CEPGL : pistes de relance
envisageables et contexte de sortie de crise
Au-delà de la nécessité de sortir de la
condition préjudiciable de déséquilibre interne dont a
souffert la CEPGL, il y a lieu de revisiter le paradigme entier des tentatives
d'intégration régionales qu'a connu le continent africain depuis
l'accession des anciennes colonies à l'indépendance.
Il nous incombe de repenser en profondeur l'idée
même de l'intégration africaine qui souffre encore aujourd'hui de
son paramétrage colonial et de son assujettissement au objectifs de la
mondialisation. Makhtar Diouf49(*) remarque en effet qu'au départ « la
stratégie d'intégration économique en Afrique... a d'abord
été imposée par les autorités coloniales pour
être ensuite confiée à des experts citoyens des anciennes
métropoles ...» et qu'en suite « elle n'est plus
pensée en fonction du développement de l'Afrique. Elle est au
service de la mondialisation... ». Comment pouvions-nous
espérer qu'une intégration conçue de cette façon
puisse aboutir à un développement stabilisant de nos
sous-régions africaines. En multipliant les regroupements
sous-régionaux sur des bases erronées, les africains ont juste
réussi à multiplier leurs problèmes, et surtout leurs
dépenses, sans atteindre les objectifs envisagés. Les efforts
d'intégration se sont souvent bornés à créer des
organisations à périmètre d'action circonscrit et
constant, figées sur des problèmes de nature et d'ordre technique
et sectoriel. Elles se sont efforcées habilement, sous couvert du
principe de souveraineté, d'éviter tout aspect politique. Comment
sortir de « ce paradoxe d'une Afrique qui s'éternise dans le
sous-développement tout en détenant le record mondial du nombre
d'organisations sous-régionales chargées de promouvoir
l'intégration économique»50(*) ? l'erreur ne viendrait-elle pas du fait d'avoir
inverser l'importance des rôles de chaque mot dans la séquence
« intégration économique » en ne portant
l'accent que sur les déterminants économique de
l'intégration africaine, négligeant de facto les
aspects politiques, sociaux, sécuritaires, ethniques et culturels qui
forgent la complexité de toute réalité africaine.
Les pays africains doivent prendre leurs
responsabilités et trancher sur l'option à prendre entre se
limiter à des « simples instruments de coopération, des
lieux de rencontre et de dialogue, ou réaliser une véritable
intégration...qui suppose un abandon plus ou moins important de leur
souveraineté ...et la capacité de décider comme de faire
appliquer des décisions51(*).
Il importe donc de changer de grille de lecture, de se
défaire du postulat quasi établi stipulant que les facteurs
d'instabilité qui provoquent les guerres africaines sont d'abord de
nature économique. C'est ce postulat qui pousse les États
africains à ne considérer que le volet économique comme
seul levier viable pour l'établissement d'espaces africains de paix et
de prospérité partagées.
Arsène Mwaka Bwenge52(*) dénonce cette conception,
héritée et propagée par les institutions
financières internationales et quelque peu mécaniste. Il propose
plutôt l'élaboration d'un modèle qui tiendrait compte des
problèmes et préoccupations politiques et sécuritaires.
Nous partageons ce point de vue, non seulement parce que les
regroupements économiques sous-régionaux ne se sont pas
montrés aptes à prévenir, contenir ou stopper la violence
là où elle s'est manifestée (pour la simple raison qu'ils
n'étaient pas équipés pour), mais aussi parce que la
solution à l'instabilité récurrente qui prévaut
dans la région ne peut que revêtir un caractère holistique.
Il ne s'agit donc pas d'inverser la tendance en reléguant
l'économique à un rôle de second plan, mais plutôt
d'arriver à des solutions africaines qui croisent tous les facteurs en
présence.
Le facteur économique, jusque là seul
plébiscité dans les tentatives d'intégration africaines,
n'est pas à négliger comme le montrent les résultats de
l'étude53(*) que
nous avons conduite en 2005. En revanche il ne peut plus être le seul
considérant qui vaille, sur lequel se fondent tous les efforts
d'intégration.
