Les aspects juridiques de la protection de l'environnement dans les forets communautaires au Cameroun( Télécharger le fichier original )par Henry NKOTO EDJO Université de Limoges - Master2 Droit International et Comparé de l'environnement 2007 |
P2- La multiplication des mesures conservatoires.Bien que la foresterie communautaire ait pour objectif premier de lutter contre la pauvreté rurale, les préoccupations environnementales comme nous tachons de le démontrer n'en sont pas restées très éloignées. En effet, par ce que tout inventaire forestier de même que toute étude préalable à l'exploitation d'une forêt a souvent abouti à un plan de gestion de l'environnement, il n'est donc pas étonnant qu'il se soit développé en relation avec les modalités d'exploitation des forêts communautaires, un ensemble de mesures actives qui agissent dans le sens soit de la préservation du tissu forestier, ou simplement de l'amenuisement de son exploitation. Ces mesures s'étendent de l'institution du droit de préemption (B) à la suspension de l'exploitation des forêts communautaires par vente de coupe (A). A- La suspension de l'exploitation des forêts communautaires par vente de coupe. La législation en vigueur37(*), prévoit que les forêts communautaires soient exploitées par la communauté, par autorisation personnelle de coupe, par permis d'exploitation et par vente de coupe. Les ventes de coupe sont attribuées à des personnes physiques ou morales agrées à la profession forestière. Sachant que les forêts communautaires sont exploitées pendant vingt cinq (25) ans et selon le plan simple de gestion, l'assiette annuelle de coupe représentera alors les 1/25ème de la superficie de la forêt. Pour une forêt communautaire de 5.000 hectares (superficie maximale), l'assiette annuelle de coupe serait de 200 hectares, surface insuffisante pour couvrir les frais engagés (location d'engins, carburant, frais de personnels...) par l'exploitant forestier. Le risque ici est donc d'aller au-delà de l'assiette annuelle de coupe, ce qui serait un frein pour la gestion durable des ressources forestières ; d'où l'on peut valablement conclure à l'inopportunité des ventes de coupe dans les forêts communautaires. Aussi il a été assez prouvé que l'exploitation de type minier des forêts communautaires est une menace à la biodiversité de ces forêts. En effet, l'observation et la pratique dans les forêts communautaires a depuis les années 1995 présenté des manquements graves dans les obligations des exploitants forestiers qui malheureusement allaient toujours au-delà des quantités pour lesquelles ils avaient reçu l'autorisation d'exploitation et c'est donc pourquoi L'Administration en charge des forêts a décidé de mettre un terme à ces dérives par deux actes. Le premier de ces actes c'est la lettre circulaire N° O677/LC/MINEF du 23 février 2001 suspendant l'exploitation industrielle des forêts communautaires. La suspension prescrite par cette lettre est une mesure conservatoire suite aux nombreux dérapages observés dans l'exploitation et la commercialisation des produits des forêts communautaires. Elle préconise l'exploitation en régie au respect strict des prescriptions du plan simple de gestion. Il n'est donc plus question d'exploiter les forêts communautaires comme des fonds de commerce classiques mais plutôt de les gérer dans le respect des règles ayant motivées leur obtention et qui sont favorables à leur pérennisation. Le second acte c'est la Décision N° 1985/D/MINEF/SG/CFC du 26 Juin 2002 fixant les modalités d'exploitation en régie dans le cadre de la mise en oeuvre des plans simples de gestion des forêts communautaires. Cette décision vient répondre à un manquement de la lettre circulaire N° O677/LC/MINEF du 23 février 2001 qui ne définissait pas clairement les modalités de l'exploitation en régie par la méthode artisanale. Le régime juridique de l'exploitation en régie ainsi défini apporte un éclairage aux communautés pour qu'elles puissent librement s'arrimer à la nouvelle légalité gardienne de la gestion saine des forêts communautaires. Il est donc en réalité question ici de faire savoir que désormais, seule l'exploitation en régie doit avoir droit de cité dans les forêts communautaires. La décision de juin 2002 qui s'inscrit dans la continuité de l'arrêté de février 2001 priorise l'exploitation artisanale en régie au détriment de l'exploitation industrielle jugée fort dommageable pour l'environnement. L'objectif de ces mesures conservatoires c'est de faire en sorte que, les forêts communautaires, à défaut d'être gérées durablement soient tout au moins préservées en l'état. Bien que l'exploitation par vente de coupe dans les forêts communautaires ait été instituée par la loi, les développements qui précèdent démontrent à suffisance que ce mode d'exploitation restera tout de même difficile à réaliser, et quand bien même on tenterait de l'appliquer, les dérives