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Réflexion sur l`introduction du système de la dématérialisation des titres au porteur en droit positif congolais

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par Eric Katusele
Université de Goma -  2006
  

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§2. Le juge commercial

Le problème du juge dans les contestations qui peuvent surgir des rapports entre le preneur et l'émetteur ou entre les preneurs successifs méritent d'être résolu pour éviter à la société de subir les désordres pouvant naître des litiges non tranchés.

L'analyse sur la solution à donner à ces litiges se fait ici dans le cadre du droit congolais. La société qui est protégée c'est la société congolaise. L'intérêt de cette analyse se fait remarquer à deux niveaux. Premièrement, nous avons déjà eu l'occasion de dire que la réalité des opérations de bourse a une probabilité d'exister en RDC dans les jours à venir. Le Constituant lui-même a conscience de cela quand il prend déjà des mesures pour réserver au pouvoir central la compétence exclusive en matière de réglementation concernant les opérations de boursières77(*). En sus, le voeu de la RDC d'adhérer à l'OHADA l'expose aux activités d'un marché d'instruments financiers qui naîtrait dans ce cadre, car l'OHADA peut bien intégrer cet outil qui est la bourse78(*). La commission permanente de réforme du droit congolais, créée par la loi n° 76-007 du 15 juin 1976, bien qu'inactive depuis 2003, a en son sein la Sous-commission III chargée de faire rapport au Ministère de la justice sur l'adhésion de la RDC à l'OHADA79(*).

Deuxièmement, la réalité des rapports interindividuels peut apporter en RDC des contestations ayant trait aux opérations de bourse qui se sont déroulées à l'étranger. Le cas est celui d'un Monsieur Primus qui aurait acheté à la bourse de Paris des titres, mais qui doit en poursuivre recouvrement en RDC contre l'émetteur établi en RDC. Bref, ce n'est pas une excuse que d'ignorer la situation qui est posée par le recouvrement d'une créance née d'une opération boursière en justifiant que « la bourse de valeurs » n'existe pas encore en RDC.

Voilà pourquoi nous allons par ailleurs nous intéresser au problème de recouvrement de la créance née d'une opération de bourse pour savoir dans quelles conditions pourrait se pourvoir le créancier devant le juge du commerce.

Le législateur congolais a créé depuis 2001 des tribunaux de commerce en RDC80(*). Il appert important d'en analyser les règles pour savoir si ces tribunaux pourraient connaître de la contestation dont objet.

A. Organisation et compétence

I. Organisation

Le tribunal de commerce est composé des juges consulaires et d'un juge permanent, magistrat de carrière. Le tribunal est présidé par un magistrat du siège appartenant au corps judiciaire désigné et, le cas échéant, relevé de ses fonctions par le ministre de la justice (article 2 de la Loi sous examen). C'est là le système de l'échevinage qui consiste à constituer une juridiction des juges élus et un juge, au moins, professionnel. Le système congolais se distingue par cela de celui qui existait en France avant la réforme de 2000. Tous les juges des tribunaux de commerce, étaient élus par les délégués consulaires. La réforme de 2000 a institué des chambres mixtes au sein des tribunaux de commerce où siège côte à côte des juges élus et un juge consulaire. Cela, pour réduire les erreurs qui avaient été constatées dans les sentences que prenaient les juges consulaires ...81(*) Ce système a entre autres comme avantage de rendre une justice « plus dégagée des contingences locales » auxquelles des magistrats désignés par élection risquent de ne pas être indifférents82(*)

Les juges consulaires sont élus pour deux ans en ce qui concerne leur premier mandat et pour quatre ans pour les mandats suivants. Ils sont élus à la majorité relative des voix par un collège électoral composé des délégués consulaires désignés par les organisations professionnelles légalement reconnues et représentatives du commerce et de l'industrie. Un arrêté du ministre de la justice entérine l'élection. C'est une élection à deux niveaux. Il y a d'abord élection des délégués consulaires. Et ces derniers élisent les juges consulaires. Cela avait pour but de remédier à une certaine indifférence des électeurs (dans le système français notamment)83(*).

Le tribunal de commerce a son ressort ordinaire dans le ressort du TGI.

Le Procureur de la république près le TGI, dans le ressort duquel se trouve le siège du Tribunal de commerce exerce les fonctions de ministère public près cette juridiction. Il recherche les infractions à la législation économique et commerciale, poursuit et requiert les peines contre leurs auteurs ou complices présumés (article 12 de la loi sous examen). Précisons que dans le cadre de ce travail, l'action publique ne nous intéresse pas au premier chef.

