Incidence du commerce international sur le développement économique de la RD Congo( Télécharger le fichier original )par Franck MBEMBA MALEMBE Université Chrétienne Cardinal Malula (ex. ISPL) - Licencié en gestion et commerce international 2008 |
IV.2. COMMERCE EXTERIEUR ET PLANIFICATION DE LA PRODUCTIONL'intégration du commerce extérieur à la planification constitue donc l'une des articulations essentielles de la sphère des échanges à la sphère de la production29(*). Comme dans tout procès de planification, objectif et contrainte doivent étre clairement distingués. L'objectif, c'est la maximisation à long terme du degré de satisfaction des besoins, dans leur ordre et leur hiérarchie, de tous les groupes de la population, ce qui passe par l'amélioration immédiate du degré de satisfaction de leurs besoins essentiels, la modernisation de l'agriculture et la construction d'un appareil productif reposant sur une base interne d'accumulation. Plusieurs modèles ont montré que dans la longue période, il n'y a pas de contradiction entre accroissement de la consommation et accroissement de l'accumulation30(*). Mais précisément c'est l'objectif de la politique agricole dès la première phase du développement, que de contribuer à la résoudre. Cet objectif contient, en lui-même, celui de la minimisation des coûts d'une telle politique, et en particulier celui de la minimisation des prélèvements de surplus interne par l'extérieur. Car le développement matériel et humain d'une société suppose donc qu'elle avance sur ses deux jambes en produisant suffisamment et en répartissant équitablement ses richesses d'une part, en articulant le développement agricole et le développernent industriel d'autre part La contrainte résulte de la règle du "rien pour rien" : c'est le nécessaire équilibre du commerce extérieur, compte tenu des débouchés potentiels des produits nationaux sur le marché international et des prix imposés sur ce marché, et sous réserve du degré jugé acceptable d'endettement international. La contrainte, c'est l'équilibre, au sens abstrait de ce terme, le fait que le commerce extérieur soit équilibré. Mais il peut y avoir équilibre dans diverses conditions structurelles, à différents niveaux, avec des contenus différents des importations et des exportations. C'est donc un équilibre concret, parmi tous les équilibres possibles, qui est nécessaire, et il faut donc ici aussi opérer un choix. Trois étapes s'imposent alors dans le raisonnement. Des propositions générales peuvent être formulées; quant au niveau souhaitable de l'équilibre. La détermination de la nature de cet équilibre ne peut cependant se faire que dans une procédure d'itéractions successives entre les structures souhaitables de l'appareil productif à mettre en place et celles du commerce extérieur. Cette liaison avec les structures de la production oblige les structures du commerce extérieur à s'adapter, de phase en phase, aux nécessités de l'appareil productif31(*). A. Quel niveau pour l'équilibre du commerce extérieur? La proposition la plus générale est la suivante : toutes choses égales par ailleurs, un pays qui veut se développer a intérêt à maintenir le volume de son commerce extérieur au plus bas niveau compatible avec le rythme désiré d'accumulation interne32(*) : c'est là le seul moyen de minimiser les prélèvements de valeur opérés à son détriment gráce au système des prix mondiaux, d'une part et de chercher à valoriser au mieux l'ensemble des ressources potentielles du pays, d'autre part. 1) Le passage de cette proposition générale à des décisions concrètes ne peut se faire qu'en fonction des circonstances du pays et du moment. Trois ensembles de phénomènes, au moins, ont à être pris en considération. - la structure politique du pays, les rapports de force entre les diverses classes ou couches sociales, conditionnent la rapidité avec laquelle il est possible de modifier le modèle de consommation des groupes dominants et donc d'arrêter les importations des produits qui leur sont spécialement destinés. - la dépendance alimentaire, le fait que la masse de la population assure une partie de sa nourriture de base à partir d'importations, ne peut être supprimée du jour au lendemain. Le rythme de sa réduction est fonction de la disponibilité des moyens nécessaires à la modernisation de l'agriculture, autant que de la possibilité de récupérer au profit des cultures vivrières une partie au moins des terres utilisées pour les cultures d'exportation. - Surtout le rythme optimum d'accumulation ne peut être l'objet d'une définition générale. Il faut ici indiquer au moins les voies d'une analyse un peu approfondie. Fonder l'activité