subséquentes porteraient un préjudice grave à la viabilité même des forêts communautaires. B- L'institution du droit de préemption. Les efforts d'assainissement de la gestion des forêts communautaires trouvent leur justification en ceci que, la foresterie communautaire est considérée aujourd'hui comme l'une des meilleures stratégies de protection de l'environnement ; c'est donc pourquoi la plupart des Etats forestiers la privilégient souvent par la mise sur pied d'un dispositif juridique qui lui assure une promotion conséquente. Le Cameroun n'a pas été en reste dans cette mouvance, il a tôt fait d'accorder à la foresterie communautaire une place prioritaire dans son marché forestier. Le droit de préemption a été institué par l'arrêté N° 0518/MINEF/CAB du ministre de l'environnement et des forêts38(*) signé le 21 décembre 2001. Il fixe les modalités d'attribution en priorité aux communautés villageoises riveraines de toute forêt susceptible d'être mise en exploitation par vente de coupe. En effet, après l'adoption du manuel des procédures d'attribution et des normes de gestion des forêts communautaires39(*), la création des forêts communautaires est restée difficile, en raison, entre autres, de la concurrence que leur faisaient d'autres titres classiques d'exploitation des forêts au Cameroun, plus particulièrement la vente de coupe. Il se trouve que, en vue d'établir la liste exhaustive des forêts susceptible d'être mise en exploitation par vente de coupe sur appel d'offre, ou d'être érigées en forêts communautaires, l'Administration en charge des forêts40(*), conformément à la loi, est tenue d'identifier les zones forestières pouvant être exploitées sur une période de trois (3) ans par vente de coupe, ceci dans le but de valider le document de planification ci-après désigné « document de planification des ventes de coupe » en abrégé « DPVC ». Après publication de la carte de zonage, du « DPVC » et de la liste des villages riverains concernés par voie d'affichage dans les préfectures, sous-préfectures, mairies, services de l'administration chargée des forêts des régions concernées ou par toute autre voie jugée utile, l'Administration s'assure par accusé de réception signé par l'autorité traditionnelle ou toute autre autorité reconnue comme telle que, les communautés villageoises riveraines concernées ont reçu copie desdits documents. Les communautés villageoises disposent alors d'un délai de trois (3) mois pour manifester par une lettre d'intention leur ferme résolution d'ériger en forêt communautaire toute ou partie des forêts figurant dans le DPVC et dans lesquelles les droits d'usage sont reconnus41(*). Cette seule lettre d'intention à laquelle doit être jointe une carte de la zone forestière sollicitée entraine le retrait de la forêt concernée du DPVC et ouvre droit à la procédure d'acquisition de la forêt par les communautés villageoises riveraines42(*). Le problème était donc né par le fait que, l'Administration en charge des forêts pouvait attribuer les ventes de coupe sur les mêmes espaces de forêts pouvant être érigés en forêts communautaires. Le droit de préemption a donc tranché cette querelle ; désormais, les ventes de coupe ne sont attribuées sur les forêts ouvertes à l'exploitation que si les communautés riveraines de ces forêts ne veulent pas y faire des forêts communautaires. Il convient donc de comprendre que, dans les forêts du domaine forestier, le Gouvernement a décidé de faire priorité aux forêts communautaires par rapport aux autres titres d'exploitation forestière. L'institution du droit de préemption sur les forêts, au profit des communautés villageoises, pour les zones forestières du domaine non permanent ouvertes à l'exploitation, se présente comme la solution la mieux adaptée au contexte actuel, caractérisé non seulement par la volonté de promouvoir la participation des communautés à la gestion des ressources forestières d'une part ; mais aussi par le souci de faire valoir et de mettre en oeuvre les normes de gestion durable seules aptes à garantir la pérennité du patrimoine forestier mondial. Nous constatons donc que, les normes de gestion des forêts communautaires par leur déploiement et leur mise en oeuvre, font la preuve d'une prise en compte véritable des impératifs environnementaux. Sans pour autant s'arrêter à ce stade, le régime camerounais des forêts communautaires a conçu des barrières au respect des principes environnementaux. * 37 La loi de 1994 portant régime des forêts, art 54. * 38 Actuel Ministère de la forêt et de la protection de la nature (MINFOF) organisé par le décret N° 2005/099 du 06 avril 2005. * 39 Décision N° 253/D/MINEF/DF du 20 avril 1998. * 40 Plus précisément la Cellule de la Foresterie Communautaire (CFC) du Ministère des forêts et de la faune.cf art 5 de l'arrêté. * 41 Art 6 (3) de l'arrêté * 42 Art 6 (4) de l'arrêté |
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