4. Impact de ces modèles sur la pratique des
entreprises
Ces modèles de la créativité
organisationnelle ont inspiré des chercheurs et des consultants pour
recommander de méthodes de stimulation de la créativité
dans les entreprises. Deux types d'outils de management ont ainsi
été mis en place : les dispositifs intraprenariaux
(Bouchard, 2004) et les systèmes de management des idées
(Robinson et Stern, 1998, Robinson et Getz, 2007) :
- Les dispositifs intraprenariaux reposent sur l'idée
qu'il faut laisser l'organisation en place en charge de ce qu'elle sait le
mieux faire - gérer l'existant - et confier à des individus ou
à des petits groupes la tâche d'identifier et d'exploiter de
nouvelles opportunités. Les individus et les petits groupes sont en
effet considérés comme plus aptes à remplir cette
tâche en raison de leur créativité, flexibilité et
capacité d'apprentissage inhérentes dès lors qu'ils sont
libérés des contraintes de l'organisation. Concrètement,
les dispositifs intraprenariaux consistent à encourager les
salariés à générer des projets de création
de nouvelles activités et à leur confier la mise en place en leur
donnant les ressources nécessaires en terme de temps, d'argent et
d'autonomie. Les dispositifs intraprenariaux s'appuient donc sur trois leviers
principaux identifiés comme critiques par les travaux de
créativité organisationnelle : l'autonomie, l'engagement
personnel et le contrôle des ressources (Amabile, 1988 ; Woodman, Sawyer
et Griffin, 1993). Des entreprises aussi connues qu'Eastman Kodak, Xerox
Corporation et Lucent Technologies aux Etats-Unis, SAS, Siemens Nixdorf en
Europe ainsi que d'autres moins connues ont, au cours de leur histoire
récente, mis en place des dispositifs intrapreneuriaux.
- Les systèmes de management des idées (SMI)
reposent sur l'idée que tous les salariés de l'entreprise peuvent
contribuer à l'innovation. Les SMI consistent donc à mettre en
place un ensemble de méthodes pour encourager, réaliser et
reconnaître les idées de tous les salariés et favoriser
ainsi l'innovation continue. Deux principes essentiels au bon fonctionnement
des SMI visent à favoriser la motivation intrinsèque. Le premier
est de décentraliser au maximum la gestion des idées. Dans la
mesure du possible la décision de mettre en place l'idée ainsi
que sa mise en oeuvre doit être confiée au salarié
lui-même, sans passer par sa hiérarchie. Si une décision
par la hiérarchie est jugée nécessaire, celle ci doit
être en mesure de donner une réponse dans un délai de 72h
au salarié. Si la réponse est positive, la mise en place de
l'idée sera confiée au salarié. « Ce qui stimule
le plus le salarié, c'est de voir son idée
réalisée. La créativité repose sur des motivations
personnelles, comme la volonté de laisser sa propre marque. »
(Getz, 2005). Le deuxième principe est de mettre en place un
système de récompenses déconnecté des
résultats, si possible avec l'implication de la direction
générale. Une rencontre régulière entre le PDG et
les auteurs des idées est un exemple de récompense
recommandée. A l'inverse, les incitations financières sont
proscrites. « Donner une somme prédéfinie signifierait
qu'avoir des idées ne fait pas partie du travail quotidien de chaque
salarié. Ensuite, cela pervertit le système : s'il y a un
barème, les salariés tendent à se censurer. Ils croient
devoir attendre de trouver la meilleure idée, celle qui rapportera le
plus, alors que pour être créatif, il ne faut préjuger de
rien. Ce sont parfois les idées les plus basiques qui rapportent le plus
à l'entreprise » (Getz, 2005). Ce type de système a d'abord
vu le jour au Japon, puis aux Etats-Unis avant de concerner les grandes
entreprises européennes. En France, Renault et ST Microelectronics ont
par exemple mis en place des SMI (Getz, 2007).
Par le biais des ces deux dispositifs, le courant de la
créativité organisationnelle a trouvé des applications
importantes au sein des entreprises. Ces applications se situent dans un
logique d'innovation interne et s'intègrent dans un modèle
d'innovation fermée. De manière complémentaire, le champs
de la créativité organisationnelle peut il nous suggérer
des facteurs du succès pour l'intégration de personnes
extérieures dans les processus de créativité ?
Un des enseignements majeurs qui ressort de ces modèles
de créativité organisationnelle est que la
créativité se joue d'abord au niveau de l'individu et qu'il
existe des caractéristiques qui permettent de déterminer si un
individu à des chances d'être créatif. Les composantes de
la créativité de Teresa Amabile (motivation intrinsèque,
compétences pour le domaine et compétences pour la
créativité) ainsi que les traits de personnalité du
modèle de Simon Taggar (le caractère consciencieux, l'ouverture
aux expériences, le caractère agréable et l'extraversion)
peuvent ainsi être considérés comme des critères
pertinents pour sélectionner les personnes à intégrer dans
un processus d'innovation. Concrètement, pour savoir si une personne
extérieure présente un potentiel créatif pour
l'entreprise, il sera probablement intéressant de valider qu'elle
possède une forte motivation intrinsèque (une passion pour le
sujet), une connaissance du sujet originale et pertinente ainsi que des
compétences pour la créativité (ce qui peut être
validé par la qualité des idées que cette personnes a
généré par le passé). Le caractère
consciencieux, l'ouverture aux expériences, le caractère
agréable et l'extraversion pourront être considérés
comme des indices en faveur de la possession des composantes d'Amabile.
Dans la partie suivante, nous présenterons les
principaux enseignements de la recherche sur le brainstorming. Cette partie
nous permettra d'identifier des facteurs de succès liés à
l'organisation et à l'animation des groupes de brainstorming avec des
personnes extérieures à l'entreprise et/ou avec des personnes
internes.
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