économique sur la satisfaction des besoins de la population, c'est s'engager dans un processus sans fin33(*). C'est la seule façon d'ailleurs d'assurer la stabilité et la régularité du développement de l'activité économique interne. En effet, les besoins à peine satisfaits se renouvellent aussitôt qu'il s'agisse des besoins matériels liés au niveau de vie ou des besoins plus qualificatifs liés au genre de vie. Dans un tel processus, gaspiller des ressources nationales par le sous-emploi des hommes, des équipements, des ressources naturelles mettrait en question l'objectif lui-même. Or, gaspiller des ressources, pour une nation, c'est justement ne pas utiliser toutes ses possibilités et importer de l'étranger ce que l'on peut produire soi même. Le premier critère d'une bonne gestion extérieure d'une économie fondée sur les besoins internes, c'est donc le critère des importations réduites au strict nécessaire. Le second critère n'est que l'application du prix aux clients réels ou potentiels étrangers. Ce qui vaut pour nous, vaut pour les autres. Surtout si les autres ont d'immenses besoins fondamentaux non satisfaits, ce qui est le cas pour certains PVD d'Afrique. Les consommations de développement (qui accroissent le niveau de satisfaction des besoins et la capacité de travail des hommes)34(*) peuvent influencer le commerce extérieur, certaines exigeant une restriction des exportations (amélioration de la nutrition) d'autres pouvant entraîner éventuellement un accroissement d'importations (santé et médicaments). Les investissements sont le plus liés aux importations. C'est pourquoi la matrice des besoins de l'extérieur doit être établie en même temps que la matrice des besoins intérieurs. Certains de ces besoins se recouperont et permettront de développer d'importants secteurs de production ouverts à la fois au marché extérieur et au marché intérieur. D'autres besoins seront spécifiques aux clients étrangers. Pour les couvrir, le lancement de tel ou tel secteur d'exportation dépendra de l'ampleur du marché extérieur et des possibilités de produire à des coûts jugés acceptables par nos clients. Compte tenu de la concurrence des autres pays industrialisés ou du tiers-monde. Les pays qui disposent de ressources minérales susceptibles d'être exportées ne sont pas confrontés à un avantage aussi drastique que les pays purement agricoles. Mais chez eux, c'est le surplus même qu'il saurait être défini à priori. En effet, ils peuvent toujours accroître leur surplus par une expIoitation plus intensive de ce que MAURICE BYE nommait leur "stock en terre". Si le pays dispose de plusieurs types de ressources minérales, comme la République Démocratique du Congo, également négociables sur le marché mondial, l'ajustement concerne les rythmes d'exploitation concevables de chacune de ces ressources et leur coordination cohérente. De ce point de vue, et pour éviter un raisonnement purement théorique, l'expérience algérienne mérite d'être prise en considération et les enseignements qu'elle livre d'être explicités. L'Algérie dispose à la fois de ressources minérales de type fer, plomb, zinc et d'hydrocarbures. Les gisements de fer, plomb, zinc comme ceux de pétrole sont d'ampleur limitée, tandis que les réserves déjà inventoriés de gaz sont infiniment considérables par rapport aux possibilités de leur utilisation en Algérie aussi bien aujourd'hui que demain. L'Algérie a très vite cessé pratiquement toute exportation de fer, plomb et zinc. Elle a maintenu ses exportatons de pétrole à un niveau très modéré. Elle est devenue aussi vite qu'elle l'a pu le plus gros exportateur de gaz naturel. Ce comportement semble échapper à la rationalité du marché, vendre d'autant plus que le prix est élevé. Il est cependant conforme à la logique du plan algérien : en modulant ses contrats de vente de gaz, elle détermine le rythme d'accroissement de ses recettes, et celui de son accumulation, sans risquer d'écrémer ses gisements et sans réduire les chances et les potentialités de son industrie dans l'avenir. Il ne s'agit pas de gagner le plus possible immédiatement et dans n'importe quelles conditions, mais de déterminer la solution complexe la plus efficace à long terme. 