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La RDC et le processus d'intégration des pays des Grands Lacs comme voie de sortie de la crise sécuritaire régionale

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par Eric Ntumba Bukasa
ENA (France) - Mastère en Administration Publique 2008
  

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Bilan et constat d'échec

Le bilan de la CEPGL qui a fonctionné de manière presque normal jusqu'en 1996 reste mitigé. L'organisation basée au Rwanda à Gisenyi a bénéficié pour ses projets du financement des Etats membres, de la BDEGL, de la Banque Mondiale et du Fond Européen pour le Développement (FED). Le déséquilibre auquel nous faisions allusion plus haut en parlant de la problématique de l'énergie n'a pas épargné le secteur financier de l'organisation. Ainsi la République Démocratique du Congo s'est très vite positionnée en principal actionnaire et de manière paradoxale aussi en principal débiteur.

Un tour d'horizon sur le fonctionnement des principaux organes spécialisés de la CEPGL laisse vite présager une explication au diagnostic d'échec que tous les observateurs ont vite fait d'établir.

La CEPGL semble avoir souffert, sur tous les plans, de la toute puissance de son initiateur le président Mobutu, oeuvrant à maintenir les pays partenaires dans une position d'inféodation se traduisant de manière lisible dans la situation permanente de déséquilibre qui a prévalu au sein de cette organisation. C'est dans une optique de caractérisation de ce déséquilibre que Arsène Mwaka Bwenge42(*) parle des `rapports de puissance à l'intérieur de la CEPGL... où Mobutu le `` grand frère'', `` l'ainé'' trônait sur ses deux `cadets'.

Cette approche valorisant un `homme fort de la Région' était garantie par l'audience internationale dont Mobutu jouissait, ainsi que par la facilité qu'il avait à obtenir des puissances étrangère et des institutions financières internationales le renflouement des caisses de l'organisation43(*).

Le financement quasi acquis de la CEPGL par l'entremise de Mobutu, partie intégrante des jeux et des enjeux de la guerre froide, ainsi que l'audience internationale de ce dernier, garante de sa toute puissance en Afrique centrale, vont s'effondrer en même temps que le bloc soviétique, laissant filer vers l'Europe de l'Est le regard et l'attention des puissances occidentales et des bailleurs de fonds.

Cette situation va entraîner la CEPGL dans le gouffre et réduire à sa plus simple expression le poids politique de Mobutu Sese Seko, rompant une fois pour toute la pérennité du déséquilibre régional institutionnalisé en faveur de la RDC.

C'est l'institutionnalisation de ce déséquilibre qui est la raison majeure, sous-jacente à toutes les autres, de l'échec de la CEPGL.

On ne peut espérer parvenir à une politique d'intégration régionale effective par un assujettissement de ses partenaires. L'histoire prouve à suffisance que le meilleur moyen de réussir ce genre d'intégration par domination est de faire la guerre. Nous savons tous aujourd'hui que cette guerre s'est déroulée et plutôt dans le sens inverse.

Un tour d'horizon sur les objectifs et le fonctionnement d'un des organes spécialisés aide à comprendre les causes de cet échec.

La BDEGL : avait pour objectif de promouvoir le développement économique et social des Etats membres, de financer des projets communautaires communs et certains projets nationaux, en favorisant la coopération entre les Etats de la communauté et leur intégration économique. La Banque été chargée de fournir une assistance technique dans l'étude, la préparation et l'exécution de ces projets. Elle a été relativement fonctionnelle de 1984 à 1994, année marquant le début du grand cycle d'instabilité régionale avec le génocide rwandais.

Regroupant des actionnaires divers, la banque a pendant ces dix années de fonctionnement mobilisé un capital de la hauteur de 23 258 786 DTS ayant pour actionnaire majeur la RDC avec presque 45.5%44(*) du capital, soit plus que les contributions du Rwanda et du Burundi prises ensemble. L'écart entre les contributions des 3 Etats membres est facile à comprendre, considérant à juste titre le fait que la taille et le potentiel économique de la RDC ne sont en rien comparables avec les potentiels respectifs de ses partenaires. L'une des erreurs majeures de la Banque, a été de s'écarter de ses objectifs et de sa logique d'intégration régionale et de soutien à des projets d'intérêts communautaires, en répercutant le déséquilibre favorable à la RDC sur tous ses crédits de financement.