Cette étude vise à établir un
modèle de prédiction des risques d'apparition d'un conflit
violent et du niveau d'atrocité de celui-ci à partir de
données quantitatives prises sur l'ensemble des pays africains. Elle a
pris en compte comme données de départ les facteurs
socio-économico-politiques quantifiables couramment avancées pour
tenter d'expliquer l'embourbement de l'Afrique dans les affres de la violence.
Parmi ces facteurs ont retrouve le nombre d'ethnies en présence, le
nombre de pays frontaliers, la densité de population, le PIB per capita,
le taux d'alphabétisation, la dépense militaire, l'effectif
militaire, l'espérance de vie, etc. Ces facteurs sont pris sur la
période allant de 1970 à 2005.
L'étude s'est efforcée d'étudier l'impact
de ces variables sur la mortalité (niveau d'atrocité) en cas de
conflit. Contrairement aux hypothèses généralement
émises, d'un point de vue strictement statistique, seules deux de ces
variables justifient à plus de 70% le risque humain (taux de
mortalité des conflits) des pays africains. Ces deux variables ne sont
autres que le PIB per capita (facteur économique) et la dépense
militaire (facteur militaire).
Elles jouent sur le risque selon le modèle
mathématique suivant :
Indice = .
Cet index a permis de hiérarchiser les pays africains
les plus exposés en cas de conflits armés en ne
considérant que des variables quantifiables.
Le résultat de cette étude m'étonne
doublement :
- d'abord, les variables socio-économico-politiques
quantifiables couramment avancées pour tenter d'expliquer chaos africain
ne semblent pas influencer les résultats ou le font de manière
statistiquement négligeable. Par exemple, le crédo de la
« coupe à l'équerre du continent africain »
par les puissances coloniales à Berlin en 1885, et sa traduction en
frontières pittoresques et amalgames d'ethnies, pris en compte dans la
formulation de cet indice sous les variables nombre de pays frontaliers et
nombre d'ethnies en présence ne semble pas peser sur la capacité
de certains pays à développer des conflits armés
particulièrement meurtriers.
- Ensuite, l'indice révèle deux facteurs en
vraie corrélation avec le niveau de risque des conflits africain: le
facteur économique (PIB) et le facteur sécuritaire
(Dépense militaire). Ces deux facteurs sont mis en exergue dans la
déclaration de la CEPGL, même si dans les faits le facteur
sécuritaire a été volontairement négligé au
profit du facteur économique. Il est intéressant de constater que
le risque n'est maîtrisé que si un équilibre est atteint
entre la création des richesses (développement économique)
et la sécurisation des richesses crées et des facteurs de
production qui les créent (sécuritaire). La rupture de
l'équilibre tend à augmenter le risque. La création des
richesses (le facteur économique) joue en faveur d'une diminution des
risques, justifiant le fait qu'une population qui n'a économiquement
rien à perdre soit plus dangereuse qu'une population qui
considérerait tout conflit comme un manque à gagner
conséquent. Inversement un pays qui aurait une dépense militaire
(facteur sécuritaire) disproportionné par rapport au niveau de
vie de ses populations (ce qui est souvent le cas des régimes
autoritaires) serait plus exposé à la menace d'un conflit
meurtrier (le conflit étant latent dans la plus part des cas). La
dépense militaire est d'autant plus explicative qu'elle détermine
le nombre d'armes légères et de petit calibre disponibles dans le
pays. Ces armes qui échappent souvent aux circuits des armées
régulières font des ravages en situation de conflit en
Afrique54(*).
Sur les 52 pays étudiés, il se dégage
une échelle de risque allant de presque 0 pour les Seychelles à
206 pour l'Ethiopie pour un indice de risque moyen de 24 pour le continent.
