2. Facteurs favorisant l'accès aux
compétences liées au domaine
- Nous distinguons dans cette partie trois types de moyens pour mobiliser des
compétences ou des connaissances à priori peu accessibles :
- - Les stimulations cognitives
- - L'exploration préalable
- - L'intégration de profils ayant des connaissances
variées
Effet positif des stimuli
- Le cerveau humain a tendance à suivre des cheminements de
pensée conventionnels et cela réduit fortement ses performances
créatives (de Bono, 2004). Dans son modèle du « chemin
de la plus faible résistance », Ward (1994) a émis
l'hypothèse que les personnes génèrent des idées
avec le moins d'effort cognitif possible. Ainsi, nous avons souvent
l'impression que les idées qui émergent d'un brainstorming sont
banales et que tout le monde exprime spontanément des idées
similaires. C'est ce que nous pourrions appeler le syndrome du
« marteau rouge » : si vous demandez à
quelqu'un de citer un outil, il y a de grandes chances pour qu'il choisisse le
marteau et si vous lui demandez lui sa couleur, il choisira probablement le
rouge (alors que la réponse marteau/rouge n'est qu'une combinaison parmi
des centaines, voir des milliers de possibilités). Cela illustre le fait
que notre cerveau cherche spontanément les informations les plus
facilement accessibles.
- Un moyen pour sortir du « chemin de la plus faible
résistance » est d'accroître la
« flexibilité » de la génération
d'idées. Accroître la flexibilité consiste à forcer
les participants à changer fréquemment de catégorie
sémantique ou à explorer des catégories qu'ils n'ont pas
l'habitude d'utiliser. Par exemple, l'exercice du mot aléatoire
proposé par Edward de Bono consiste à choisir un mot au hasard
dans un dictionnaire et à recenser toutes les caractéristiques
qui peuvent lui être associées. Ces caractéristiques sont
ensuite utilisées pour trouver des idées sur le sujet
d'étude. De nombreuses autres techniques de stimulation ont
été imaginées pour élargir les champs des
connaissances explorées. Dans son ouvrage intitulé Idées,
Guy Aznar (2006) en propose une sélection de 100. Leur principe commun
est de forcer le cerveau à mobiliser des connaissances originales
grâce à des phases successives de divergence (aller mobiliser la
mémoire de long terme en utilisant un stimulus) et de convergence
(réaliser des associations avec le sujet).
Au cours d'un brainstorming, l'exposition aux idées
d'autres personnes peut avoir ce rôle de stimulus. Une idée de
quelqu'un peut susciter une bonne idée chez une autre personne en
activant un ensemble de connaissances a priori peu accessibles. Il a ainsi
été démontré que l'exposition aux idées
d'autres personnes permet de générer des idées plus
originales (Legett Dugosh et Paulus, 2005; Nijstad, 2002)
- Effet positif d'une exploration préalable du
sujet
Un autre moyen de sortir du « chemin de la plus
faible résistance » est d'accroître la
«profondeur» de la génération d'idées. Cela peut
passer par une exploration préalable d'un domaine lié au sujet de
la recherche d'idées. Une expérience réalisée par
Nijstad en 2007 a mis en lumière l'efficacité de cette phase
d'exploration préalable. Avant le brainstorming, certains participants
ont répondu à une série de quatre questions ouvertes
portant sur un des domaines de la recherche d'idées (exemple : des
questions portant sur la nutrition si le sujet est lié à
l'amélioration de la santé). Ces participants ont
généré plus d'idées, plus d'idées originales
et plus d'idées de haute qualité (à la fois originales et
réalisables) sur le domaine concerné que les participants n'ayant
pas répondu aux questions préalables.
Effet positif de l'intégration de personnes
ayant des connaissances variées
Une troisième piste étudiée pour
mobiliser des connaissances à priori peu accessibles est
d'intégrer des personnes ayant des compétences du domaine
variées. Une étude de Diehl et Stroebe (1994) a montré que
les groupes hétérogènes (en terme de lien avec le sujet
étudié) explorent plus de catégories d'idées et
génèrent plus d'idées que les groupes homogènes.
Pour que la diversité au sein d'un groupe soit un
facteur positif, elle doit permettre de couvrir un ensemble de
compétences et connaissances du domaine plus large. Ainsi, il est
souvent plus intéressant de chercher une diversité et une
complémentarité des connaissances plutôt qu'une
diversité sociale comme l'origine ethnique ou l'âge, etc.
Cependant, une diversité sur des critères socio
démographiques peut aussi se montrer bénéfique si elle
permet d'accroître la variété des connaissances et des
compétences disponibles pour trouver des idées. Shruijer (1997) a
ainsi montré une légère supériorité des
groupes mixtes (homme et femme) sur les groupes composés uniquement
d'hommes ou uniquement de femmes.
Une deuxième condition du succès de la
diversité est qu'elle ne doit pas empêcher la cohésion du
groupe. De nombreux auteurs ont en effet souligné que le manque
cohésion peut marquer la limite des avantages de la diversité
(Zhou et Shin, 2007). L'hétérogénéité d'un
groupe peut réduire l'attachement des membres, la communication, et
accroître les conflits et le turnover (Zhou et Shin, 2007). Par
conséquent, la clé pour profiter de la diversité est de
minimiser ses effets négatifs sur les interactions entre les membres du
groupe en gardant ses bénéfices (West, 2002).
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