II. Compétences

a) Compétence matérielle

Le tribunal de commerce est compétent pour toutes les contestations qui ont trait, en matière privé, aux faits et actes énumérés par le législateur à l'article 17 de la loi sous examen.

En ce qui nous concerne, le législateur donne au 3° de l'alinéa premier de l'article 17, la compétence des tribunaux de commerce pour les contestations entre toutes personnes relatives aux actes de commerce, en ce compris les actes relatifs aux sociétés commerciales, au fonds de commerce, à la concurrence commerciale et aux opérations de bourse. Précisons qu'en ce qui concerne les actions, la compétence des juridictions consulaires ne s'étend pas aux contestations qui ne mettent en cause que les rapports personnels des associés (en droit français), par ex. : à l'occasion d'une cession d'action ou de parts sociales 84(*) ; à moins que la cession n'entraîne transmission du contrôle de la société85(*).

Nous pensons qu'en droit congolais, une contestation relative à l'action d'une société, cette action étant, à notre avis, commerciale par elle-même du fait qu'elle s'intègre dans le cadre des opérations boursières, tomberait bien dans la compétence des tribunaux de commerce même si l'actionnaire qui les cède ne serait pas commerçant ou agirait à titre personnel. En effet, l'article 17 .3° parle des contestations relatives aux « actes de commerce entre toutes personnes ». Par conséquent, le créancier de la société émettrice peut se pourvoir devant le tribunal de commerce pour rechercher le secours de la justice dans le recouvrement de son droit, même s'il l'aurait acquis d'un actionnaire agissant à titre personnel.

b) Compétence territoriale

Le tribunal de commerce est compétent sur le ressort territorial d'un TGI.

Après l'exposé sur la compétence du tribunal de commerce, il convient d'indiquer au créancier le comportement à adopter en face de cette juridiction en ce qui concerne les formalités à observer pour permettre au juge de connaître de la prétention qu'il lui soumet et, le cas échéant, d'y faire droit.

B. Procédure

Le tribunal de commerce est saisi par requête verbale ou écrite ou par assignation conformément aux dispositions de l'article 2 du Code de Procédure Civile (CPC)86(*).

La requête verbale est formée par une déclaration reçue et actée par le greffier. Elle est signée par ce dernier et par le déclarant.

La requête écrite est déposée au greffe ou adressée au greffier par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Elle comprend les mentions relatives aux noms, professions et domiciles des parties, à l'indication de l'objet de la demande, à la date et à la signature de son auteur.

Une fois, la juridiction est saisie, il appartient au créancier de montrer au juge l'existence du contrat qui sous-tend l'opération de bourse et son exécution. Car, en effet, nous nous situons sur le plan de la responsabilité contractuelle qui n'exige pas la preuve de la faute du débiteur.

Ainsi, le créancier aura besoin de produire la preuve de son droit si celui-ci est contesté par l'adversaire au moment de l'instruction (I).

Conformément au droit congolais actuel, nous essayerons d'analyser les formalités de l'administration de des preuves énumérées ci-dessus. Il s'agit d'examiner comment ces moyens de preuve peuvent être administrés dans le cas où pareille contestation est évoquée devant le juge commercial congolais. Il ne faut pas oublier de considérer la situation qui naître suite à la rencontre de deux sujets de droit présentant un caractère d'extranéité.

En plus, il sera question d'éclairer la manière dont le créancier poursuivait l'exécution du jugement au cas où il en bénéficiait (II).

I. Règles gouvernant l'instruction

a) Principes généraux

En matière d'administration de la preuve, les règles de droit civil sont d'application. Cela n'empêche pas au législateur de disposer à l'article 24 de la loi sous examen qu'au jour fixé pour l'audience, si les parties comparaissent, le tribunal procède à l'instruction de la cause conformément aux règles de procédure en matière civile. Mais remarquons que la loi sous examen a prévu des procédures encore plus rapides en ce qui concerne les délais de recours qui passent de 15 à 8 jours pour l'opposition et de 30 à 8 jours pour l'appel.

