocier d'une façon collective (II). * 615 C. Lucas de Leyssac, G. Parleani, Le droit du marché, op.cit., p. 80. * 616 Supra n° 152 et s. * 617 La problématique est voisine de celle que l'on connaît en droit du travail où l'on part aussi du constat que d'une inégalité entre l'employeur et le salarié, avec l'espoir que les syndicats pourront rétablir l'équilibre. |
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