III. Les facteurs de la créativité des
groupes de brainstorming
La première utilisation du mot brainstorming dans son
sens actuel est attribuée à Alex Osborn, fondateur de l'agence de
communication BBDO. Dans les années 40, Osborn considère que les
employés américains n'expriment pas assez leurs idées dans
les réunions à cause des conventions sociales qui limitent la
contribution créative à quelques participants dominants. Il
propose alors une solution pragmatique sans réelle rationalité
théorique en définissant un cadre de réunion dont le but
est de lever les blocages sociaux pour donner libre cours à la
génération d'idées. Dans ses ouvrages Your creative power
(1948) et Applied Imagination (1957), il définit et développe
quatre règles fondamentales pour y parvenir. Ces quatre règles
sont encore aujourd'hui souvent énoncées au début d'un
brainstorming :
- Aucune critique n'est acceptée,
- Les idées « farfelues » sont
bienvenues,
- La quantité est encouragée,
- Les idées sont en permanence combinées et
améliorées.
Osborn ajoute que le nombre de participants doit être
idéalement compris entre 5 et 7 participants (un faible nombre de
participants limite le nombre de suggestions et un nombre plus important rend
le brainstorming plus difficilement contrôlable) et que la phase de
production des idées doit être suivie par une phase de
classification et de sélection des meilleures idées. Enfin, il
précise que ces règles ne doivent pas être suivies de
manière trop rigide, car le brainstorming doit rester spontané et
agréable.
Le brainstorming est aujourd'hui l'outil le plus
fréquemment utilisé pour générer des idées.
Toute organisation confrontée à un problème ou ayant
besoin d'idées nouvelles est susceptible d'utiliser le brainstorming.
Par exemple, une des sociétés leader de développement de
produits, IDEO Corporation, a l'habitude d'organiser un brainstorming au
début de chacune de ses missions pour partager les idées des
membres de l'équipe. D'autres brainstormings s'improvisent ensuite tout
au long de la mission (Sutton et Hargadon, 1996). L'utilisation
planifiée ou improvisée du brainstorming est aujourd'hui
généralisée à presque toutes les organisations.
Parallèlement à l'expansion de son usage, des
chercheurs en psychologie (psychologie appliquée ou psychologie sociale)
se sont penchés sur le fonctionnement du brainstorming et sur les
facteurs de succès de la créativité en groupe. En premier
lieu, ils ont cherché à valider que les règles de
fonctionnement proposées par Osborn étaient valides. Ils ont
ensuite proposé et validé des méthodes alternatives pour
améliorer la performance des brainstormings. Leur recherche s'est
basée la plupart du temps sur des études en laboratoire, au sein
des universités. Les expériences en laboratoire présentent
l'avantage de pouvoir être réalisées sur de grands
échantillons (souvent plus de 80 groupes de brainstorming
composés d'étudiants) et dans des conditions
contrôlées (durée et déroulement des brainstorming,
nombre de participants etc.) (King & Anderson, 1995). Ce champ de la
recherche présente aussi l'intérêt d'être très
productif en nombre de publications. 208 articles de recherche étudiant
le brainstorming ont été publiés entre 1967 et 1994
d'après la revue Psychological Abstracts (Sutton et Hargadon, 1996). Les
conclusions des études peuvent donc souvent être recoupées,
ce qui augmente la fiabilité des résultats. Cette recherche
fournit les bases solides d'une compréhension du processus de
génération d'idées en groupe et permet d'identifier des
facteurs qui inhibent ou favorisent la créativité. Nous
consacrerons cette partie à présenter et à
synthétiser les principaux facteurs qui ont été mis en
évidence.
1. Un cadre conceptuel cohérent avec le
modèle d'Amabile
Les chercheurs en psychologie appliquée
définissent la créativité comme un processus cognitif.
« Générer des idées est un processus cognitif
qui consiste à mobiliser des connaissances dans la mémoire
à long terme et à associer cette connaissance à la
mémoire active » (Paulus, 2007).
Les trois composantes de la créativité
énoncées par Amabile peuvent s'intégrer dans cette
approche de la créativité :
- Les compétences liées à la
créativité (adoption de nouveaux points de vue,
persévérance etc.) facilitent les associations nouvelles entre la
mémoire à long terme et la mémoire active.
- Les compétences du domaine constituent la
mémoire à long terme pertinente par rapport au sujet
- La motivation intrinsèque est le moteur de cet effort
créatif
Schéma 5: lnfluence des composantes de la
créativité d'Amabile sur le processus cognitif de
génération d'idées.
Les composantes de la créativité d'Amabile
constituent une trame cohérente avec l'approche cognitive de la
créativité généralement utilisée par la
recherche sur le brainstorming. Ainsi, nous proposons de classer les facteurs
de la créativité en brainstorming au sein des trois composantes
de la créativité d'Amabile :
1. Les facteurs favorisant les compétences liées
au domaine
2. Les facteurs favorisant l'expression et le
développement des aptitudes créatives
3. Les facteurs favorisant la motivation intrinsèque
Schéma 6 : Classification des facteurs favorisant
la créativité en brainstorming.
Schéma inspiré d'un schéma de Teresa
Amabile (voir annexe 1)
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