2) C'est aussi cette volonté de maintenir le niveau des échanges extérieurs le plus bas possible qui conduit le planificateur à rechercher la meilleure valorisation de toutes les potentialités du pays. Il faut ici faire intervenir quelques choix techniques. Ce n'est pas parce que bien souvent le débat sur les technologies appropriées conduit à maintenir les pays sous-développés dans l'archaïsme technique qu'il faut se livrer à n'importe quelle pratique. Il est absurde de ne pas utiliser la capacité des forgerons répandus dans tout le pays, surtout lorsqu'ils se révèlent capables de produire certaines pièces détachées d'automobiles à des coûts plus faibles que leur prix ordinaire. Il ne s'agira pas d'en rester là et la nécessité d'une industrie mécanique orientée d'abord vers l'agriculture n'est pas, pour autant, remise en cause. Il ne suffit pas de faire des inventaires du fameux "secteur informel", il s'agit de le réorienter à la satisfaction des besoins de base de la population. Ainsi, prendre position sur le volume optimal des échanges extérieurs, est-ce déjà analyser de nombreuses interférences entre les structures de l'appareil productif et le contenu de ces échanges. On franchit une étape de plus quand on s'interroge sur la nature souhaitable des produits exportés pour financer les importations. B. Exporter des produits bruts ou des produits élaborés? Tous les exemples pris jusqu'ici concernant exclusivement des exportations des produits bruts (agricoles ou minéraux). Pour acquérir un grand nombre de biens à l'étranger, il faut nécessairement des devises. Ce qui rend indispensable la vente de produits à l'exportation et explique pourquoi, ayant paré au plus pressé, l'Afrique s'est dans un premier temps contentée de vendre des produits non transformés, produits agricoles et minérais essentiellement. Cette économie exagérément orientée vers l'extérieur est progressivement devenue la caractéristique de l'Afrique moderne. Elle comporte malheureusernent, beaucoup d'effets négatifs. Les villages se vident de plus en plus au profit des mégalopoles, de la cote africaine, nées près des ports, car elles peuvent ainsi mieux profiter des opportunités de la voie maritime, mode de transport le plus économique pour acheminer importations et exportations non-périssables. Certes, il n'est pas temps de faire le procès du monde moderne ni de déplorer les effets de la mondialisation, mais bien de corriger leurs effets négatifs. Bien maîtrisés, ces derniers peuvent être, en effet salutaires pour une population africaine qui ne cesse de se paupériser. C'est le cas, en particulier, du commerce extérieur. Au lieu de se contente d'épuiser les richesses du sous-sol africain, les pays riches pourraient d'abord aider l'Afrique en général, et la République Démocratique du Congo en particulier, à les transformer, créant à la fois des emplois et de véritables richesses, puis devenir les cIients finaux des produits manufacturés fabriqués sur le confinent africain. Le pétrole en est le meilleur exemple. Aux Koweit et Emirats du Golf persique, l'on a très vite compris qu'il faut dépasser le simple stade de la vente de brut. En transformant 'l'or noir' sur place, on pouvait en effet multiplier les richesses à l'infini. Ces pays ont donc commencé par créer des raffineries produisant des produits de base et des produits intermédiaires, comme les matières plastiques ou les acides. Puis, ils ont construit en aval une large palette d'industries connexes fabriquant des textiles artificiels, des produits chimiques, des médicaments ainsi qu'un nombre illimité d'articles ménagers en plastiques35(*). Pour le bois, certains pays africains, comme le Cameroun, le Gabon ou le Congo, commencent à comprendre qu'il est plus avantageux de transformer ce produit de la forêt plutôt que de l'expédier à l'étranger sous la forme de grumes. Aussi ont-ils interdit qu'on exporte des produits bruts afin de stimuler l'implantation de scieries, usine de déroulage et de contre-plaqués, manufactures de mobiliers, etc. intégrant plus de valeur ajoutée, leurs produits finis pourront alors être vendus à l'étranger et rapporter davantage au pays exportateur. Le même mouvement est en cours dans les pays producteurs de cacao, de café, d'ananas où la transformation commence à se développer à un rythme intéressant, faisant progressivement évoluer le secteur primaire vers un secteur agro-industriel annonciateur d'emplois et de revenus supplémentaires pour les pays qui s'en font les promoteurs. Ainsi, pour les pays émergents africains, il ne s'agit pas de fermer les frontières et de stopper les échanges extérieurs, mais bien de passer à la vitesse supérieure : industrialiser leurs pays au plus vite pour alimenter à la fois leurs marchés intérieurs et extérieurs. Certains pays, notamment ceux du Maghreb (le Maroc ou la Tunisie) ou comme l'Afrique du Sud, mais aussi, île-maurice, ont déjà ouvert la voie et possèdent un outil industriel performant et fortement diversifié. Un exemple à méditer et à suivre, tout en tenant compte des spécificités de notre pays. Ainsi le commerce extérieur