Notion et régulation de l'abus de puissance économique( Télécharger le fichier original )par Azeddine LAMNINI Université Sidi Mohammed Ben Abdellah Fès - DESA 2008 |
Section II - L'adaptation de la fonction judiciaire pour la protection du marché192. Exigence des compétences en droit et en économie. La protection juridique du marché exige la prise en charge des phénomènes économiques caractérisés par la célérité et la technicité. Cela exige des compétences avouées en économie et en droit, c'est-à-dire que le juge et le régulateur doivent être des juristes économistes. Toutefois, juriste économiste ou économiste juriste, suppose la formation solide du juge en économie et la formation solide de l'économiste en droit. Or, lorsque le monde du droit rencontre le monde de l'économie, il s'agit d'une incompréhension mutuelle totale. Mais les deux mondes doivent communiquer, ils doivent se comprendre et les deux organes, le juge et le régulateur doivent aussi se communiquer et se comprendre afin de pouvoir lutter efficacement contre les abus de puissance économique nuisibles au bon fonctionnement concurrentiel488(*). 193. Nécessité de deux organes : juge et autorité de marché. Traditionnellement, la mission d'application du droit relève de la compétence des juridictions. Ces institutions sont chargées de dire le droit et de trancher les litiges. Malheureusement, elles ne bénéficient plus de l'adhésion inconditionnelle des opérateurs économiques en raison de l'extrême technicité des problèmes économiques posés489(*), qui exigent souvent des décisions d'ordre général, différentes par nature des décisions rendues par les tribunaux490(*). Cette situation légitime le rôle des autorités modernes de la concurrence. Pour ces arguments, le nouveau droit de la concurrence juxtapose des organes judiciaires et extrajudiciaires. Ainsi, l'action publique du régulateur se voit confiée un pouvoir quasi-juridictionnel, sources de critiques pour des uns et d'encouragements pour des autres. Dans cette situation, l'action du régulateur comme nouvelle manière de concevoir l'action publique et les relations entre personnes publiques et privées est facilement justifiées par la contrainte d'instaurer et de maintenir les grands équilibres du marché qui ne peuvent par leur seule force les créer ou les maintenir. Cette finalité exige une célérité, une spécialisation et un grand professionnalisme juridique, économique et technique. Ces exigences manquent au juge dans l'état actuel. Néanmoins, ce dernier, sur d'autres cieux, essaie activement à côté du régulateur de contribuer à la lutte contre les abus de puissance économique nuisibles au bon fonctionnement de la concurrence. Mais, pour que cette lutte soit efficace, les deux organes doivent coopérer. Ainsi, on assiste à un renforcement du pouvoir judiciaire du juge et du régulateur (I) qui pour avoir plus d'efficacité aura besoin de concours mutuel entre les deux (II). * 488 Pour plus de détails sur cette question, v. not. : N. Toujgani, « Le couplage du droit et l'économie dans la mise en oeuvre des règles de la concurrence », RMDE, n°1, octobre 2007, p. 7. * 489 Pour l'application du droit de la concurrence, une appréciation purement économique, ou sociale et politique, du caractère anticoncurrentiel s'impose au préalable, de la part du juge et du régulateur. Cette appréciation dépasse de loin les compétences économiques et les capacités fonctionnelles des tribunaux. * 490 M. D. A. Machichi, Droit commercial fondamental au Maroc, op. cit., p. 213. |
|