Sur cet ensemble, 15 pays ont un risque supérieur
à l'indice de risque moyen (24) et requièrent une attention
spéciale :
Ethiopia
|
206
|
DRC
|
96
|
Nigeria
|
68
|
Eritrea
|
65
|
Sudan
|
52
|
Burundi
|
50
|
Uganda
|
41
|
Egypt
|
36
|
Kenya
|
34
|
Rwanda
|
32
|
Somalia
|
30
|
Tchad
|
30
|
Mozambique
|
28
|
Mali
|
28
|
Morocco
|
28
|
Algeria
|
26
|
|
Les 3 pays de la CEPGL (en orange : DRC, Rwanda, Burundi)
font parti de ce groupe de pays à risque élevé
prédit par le modèle et ils ont tous les trois
développé des conflits armés d'intensités
différentes pendant la période étudiée (1970
à 2005). 4 autres pays font parti de la zone des Grands Lacs Africains
(en jaune : Soudan, Ouganda, Kenya, Tchad), faisant clairement de cette
région la zone la plus volatile du continent africain (7 pays sur les 15
les plus exposés selon l'étude se situent dans cette
région). La région des grands lacs africains abrite les sources
du Nil et peut par son instabilité exacerber la situation
déjà difficile de 3 autres pays du bassin du Nil qui ont un
indice de risque déjà élevé (en vert :
l'Ethiopie, l'Erythrée, l'Egypte). Cette relation avec le Nil explique
surement l'implication active de l'Egypte dans le PGL, signataire du pacte de
Nairobi comme pays coopté.
Cette étude statistique démontre que les
regroupements africains (du moins dans la région des grands lacs)
devraient prendre en compte les deux facteurs (économique et
sécuritaire) de manière couplée. Arsène
Mwaka55(*), partant d'une
analyse sociopolitique, arrive à la même conclusion.
- Enfin, les résultats de cette étude, fiables
dans leur prédiction à 75%, suggèrent qu'il est tout aussi
important de lire cette grille de prédiction à l'aide de facteurs
qualitatifs identifiables ou à identifier (facteurs sociopolitiques non
quantifiables) pouvant tempérer ou exacerber le risque
d'émergence des conflits.
Nous devinons ces facteurs comme essentiellement politiques.
A leur lumière, ont peut tenter d'expliquer pourquoi et comment le
Rwanda (indice 32), par une politique d'exclusion réciproque et une
propagande génocidaire a produit un conflit d'un coût humain
beaucoup plus lourd que le Burundi (indice 50) qui dans des conditions
sociopolitiques presque similaires (présence du binôme tutsi/hutu)
et avec un indice de risque beaucoup plus élevé a pu
éviter ce niveau d'atrocité. Le facteur politique exacerbant est
du coté rwandais clairement identifié (propagandes
génocidaires, logique d'exclusion réciproque,) tandis qu'à
l'opposé, les burundais ont plutôt bénéficié
du facteur tempérant d'une politique plus inclusive de
réconciliation nationale.
Les pays africains doivent ainsi concevoir des regroupements
basés sur le triptyque Politique, économique et
sécuritaire. Seule la définition d'un vrai projet régional
(politique) oeuvrant à l'établissement d'une zone de
prospérité commune (économique) et d'un espace vital
régional stable et solidaire (sécuritaire) délivrera
toutes les promesses que le continent recherche depuis les indépendances
dans ses efforts d'intégration.
La CEPGL, en explorant les pistes de sa relance, doit
dépasser le caractère déclaratoire qui caractérise
les regroupements africains pour s'inscrire dans une logique d'actions et de
projets concrets contribuant à des objectifs identifiés et
mesurables.
Il est pour ce faire impératif de clarifier les
attentes de chacun et d'aboutir à une conception commune de
l'utilité d'une CEPGL agrandie et relancée. Il faut identifier le
dénominateur commun de ces attentes et bâtir la nouvelle CEPGL sur
ce socle solide.
Mais comment réussir à réconcilier les
différentes visions et ambitions des Etat membres, a priori divergentes,
pour déboucher sur une vision commune ?
Bertin Salumu56(*) identifie 4 visions conflictuelles comme causes de
l'échec de la CEPGL. Nous nous proposons de les concilier dans un
nouveau modèle d'intégration capable d'assurer la réussite
de la relance actuellement envisagée :
- Une vision `mobutienne' qui fait
de la RDC « l'alpha et l'oméga » d'une CEPGL
limitée à 3 états. Cette vision soumet l'organisation aux
seuls intérêts congolais.
