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Les aspects juridiques de la protection de l'environnement dans les forets communautaires au Cameroun

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par Henry NKOTO EDJO
Université de Limoges - Master2 Droit International et Comparé de l'environnement 2007
  

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P2- Le pouvoir d'action limité des populations.

Le droit en vigueur a fortement limité le pouvoir d'action des populations pour les opérations relatives à la recherche, à la constatation et la poursuite des infractions forestières. L'action des communautés se résume en un rôle surveillance de la forêt qui finalement s'avère insuffisant (A) de par l'ampleur de la potentielle criminalité ; aussi, l'exclusivité administrative du déclenchement de l'action publique, dont la légalité doit être regardée de façon problématique, ne va pas dans le sens de résoudre cette difficulté (B).

A- L'insuffisance du pouvoir de surveillance des communautés.

La loi du 20 janvier 1994 et le décret d'application du régime des forêts, dans les dispositions qu'ils consacrent à la prévention et à la répression des infractions qui pourraient être commises dans les forêts communautaires, ne s'étendent que sur la contribution de l'Etat. Le décret n'aborde la contribution de la communauté que pour lui confier un rôle de surveillance de la forêt communautaire, et mentionner qu'en cas d'infractions aux règles de gestion d'une forêt communautaire, la mise en oeuvre de l'action publique à l'encontre des auteurs de ces infractions relèvent de l'administration chargée des forêts que la responsable de la communauté peut saisir à cet effet.

Le pouvoir de surveillance dévolu aux communautés s'avère insuffisant tout d'abord par ce que, comme nous l'avons décrié après l'avoir constaté, l'Administration brille par sa passivité ; le problème ici réside dans l'inapplication de la mesure législative car, si l'administration forestière sévissait à chaque fois que les communautés lui indiquaient un cas d'infraction, la question serait sans intérêt au fond et le débat n'aurait pas droit de cité ; c'est en réalité par ce que les dénonciations faites par les communautés restent sans suite que le constat de l'insuffisance de leur pouvoir alors simplement réduit à la dénonciation peut être fait, et de façon regrettable. Ensuite, il nous revient de reconnaitre que, la situation querellée ne va pas dans le sens d'aider les communautés à véritablement se prendre en main puisque, étant gestionnaires d'un espace forestier, elles auraient bien pu elles même se substituer à la puissance publique en cas d'inertie de celle-ci. Mais par risque de verser dans l'illégalité ces communautés sont donc contraints à l'immobilisme qui quelque soit les cas n'est pas voué à résoudre le problème ; d'où la persistance du constat à savoir que, le cantonnement des communautés en matière de prévention et de répression des infractions forestières au seul et unique rôle de surveillance est une limite importante dans les mécanismes de gestion durable des forêts communautaires. Fort de cette situation, il nous est permis de penser qu'un réaménagement du dispositif juridique en la matière, qui augmenterait les pouvoirs des communautés en ce sens serait salutaire. A la suite de ce qui précède, peut-on légalement affirmer que l'exclusivité administrative de déclenchement de l'action publique contre toute infraction commise dans une forêt communautaire est exempte de vices ?

B- L'exclusivité administrative en question.

Comme souligné plus haut, la loi prévoit que seule l'Administration peut mettre en mouvement l'action publique suite aux dénonciations faites par les populations bénéficiaires de la forêt. Cette mesure législative est peu convaincante lorsqu'on y jette un regard rigoureux, l'on peut d'ailleurs penser qu'elle fait l'objet d'une légalité problématique.

Le caractère douteux de la disposition qui n'ouvre à la communauté que la voie de la dénonciation tient en ceci que, la loi forestière, ainsi que les règles applicables à toutes les procédures répressives, à savoir celles du code de procédure pénale applicable au Cameroun, semblent s'opposer à une telle restriction. En faisant de la communauté villageoise concernée la propriétaire de toutes les ressources de la forêt communautaire88(*), la loi forestière en fait en même temps la victime de l'exploitation frauduleuse desdites ressources. Or, en vertu de l'article 157 alinéa 1 du code de procédure pénale camerounais, « toute personne qui se prétend lésée par un crime ou par un délit peut, en portant plainte se constituer partie civile devant le juge d'instruction compétent » ; ce qui signifie que, la victime d'une infraction est habilitée à déclencher l'action publique (ou action pour l'application des peines) en même temps que l'action civile (ou action en réparation du dommage causé). Le déclenchement de l'action publique par la victime se fait au moyen, soit d'une plainte avec constitution de partie civile, qui saisit le magistrat instructeur tenant lieu de juridiction d'instruction, sans qu'il soit besoin de passer par l'administration forestière, la police ou la gendarmerie, soit d'une citation directe du contrevenant devant le tribunal compétent89(*) conformément à l'article 40 alinéa 3 du code de procédure pénale90(*).

Une autre raison qui pourrait témoigner du caractère douteux de l'exclusivité administrative de la mise en mouvement de l'action publique tient au fait que, le droit de propriété sur les ressources forestières qui est reconnu à la communauté est un droit subjectif. Les droits subjectifs se caractérisent par le fait que, seuls les titulaires peuvent en défendre les effets.

Nous constatons donc que, le monopole de l'action publique dont dispose l'administration forestière, s'est constitué à la suite d'une mise entre parenthèse des principes de principes cardinaux du droit et de la procédure pénale, d'où la nécessité une fois de plus d'une réforme du droit sur ces aspects qui, fort de tout cela compromettent la gestion durable des forêts communautaires, tout en compromettant la pleine matérialisation du principe de participation.

Il est loisible de constater en définitive que, la récurrence des infractions dans les forêts communautaires, s'explique par les nombreuses failles que présentent les garanties de bonne gestion posées par le droit, qui n'a par ailleurs pas manqué de limiter le champ d'action des populations locales qui, ne serait ce que pour préserver leurs intérêts pouvaient jouer un rôle essentiel en ce sens.

Toutes les insuffisances observées dans la mise en oeuvre du droit, de même que les faiblesses intrinsèquement juridiques qui ont été préalablement présentées, rendent compte du caractère non absolu de la protection juridique de l'environnement dans les forêts communautaires au Cameroun. Non pas pour dire que la protection de l'environnement dans les forêts communautaires est inefficace, il est plutôt question de comprendre au travers des différents aspects présentés dans cette seconde partie que les insuffisances présentées et commentées font le témoignage de la nécessité d'une relativisation de l'efficacité des principes étudiés dans la première partie ; c'est pourquoi nous n'avons pas manqué à chaque étape de proposer des ébauches de solution en vue d'améliorer ces modalités de gestion, dans le but de les inscrire définitivement dans la durabilité.

* 88 Loi du 20 janvier 1994, art. 37, al. 3 : « les produits forestiers de toute nature résultant de l'exploitation des forêts communautaires appartiennent entièrement aux communautés villageoises concernées ».

* 89 La partie civile doit faire élection de domicile dans le ressort de la juridiction saisie si elle n'y est pas domiciliée. Art 42 du code de procédure pénale.

* 90 Art 40, al 3 : « la citation est délivrée à la requête du ministère public, de la personne lésée par l'infraction ou de toute personne intéressée ».

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe