Les aspects juridiques de la protection de l'environnement dans les forets communautaires au Cameroun( Télécharger le fichier original )par Henry NKOTO EDJO Université de Limoges - Master2 Droit International et Comparé de l'environnement 2007 |
P2- L'étude d'impact environnementalA la suite de la loi-cadre relative à la gestion de l'environnement du 5aout 1996, il est survenu en 2005 le décret N°2005/0577PM du 23 février 2005 portant sur les modalités de réalisation des études d'impact environnemental. L'étude d'impact environnemental est une conséquence de l'obligation internationale de prendre en compte l'environnement dans tout projet présentant un intérêt majeur dans une communauté humaine donnée ou dans un champ géographique déterminé. L'étude d'impact environnemental a été consacrée en droit international par le principe 17 de la déclaration de Rio de 199229(*) qui dispose que : « Une étude d'impact sur l'environnement, en tant qu'instrument national, doit être entreprise dans le cas des activités envisagées qui risquent d'avoir des effets nocifs importants sur l'environnement et dépendent de la décision d'une autorité nationale compétente. » L'étude d'impact environnemental présente donc un intérêt certain (A) et obéit à des modalités de réalisations qui lui sont propres (B) A- L'intérêt de l'étude d'impact environnemental. Par ce que le Cameroun est partie à de nombreuses conventions internationales de protection de l'environnement, il a tôt fait de réceptionner dans son ordre juridique interne cet outil qu'est l'étude d'impact environnemental. Comme nous l'avons souligné plus haut, il y a eu en 1996 la loi-cadre portant gestion de l'environnement, en 2005 le décret fixant les modalités de réalisation des études d'impact environnemental et toujours en 2005 l'arrêté N°0070/MINEP du 23 avril 2005 fixant les différentes catégories d'opération dont la réalisation est soumise à une étude d'impact environnemental, l'article 3 de cet arrêté classe les forêts communautaires parmi les catégories d'opérations assujetties à une étude d'impact environnemental sommaire. L'étude d'impact environnemental a pour rôle d'éviter qu'une activité qui se justifie au plan économique ou simplement au point de vue des intérêts immédiats des bénéficiaires ne se révèle ultérieurement néfaste ou catastrophique pour l'environnement. Ce que l'on recherche donc c'est prévenir les atteintes à la nature en évaluant à l'avance les effets des différentes actions humaines en projet dans l'écosystème forestier en question ; surtout qu'il est de plus en plus démontré dans certains cas que la prévision des actions néfastes d'un projet peut être très délicate par le fait que certaines modifications de l'équilibre écologique ne peuvent apparaître que très tard. En ce qui concerne les forêts communautaires, l'étude d'impact environnemental peut intervenir par exemple par rapport à la protection de la diversité biologique, à la lutte contre la désertification. La convention sur la diversité biologique affirme dans le point 8 du préambule : « il importe au plus haut point d'anticiper et de prévenir les causes de la réduction ou de la perte sensible de la diversité biologique à la source et de s'y attaquer ». La cour internationale de justice n'est pas restée à la traine dans cette mouvance pour l'anticipation sur le mal puisque dans un arrêt du 25 septembre 1997 on a pu lire : « la cour ne perd pas de vue que, dans le domaine de la protection de l'environnement, la vigilance et la prévention s'imposent en raison du caractère souvent irréversible des dommages causés à l'environnement et des limites inhérentes aux mécanismes de réparation de ce type de dommages »30(*). De façon plus concrète, l'étude d'impact environnemental participe de la surveillance de l'environnement en vue de « déceler le plus tôt possible toute dégradation ou menace, intervenir en temps utile »31(*) L'étude d'impact environnemental est donc finalement la mise en oeuvre du vieux principe « prévenir vaut mieux que guérir » et pour cela il faut réfléchir avant d'agir. Pour prévenir, il faut connaitre et étudier à l'avance l'impact, c'est-à-dire les effets de l'action en question, d'où l'on peut librement penser que c'est une règle de bon sens qui par prudence et par prévision exige une étude scientifique préalable. Un auteur à savoir Michel Prieur pense que l'étude d'impact est une procédure administrative que l'on peut qualifier de révolutionnaire par ce qu'en pénétrant l'ensemble du dispositif du droit administratif, elle contraint les autorités publiques et les acteurs privés à changer de mentalités et d'attitudes32(*). Il conclut en disant que cette alliance du bon sens et de la révolution qui caractérise la procédure de l'étude d'impact exprime bien la philosophie du combat pour l'environnement. En définitive, l'étude d'impact est donc très bénéfique en ce sens qu'elle étudie scientifiquement l'insertion d'un projet dans l'ensemble de son environnement en examinant les effets directs et indirects, immédiats et lointains, individuels et collectifs, comme pour signifier que l'on réalise donc une sorte de socialisation du projet. L'écologie oblige à avoir une vision globale qui, à partir d'un projet donné, intègre toute une série de facteurs à priori extérieurs au projet. On retrouve cette obligation dans de nombreuses conventions internationales générales33(*) ; elle est aussi présente dans plusieurs conventions de conservation de la nature34(*) . Au Cameroun, la législation sur la question a donc clairement défini les modalités de sa mise en oeuvre. B- Les modalités de réalisation des études d'impact environnemental. L'étude d'impact environnemental présente un ensemble de conditions obligatoires, gage de sa bonne exécution et desquelles dépendra la fiabilité du résultat. Le décret de 2005 qui présente l'étude d'impact comme un examen systématique en vue de déterminer si un projet a ou non un effet défavorable sur l'environnement, a en cinq (5) chapitres déterminer les points par lesquels doivent passer une étude d'impact environnemental au Cameroun. Le premier point est relatif au contenu de l'étude d'impact