s'analyse au coeur même de la sphère de production. Ceci ne signifie nullement que le pays concerné n'ait pas à faire tout ce qui est en son pouvoir pour améliorer ses termes de l'échange. Mais, sauf à rêver de ce que les pays sous-développés puissent obtenir des termes de l'échange qui leur soient effectivement profitables. La structure choisie du commerce extérieur peut contribuer à minimiser les prélèvements opérés par l'extérieur. C. Structure et niveau évoluent en fonction des phases du procès d'industrialisation. Les deux principes sur lesquels le raisonnement a été mené (le minimum de prélèvements opérés par l'extérieur, la transformation de biens non accumulables en biens accumulables) demeurent tout au long du processus de développement mais de phase en phase se traduisent par des solutions concrètes différentes à des produits qui eux-mêmes évoluent au fur et à mesure que sont franchies les différentes étapes du procès d'industrialisation. Il ne peut y avoir à cette évolution aucun schéma préétabli36(*). La progression de l'agriculture limitera les importations nécessaires au départ du fait de la dépendance alimentaire. Selon le cas, le pays pourra se libérer davantage du recours au commerce extérieur ou y trouver le moyen d'une accélération du rythme de l'accumulation. Mais, en même temps, la satisfaction croissante des besoins de base et l'accroissement de la productivité de l'ensemble du système économique entraîneront chez les travailleurs ruraux et urbains la perception de nouveaux besoins qui ne pouvaient être ressenties dans les phases premières du développement. Les mêmes types d'ajustements auront à être résolus d'étape en étape mais les solutions auront à en être chaque fois adaptées. CONCLUSION PARTIELLE Il a paru nécessaire de mener cette analyse à propre d'un pays sous-développé comme le nôtre parce que les questions du fond étaient ainsi simplifiées, indépendamment du façon que, dans l'état actuel des choses, c'est bien dans cet isolement que se présentent les pays africains : les tentatives ou les rêves d'unités régionales ou de coopération pour le développement n'ont guère résisté aux manoeuvres des diplomaties occidentales ou aux difficultés d'une coopération dont les bases n'ont pas été clairement définies. Et pourtant, il faut bien reconnaitre que, sauf exception, les pays sous développés, dans toute une partie de l'Amérique latine et en Afrique, parfois même en Asie, sont de trop petites dimensions pour pouvoír se doter, individuellement, d'une structure industrielle cohérente37(*). Cependant, bien avant que ce problème ne se pose comme une contrainte, car il suppose déjà franchies les premières étapes de l'indépendance et du développement, les pays sous-développés sont conscients de ce que des accords entre eux pourraient contribuer à permettre à chacun ses propres termes de l'échange, ce qui, dans l'analyse ici présentée, revient à élever le rythme de l'accumulation et du procès d'industrialisation. L'intégration économique à l'heure de la mondialisation des échanges devient un impératif pour tous. L'Afrique ne peut pas se replier sur elle-même, elle doit s'ouvrir. Ces Etats doivent s'unir. La part relative des échanges de l'Afrique du Sud avec ses voisins (Mozambíque, Namibie, Botswana, Zimbabwe) est en train de s'accroître sensiblement avec l'essor de la communauté de développement des pays de l'Afrique Australe (SADC)38(*). Dans la perspective qui vient d'être tracée et qui supprime cette nécessité pour chacun de chercher à vendre le plus possible, ils devraient être plus facile aux différents producteurs de produits de base d'échapper à la sous-enchère favorable aux monopoles des pays développés et de mettre en place des accords de producteurs qui, sur la base ici esquissée de la réduction de leur production pour l'exportation, devraient inciter les pays développés à ouvrir enfin une négociation qui prendrait en considérant les revendications des pays sous-développés. * 29 REIFFERS (J.L.) : Op.Cit., p.30 * 30 BENISSAD (E) : Les modèles de dévéloppement, Presse de l'UNESCO,Paris,1986,p.67 * 31 CCI CNUCED/GATT : Guide pour une approche systématique du développement des exportations,Genève,1987,p.8. * 32 REIFFERS (J-L) : Op.Cit.,p.31. * 33 BLARDONE (G) : Inflation, déficit extérieur, comment s'en sortir, éd.du Cerf,Paris,1981,p.165. * 34 REIFFERS : Op.Cit.,p.32. * 35 KLOTCHKOFF (J.C) : Import-export, in Jeune Afrique Economique,n°281,fevrier1999,p.18. * 36 REIFFERS : Op.Cit.,p.37. * 37 KASAI et MINON : Intégration économique en Afrique : Exposé, séminaire du commerce extérieur,ISPL,2ème licence CI,1997-1998,(inedit) * 38 KLOTCHKOFF : Op.Cit.,p.24. |
|