- Une vision `musevenienne' de la
région des Grands Lacs, bien plus large que la seule CEPGL, devant
aboutir en aval à la création d'une république
swahiliphone regroupant le sud Soudan, la RDC, le Nord de l'Angola, le Burundi,
le Rwanda et l'Ouganda (qui en serait le fer de lance). C'est là donc
une vision expansionniste de l'influence de l'Ouganda qui recherche un
arrière pays ou une périphérie pour assurer et soutenir sa
croissance économique,57(*) mais aussi la résurgence du besoin
stratégique de relier sa cote Indienne au littoral atlantique (RDC,
Angola).
- Une vision `Kagamienne', qui
considère la région des Grands Lacs comme un tutsiland
(composé de tous les pays qui abritent des populations tutsies, quelque
soit leur statut ou leur nombre) avec la RDC comme hinterland. Cette vision
correspond au vieux rêve d'un hypothétique empire Hima-Tutsi.
C'est une vision protectrice de l'ethnie tutsie, marquée par les
exactions et le génocide dont elle a été victime, que le
régime de Kigali brandi pour justifier son interventionnisme militaire
dans la région.
- Une vision dite occidentale de
« balkanisation » du Congo qui faisant
abstraction de la souveraineté étatique de la RDC viserait
à arrimer les provinces du Kivu au Rwanda et au Burundi,
résolvant ainsi les problèmes de viabilité
économiques et les problèmes de surpopulation de ces deux
états.
Ces visions à priori divergentes pourraient se
retrouver, d'une façon ou d'une autre prises en compte, dans le nouvel
ensemble à construire. Elles laissent transparaître des
aspirations profondes de Leadership, de viabilité économique, de
désenclavement et de sécurisation des populations.
Sur le plan du leadership régional, bien exprimé
dans les visions `mobutienne' et `musevenienne', avec la RDC comme ancienne
puissance régionale et l'Ouganda comme nouveau prétendant au
poste, la nouvelle CEPGL doit s'efforcer d'assurer à tous ses Etats
membres le même rayonnement. Un rayonnement régional permettant et
encourageant la prise d'initiative de chacun indépendamment du poids
économique, géographique et démographique des parties en
présence. Il faut pour cela arriver à définir un
« co-leadership » régional, aboutir à une
meilleure appropriation par tous de la région et de ses initiatives.
L'élargissement de la communauté à des
pays comme l'Angola, la Tanzanie et le Kenya devrait relativiser le poids que
chacun s'accorde neutraliser les vieilles velléités. Cette
nouvelle CEPGL doit concevoir un leadership régional capable de se
mesurer aux autres grands ensembles africains. La condition président
à l'émergence d'un tel leadership, fièrement
partagé par les pays de la région, est le
démantèlement de certaines tentatives d'intégration
concurrentes par l'interdiction aux pays de la région d'appartenir en
parallèle à d'autres regroupements (par exemple la RDC est
foncièrement inefficace parce que dispersée entre la CEEAC, la
SADC, le COMESA et cela sans vraiment s'identifier à - ni peser de tout
son poids dans- aucune de ses structures).
Seule une participation exclusive à un ensemble unique
peut garantir avec le temps la naissance d'un sentiment d'appartenance
régionale nécessaire à un rayonnement commun. Une
région des Grands Lacs ainsi constituée pourrait bien s'inscrire
comme un pôle NEPAD et participer en bloc aux efforts panafricains de
développement. Il faut donc se départir de « la
stratégie de d'intégration balkanisation »58(*)qui tend à entreprendre
des efforts d'intégration entre des groupes restreints et qui à
pour conséquence la multiplication d'organisations sans gain
d'efficacité. La nouvelle CEPGL doit donc s'inscrire dans l'effort
général de rationalisation de l'intégration africaine.