De 1984 à 1993, sur 46 projets, la BDEGL a contribué au financement de 31 projets en RDC pour un coût d' environ 29 052 000 DTS soit 76% du total des crédits contre seulement 7 projets pour le Rwanda représentant 15% du total des crédits (5 839 000 DTS), 7 pour le Burundi ( 1 993 300 DTS soient 5% du total des crédits) et paradoxalement un seul projet commun(SINELAC : 1 500 000 DTS, soit seulement 4% du total des crédits)45(*). Comment comprendre que seuls 4% du total des crédits soient alloués au seul projet à portée communautaire ?

Dans les faits, la Banque et ses crédits se sont vu détournés de leur but initial et éparpillés sur une myriade de petits projets dirigés par une mafia d'entrepreneurs à la solde du régime de Kinshasa. N Mutabazi46(*) évoque la gestion chaotique, l'hyperinflation, les pillages, la destruction de l'outil de production, ainsi que le financement de projets non viables, comme les principales raisons de la faillite des projets et de la Banque. Le Zaïre, présenté comme « le plus grand actionnaire et finalement le plus grand débiteur »47(*), est aux yeux de bon nombre de d'observateurs le fossoyeur de la BDEGL.

Le même déséquilibre est facilement retrouvé dans les autres organes spécialisés. Mais au-delà de la mauvaise gestion des biens communautaires, c'est bien à l'échelle sécuritaire que se mesure l'ampleur de l'échec de la CEPGL.

Malgré son intention première d'oeuvrer, par le biais de l'intégration régionale, à la sécurité des Etats membres et de leurs populations, la CEPGL n'a pas su empêcher le génocide rwandais, les guerres successives au Congo et les cycles de violence au Burundi. Cet échec pourrait signifier que les efforts des Etats membres de la CEPGL et de la communauté internationale n'aient en rien touché du doigt le vrai problème de la Région en se concentrant sur les aspects économiques, s'obstinant à investir sur « des volcans sociopolitiques » selon l'expression imagée d'Arsène Mwaka Bwenge48(*).

Les idées de relance de la CEPGL, que nous étudierons plus tard, mettent aujourd'hui l'accent sur la nécessité d'élaborer pour la région des structures sécuritaires communes, peut être un Etat-major régional commun et surtout des mécanismes régionaux de prévention et de résolution des conflits au lieu de se limiter à fluidifier les échanges économiques.

Les pays de la CEPGL doivent se consacrer avant tout à résoudre les problèmes sécuritaires qui les minent et aboutir à la détente politique nécessaire au bon déroulement de tout projet régional de développement.

* 42 Arsène Mwaka Bwenge, « D'une CEPGL à une autre : quelles alternatives dans les stratégies actuelles d'intégration et de coopération pour le développement ? », Centre d'Etudes Politiques, Université de Kinshasa

* 43 D. Muhinduka, « Perspective sur la durabilité de la Société Internationale d'Electricité des Pays des Grands Lacs (SINELAC), communication présentée aux XXèmes journées ATM-CREDES. Droits et développement, Nancy 25-27 mai 2004, p.5

* 44 La RDC en tant qu'Etat contribuait à la hauteur de 35,55% du capital, nous avons agrégé à ces chiffres les contributions des sociétés publiques congolaises qui y participaient aussi en tant qu'actionnaires.

* 45 Arsène Mwaka op. cit.

* 46N. Mutabazi, « politique d'intégration économique des pays des grands lacs : lecture d'un échec », in Reconstruction de la République Démocratique du Congo. Le rôle de la société civile, Cahiers des droits de l'homme et de la paix en région des grands lacs, vol. 1, n°1, 2004

* 47Arsène Mwaka op. cit.

* 48 Idem

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo