V. Présentation de l'expérience et des
résultats
1. Participants
Le processus de créativité croisée a
été réalisé en partenariat avec La Poste et
Bouygues Telecom. Le choix de ces entreprises s'est fait en deux
étapes :
1. Deux managers chez La Poste se sont montré
intéressé, à la condition de la sélection d'une
entreprise partenaire qui puisse apporter une connaissance de la cible des
15-25 ans et qui ne soit pas en concurrence directe avec une activité de
La Poste.
2. Une sélection de trois entreprises correspondant
à ces critères a été effectuée et des
propositions ont été envoyées par mail à plusieurs
responsables marketing. Un manager du service marketing stratégique de
Bouygues Telecom a répondu positivement à cette proposition.
L'objectif des deux entreprises était lié
à la cible des 15-25 ans :
- Objectif de La Poste : « Identifier des
idées pour que l'offre courrier de la Poste réponde aux besoins
de la cible 15-25 ans »
- Objectif de Bouygues : « Identifier des
idées pour fidéliser les clients de 15-25 ans à la marque
Bouygues Telecom »
Chaque entreprise était représentée par
cinq participants ayant un poste de chef de produit ou assistant chef de
produit. Les deux équipes étaient exclusivement composées
de femmes.
Tableau 2 : Composition des équipes internes et
externes.
2. Plan d'expérience
Le processus a été conçu pour
répondre à trois objectifs :
- Mettre en place des conditions identiques entre les
brainstormings externes et internes pour les rendre comparables. L'animation
pouvait différer d'un sujet à l'autre mais elle devait rester
identique sur un même sujet pour le groupe interne et le groupe
externe.
- Maximiser le potentiel créatif du processus dans son
ensemble.
- Maintenir une durée d'implication inférieure
à quatre heures pour chaque participant.
L'ensemble du processus s'est déroulé sur une
durée de 8 semaines et comprenait les brainstormings (s'étalant
sur 4 semaines) et la sélection des idées (s'étalant sur 4
semaines).
Les brainstormings
Les quatre brainstormings étaient constitués de
trois phases : un briefing, un exercice
d'« exploration » et la génération
d'idées:
- La phase de briefing, d'une durée de 10 mm,
commençait avec une présentation du contexte et de l'objectif
pour l'entreprise. Pour les groupes externes, les principales dernières
innovations lancées par la marque étaient aussi
présentées. L'objectif était surtout de souligner l'enjeu
de la réunion afin de motiver l'équipe (Amabile, 1988) et de
limiter la proportion d'idées hors sujet ou déjà
réalisées par l'entreprise. Dans un deuxième temps, les
règles du brainstorming (Générer autant d'idées que
possible, suspendre le jugement, émettre aussi les idées
farfelues) étaient exposées. L'animateur indiquait aux
participants qu'ils devaient considérer la réunion comme un jeu
dont le but était de générer plus d'idées que
l'équipe de l'autre entreprise. Cette indication avait pour but de
créer une émulation favorable à la
créativité (Paulus et Dzindolet, 1993). Enfin, les types
d'exercices réalisés étaient exposés et
expliqués (le principe et le rôle de phase d'exploration et de la
structuration du brainstorming en plusieurs axes de réflexion).
- La phase d'exploration, d'une durée de 15 mm
consistait à répondre collectivement à deux questions
liées au sujet de la génération d'idée. Pour les
groupes travaillant sur le sujet de Bouygues Telecom, il était par
exemple demandé de lister les techniques de fidélisation
existantes. Cette phase avait pour but de stimuler la mémoire de long
terme pour faciliter la génération d'idées (Nijstad,
2007).
- La phase de génération d'idées, d'une
durée de 1h10 à 1h20, était structurée par
plusieurs axes de réflexion et par la succession de phases de
réflexion individuelles et collectives. Cela permettait de tenir compte
des enseignements de Coskun et al (2000) au sujet de l'effet positif d'une
animation structurée et des enseignements de Paulus et Dzindolet (1993)
sur l'importance d'intégrer des phases de réflexion individuelle
au cours du brainstorming. Concrètement, ce mode d'animation consistait
en une succession de 3 à 6 séquences
« présentation d'un axe de réflexion (5mm) /
génération d'idées individuelles et par écrit (7mn)
/ génération d'idées en groupe (7mm) ». Une
variante a été adoptée pour les brainstormings sur le
sujet de La Poste avec la réalisation d'une phase collective unique et
plus longue (20 mm) à la fin de la réunion.
Les conditions de l'animation
Afin de contrôler l'effet d'ordre, chaque équipe
réalisait d'abord le brainstorming sur le sujet interne. Afin de limiter
l'effet de lassitude, les brainstormings étaient séparés
d'une semaine. Afin de contrôler au maximum les conditions externes, les
brainstormings d'une même équipe se déroulaient à un
même horaire et ont été animé par une même
personne. Les brainstormings sur le sujet La Poste ont duré 1h35 et les
brainstormings sur le sujet Bouygues Telecom ont duré 1h45.
Tableaux 3: Comparaison des conditions et du
déroulement des brainstormings sur le sujet de La Poste.
Tableaux 4: Comparaison des conditions et du
déroulement des brainstormings sur le sujet de Bouygues Telecom.
La sélection des idées
La rationalité de la sélection des idées
par les participants à un brainstorming a été fortement
mise ne doute par Nijstad en 2006. Dans une étude empirique, il compare
la sélection des idées réalisée par 136 personnes
(ayant participé au brainstorming) à la sélection
réalisée par une personne extérieure avec l'aide d'une
grille de notation détaillée. « La différence
non significative de la qualité des idées
générées et des idées sélectionnées
[par les participants au brainstorming] suggère que la sélection
des participants n'est pas meilleure que le hasard. Ce résultat est
d'ailleurs cohérent avec ceux de Simonton (2003) dans son analyse de la
créativité dans la science et la littérature. Simonton
rapporte que les personnes ne sont pas efficaces à reconnaître
leurs meilleures idées et que cela n'améliore pas le
déroulement de leur carrière ». Afin de limiter
l'impact de la subjectivité des sélectionneurs, nous avons
organisé la phase de sélection en demandant de remplir une grille
de notation et nous avons confié la sélection à plusieurs
personnes.
Les sélectionneurs étaient des managers internes
(Trois managers pour le sujet Bouygues Telecom et un pour le sujet La Poste) et
un expert indépendant (Un consultant en innovation pour les deux
sujets). Chaque sélectionneur disposait de la liste des idées
(idées internes et idées externes mélangées, sans
signe de distinction). Pour chaque idée, il était demandé
d'attribuer une note de 1 à 4 sur trois critères -
l'originalité, l'attractivité et la faisabilité - et une
note globale (Voir questionnaire de sélection en annexe 4) ainsi que de
sélectionner les cinq idées qui étaient, selon le
sélectionneur, les plus intéressantes pour l'entreprise. Afin de
faciliter ce travail, les idées étaient classées par
thème, correspondant aux différents axes de réflexion.
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