Cette réalisation implique la définition d'organisation
sous-régionale unique pour chaque sous région et l'appartenance
exclusive des pays des sous-régions concernées à ces
organisations respectives. Makhtar Diouf59(*), relève que la prolifération des
organisations d'intégration en Afrique (et l'appartenance concomitante
de certains pays à toutes ces organisations60(*)) constitue un handicap majeur
pour l'intégration sur ce continent. Il note par ailleurs que
« les efforts déployés dans les années 1980 par
la Commission Economique des Nations Unies pour l'Afrique (CEA) »
allaient dans le sens de cette rationalisation de l'intégration
régionale africaine.
Sur le plan de la viabilité économique, une
logique solidaire pourrait faire bénéficier tous les pays de la
région de la force de chacun. Une approche établissant des
pôles de compétitivité régionaux, promouvant une
répartition équitable des projets de développement entre
tous les pays et favorisant l'émergence de voies transrégionales
de transport et de communication, servirait à la fois à
éradiquer les tentatives de création d'espace vitaux et
d'arrière pays et à résoudre le problème de
désenclavement dont souffrent les pays n'ayant pas d'accès
à l'océan.
Encore une fois, il est question de s'ancrer dans une
démarche concrète, axées sur des projets concrets.
A titre d'exemple, au lieu d'avoir des parcs nationaux de part
et d'autre de la Région du Rift africain, en Ouganda, en RDC, au Rwanda,
et au Kenya il pourrait être envisagé la création d'un
pôle de compétitivité éco-touristique piloter par le
Kenya (qui est le pays le plus avancé en la matière) pouvant
débouché sur une initiative de parc régional, un peu comme
l'idée déjà explorer par certains pays des Balkans autour
du lac Prespa.
Le même raisonnement pourrait s'appliquer aux pays de la
région ayant des littoraux avec un copilotage Tanzanien (Océan
Indien) et Congolais ou Angolais (Océan Atlantique) pour
déboucher sur une initiative concertée et profitable à
tous. Bien que genre de projets relèvent du long et moyen terme, il
demeure important que la relance de la CEPGL s'arme de l'ambition
nécessaire à arriver à de telles réalisations pour
ne pas être juste un regroupement de plus, voire un regroupement de
trop.
La construction d'une identité régionale
(sentiment d'appartenance partagé) parait aujourd'hui autant impossible
à réaliser que l'idée d'une identité
européenne au sortir de la deuxième guerre mondiale.
Le problème des regroupements africains est souvent
aggravé par le refoulement d'une certaine utopie qui, malheureusement,
entraîne avec lui le degré de vision nécessaire à la
construction de vrais ensembles régionaux.
La construction de ce sentiment d'appartenance régional
est nécessaire pour assouvir, dans le long terme, la soif identitaire et
sécuritaire de certaines minorités qui fondues dans un ensemble
plus grand se verraient sécuriser en tant que minorité parmi
d'autre minorités.
Car dans les faits, la minorité tutsi n'existe que face
à la majorité hutu, toutes les deux pourtant disparaissent, en
tant que telles, devant d'autres groupements de même taille ou plus
petits réunis au sein d'un groupement régional capable de
sécuriser tout le monde. C'est précisément ce qui s'est
passé à l'époque de l'hégémonie
zaïroise sur la région. A travers toute la RDC vivaient des
rwandais (hutu et tutsi) sous les mêmes dénominations
(Banyamulenge, Zaïrois d'origine rwandaise,...) sous la houlette d'un
régime qui les protégeaient tous autant. Il n'est donc pas
hérétique d'être visionnaire et d'assumer pour la nouvelle
CEPGL de réelles ambitions. Rien ne devrait empêcher aux
populations congolaises, rwandaises et burundaises de rêver à la
possibilité d'un passeport commun. Ces populations ont vécu,
vivent encore et vivrons probablement toujours dans un espace de libre
circulation des personnes de fait. Il importe de le formaliser et de l'encadrer
afin d'en tirer le meilleur parti.
Il incombe donc à la nouvelle CEPGL d'incarner cette
nouvelle vision et de ne pas manquer d'ambition. Elle a le défi de
répondre aux exigences pressantes d'aujourd'hui sans perdre l'horizon de
demain. La relance de la CEPGL doit faire revivre en harmonie les
considérants du texte de sa première convention61(*) : « les liens
historiques, géographiques et culturels, la similitude des
problèmes de développement, la communauté
d'intérêts et leurs aspirations communes à la paix,
à la sécurité et au progrès... ».
Considérants qui fournissent jusqu'ici l'alibi de l'opposition des uns
contre les autres, des logiques d'exclusion réciproque et des invasions
et occupations des territoires de pays voisins. Seule une CEPGL de cette
carrure sert habilement la paix et la prospérité régionale
et constitue une voie de sortie de la crise.
La CEPGL doit aussi prendre en compte, de manière plus
sérieuse et plus concertée, les questions sécuritaires.
Elle pourrait envisager une instance de coordination des Etats majors des pays
membres, des protocoles régionaux de surveillance des frontières
(La RDC et le Rwanda ont signé un tel protocole récemment) et une
force d'intervention rapide capable de prendre en charge la défense des
intérêts régionaux et la protection des populations
civiles.
Les domaines économiques et sécuritaires ne
doivent pas faire ombrage à des initiatives plus diversifiées
dans d'autres domaines d'intérêt commun comme l'Education, la
Culture, la Recherche, le Sport et tout autre levier capable de mettre l'accent
sur le patrimoine commun des populations de la région et de mettre
à profit la richesse de leur diversité.
La relance de la CEPGL s'inscrit pleinement dans le cadre plus
large de la Conférence Internationale sur la Région des Grands
Lacs (CIRGL), le Conseil des Ministres a mis sur pied une Commission
d'évaluation et de relance de la CEPGL pour coordonner cet effort de
réorganisation. En lien avec le Secrétariat Exécutif
Permanent et les Organismes spécialisés, elle est chargée
de revisiter tous les instruments de coopération et d'intégration
économique existants et de faire des propositions nouvelles.
La Commission d'évaluation et de relance incite
fortement les Etats membres à procéder à une
rationalisation et une harmonisation de leurs programmes nationaux dans le
cadre ce cette relance. La nouvelle CEPGL, doit intégrer des
problématiques d'actualité dans ses politiques et programmes
d'intégration comme la lutte contre le VIH/SIDA, la dimension du Genre
et le Développement durable afin de satisfaire aux exigences de son
temps. Celle-ci doit aboutir à la création,
échelonnée dans le temps, d'une Communauté des Etats des
grands lacs (CEGL), retirant ainsi l'emphase mise sur le pôle
économique d'une organisation appelée à de plus grands
desseins.
* 49 Makhtar Diouf,
« Mondialisme et Régionalisme, le `nouveau régionalisme
en Afrique' », IFAN, Université C.A. Diop, Dakar
* 50 Idem
* 51 Op. cit.
* 52 Idem
* 53 Eric Ntumba Bukasa,
«African index of conflict atrocity : a statistical analysis of
socio-economic, demographic and military data in a directed data mining
context, and the development of a prediction model to assess the level of risk
of a conflict outbreak and the conflict atrocity as the basis of a Decision
Support System», North West university, 2005 (travail de fin
d'études accompli en vue de l'obtention d'une maîtrise en
technologies de l'information / Bsc IT Honours)
* 54 Armes
légères, Conférence des Nations Unies sur le commerce
illicite des armes légères sur tous ses aspects,
http://www.un.org/french/Depts/dda/CAB/smallarms/brochure.htm,
consulté le 1er mai 2008
* 55 Op. cit.
* 56 Bertin Salumu,
« Région des Grands Lacs d'Afrique :
réalité géographique ou manipulation
géopolitique ? », l'Africain, no 220, 2005 :
28-33.
* 57 C'est exactement ce
qui s'est passé durant la deuxième guerre du Congo, l'Ouganda
captant toutes les retombées de l'activité économique de
la province orientale, supervisant les mines d'or et de diamant et
devenant la seule voie d'approvisionnement et le seul
débouché.
* 58 Op. cit.
* 59 Idem
* 60 Nous ajoutons
* 61 Rwanda, Burundi et
Zaïre, convention portant création de la communauté
économique des pays des grands lacs (CEPGL). Conclue à Gisenyi le
20 septembre 1976.
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