environnemental. Sur cet aspect, précisons qu'il existe deux types d'études d'impact environnemental, l'étude d'impact environnemental sommaire et l'étude détaillée d'impact environnemental. Celle qui est exigée pour les forêts communautaires c'est l'étude sommaire, et elle s'entend de la description de l'environnement de la forêt ainsi que celui de la zone dans laquelle se trouve la forêt, de la description du projet d'exploitation communautaire de la forêt, de la production d'un rapport de descente sur le terrain, l'inventaire et la description des impacts du projet sur l'environnement de même que les mesures d'atténuation envisagées par la communauté, les termes de référence de l'étude et les références bibliographiques y relatives. Le second point est relatif à la procédure d'élaboration et d'approbation des études d'impact environnemental. Celui-ci précise que c'est le promoteur du projet donc la communauté en la personne de son représentant qui doit saisir le ministère de l'environnement pour déposer en plus du dossier général du projet ; une demande de réalisation de l'étude d'impact environnemental comportant la raison sociale, le capital social, le secteur d'activité et le nombre d'emplois prévus dans le projet ; les termes de référence de l'étude assortis d'un mémoire descriptif et justificatif du projet mettant l'accent sur la préservation de l'environnement et les raisons du choix du site et enfin la quittance de versement des frais de dossier. L'Administration dispose d'un délai de dix (10) jours pour transmettre avec avis motivé ladite demande au ministre chargé de l'environnement. En cas de silence du ministère de l'environnement et après expiration du délai de trente (30) jours suivant le dépôt du dossier, le promoteur peut considérer les termes de référence recevables. Il est utile de préciser que la réalisation de l'étude d'impact environnemental doit être faite avec la participation des populations concernées à travers des consultations et audiences publiques, afin de recueillir les avis des populations sur le projet. La consultation publique consiste en des réunions pendant l'étude dans les localités concernées par le projet ; l'audience publique est destinée à faire la publicité de l'étude, à enregistrer les oppositions éventuelles et à permettre aux populations de se prononcer sur les conclusions de l'étude. Le promoteur doit faire parvenir aux représentants des populations concernées trente (30) jours au moins avant la date de la première réunion, un programme de consultations publiques qui comporte les dates et lieux des réunions, le mémoire descriptif et explicatif du projet et des objectifs des concertations. Ce programme doit être au préalable approuvé par l'administration chargée de l'environnement. Une large diffusion en est faite et chaque réunion est sanctionnée par un procès verbal signé du promoteur du projet et des représentants des populations, copie du procès verbal sera joint au rapport de l'étude d'impact environnemental. Tout projet dont l'étude d'impact a été approuvé qui n'est pas mis en oeuvre dans un délai de trois (3) ans à compter de la date d'approbation voit son certificat de conformité environnementale être automatiquement frappé de caducité. Le troisième point est relatif à la surveillance et au suivi environnemental du projet ; il exige que tout projet qui fait l'objet d'une étude d'impact environnemental soit soumis à une surveillance administrative et technique. Celle-ci porte sur la mise en oeuvre effective du plan de gestion environnementale inclus dans l'étude d'impact et fait l'objet d'un rapport conjoint. Sur la base desdits rapports, des mesures correctives additionnelles peuvent être adoptées pour tenir compte des effets non initialement identifiés ou insuffisamment appréciés dans l'étude d'impact environnemental. Toujours en matière d'évaluation des études d'impact et de contrôle de surveillance et de suivi de leurs plans de mise en oeuvre des projets, l'administration chargée de l'environnement peut recourir à l'expertise privée, suivant les modalités prévues par la règlementation sur les marchés publics.35(*) La protection de l'environnement est donc prise en compte dans la procédure d'attribution des forêts communautaires au Cameroun par ce qu'elle a volontairement intégrée ses principes dans les conditions obligatoires auxquelles sont soumises les communautés d'une part, mais aussi par ce que les préalables sur la forêt concernée expriment encore mieux le souci de cet impératif. Mais la protection de l'environnement ne pourra véritablement irriguer les forêts communautaires que si elle était aussi prise en compte dans la phase de l'exploitation desdites forêts. * 29 Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement, résultat de la conférence de nations unies sur l'environnement et le développement qui s'est tenue à Rio de Janeiro au Brésil du 3 au 14 juin 1992. * 30 CIJ affaire du projet Gabcikovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), arrêt du 25 septembre 1997, paragraphe 140 * 31 Charte mondiale de la nature, principe 19. * 32 Michel Prieur, les principes généraux du droit de l'environnement, cours n°5 tronc commun, page 22 consultable sur le site envidroit. * 33 parmi lesquelles la convention nordique du 19 février 1974 qui introduit pour la première fois l'obligation de réaliser une étude d'impact transfrontière en cas de dommage potentiel, puis des conventions sur le milieu marin y font référence, ainsi la convention sur la mer Baltique (1992, art.7), celle sur l'Atlantique du Nord-est (1992, art.6), de même la convention du droit de la mer (1982, art. 206) * 34 La convention de Kuala Lumpur (1985, art 14), celle d'Apia (Pacifique sud, 1976, art.5), le protocole sur l'environnement en Antarctique (1991, art.8), sans oublier la convention sur la diversité biologique (1992, art. 14). La convention sur l'évaluation de l'impact de l'environnement dans un contexte transfrontière (Espoo en Finlande, 25.2.1991) * 35 Il s'agit du Décret N°2004/275 du 24 septembre 2004 portant Code des Marchés Publics. |
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