Cet article, introduit dans le procès commercial des principes tels que celui du dispositif et de la neutralité du juge. Ce dernier interdit au juge de prendre l'initiative d'une preuve en faveur d'une partie. Le juge ne joue qu'un rôle d'arbitre qu'il ne se préoccupe pas d'établir, par ses propres moyens, la vérité des faits allégués, il se borne à apprécier l'efficacité des preuves qui lui sont soumises et il ne peut se faire la conviction qu'au moyen des voies et modes de preuve que la loi consacre expressément et qu'elle permet d'appliquer à la cause87(*) Le principe dispositif quant à lui a deux sens. Au sens étroit, il signifie que le juge ne peut pas se prononcer sur des questions dont il n'est pas saisi. Au sens large, le principe exprime l'idée que l'instance est à la disposition des plaideurs qui ont la maîtrise de son déclenchement, de son étendue, de son déroulement et de sa terminaison88(*). Les parties « disposent » du pouvoir juridictionnel89(*)

Ce principe-là de la passivité du juge connaît quelques limites posées par le CPC. A son article 29 al.2, il est disposé que le juge peut ordonner d'office la preuve des faits qui lui paraissent concluants si la loi ne le défend pas. Le juge peut, en tout état de cause et en toute matière ordonner même d'office la comparution personnelle des parties devant lui (art. 49 du CPC). Ce n'est là que l'expression des tempéraments au principe qui veut voir le juge se soumettre à la diligence des parties.

b) Règles gouvernant l'administration des preuves

Le principe est celui de la liberté de la preuve sous le contrôle du juge. Les preuves ne sont pas hiérarchisées de telle sorte que certaines auraient une plus grande force probante que d'autres. Les commerçants sont considérés comme suffisamment habiles et prudents pour que le législateur les oblige à se pré constituer des moyens de preuves. Le droit de la consommation les considère comme des professionnels vis-à-vis de leurs clients.

Les règles de preuve en matière commerciale sont déterminées, non pas en fonction de la nature du tribunal saisi mais en fonction de la qualité du demandeur à la preuve. La preuve est alors libre si l'action est dirigée par le non-commerçant contre le commerçant. Elle est soumise aux règles du droit civil si l'action est dirigée par le commerçant contre le non-commerçant90(*).

Ainsi, un non-commerçant peut prouver contre un commerçant par tous moyens de droit. Toutefois, le commerçant ne peut prouver contre un non-commerçant que dans le respect des règles civiles. C'est le cas lorsqu'il s'agit d'un acte mixte. C'est encore là une application du principe dualiste91(*). Et en ce qui nous concerne, l'obligation de la société émettrice est commerciale lorsque l'opération en question en question ne déroge pas au principe de la spécialité. Nous avons par ailleurs démontré que la commercialité objective de l'obligation qui naîtrait d'une opération de bourse. Le preneur est non-commerçant dans notre cas.

La liberté de la preuve s'applique essentiellement contre l'émetteur et s'il veut répliquer, les règles du droit civil s'imposent à lui. Car, en fait, les actes mixtes obéissent à un régime destiné à protéger le contractant non-commerçant des rigueurs du droit commercial, et dans notre cas, c'est le preneur qui est protégé92(*).

Nous nous situerons, dans les analyses qui suivent, sur le plan du droit interne (b.1) et sur le plan du droit international privé (b.2).

b.1 En droit interne

1. Preuves écrites

Le créancier peut produire les moyens de preuve cités ci-dessus. Il s'agit - rappelons-le - des certificats obtenus après inscription du droit, de carte de paiement93(*) et des livres dans lesquels le droit a été inscrit. En ce qui concerne ce dernier moyen, il ne peut pas être brandi par la société émettrice contre le preneur, mais il fait foi contre celui qui l'a établi (articles 211 et 212 du CCCLIII).

Précisons une réalité. Lors de l'acquisition du droit, c'est l'intermédiaire qui est dans l'opération. L'épargnant ne fait qu'ouvrir chez son intermédiaire un compte. Il reste à l'intermédiaire d'exécuter l'ordre de bourse en achetant pour le compte de son client (l'épargnant) les titres auprès de la société émettrice. L'intermédiaire ouvre ainsi un compte à son nom auprès de l'organisme émetteur.

Il y a alors intervention de deux livres ici, en principe. Alors, quels livres produira le créancier ?

Nous estimons qu'il peut produire les livres de deux institutions en établissant leur corrélation quant à l'existence de son droit.

Mais le cas est encore simple ici. Prenons le cas où le droit a d'abord circulé. Il y a eu plusieurs personnes qui ont intervenu dans l'opération avant que le créancier ne devienne titulaire du droit. Nous pensons que si sa créance est contestée par l'émetteur, il pourra prouver son droit par une suite ininterrompue d'acquisitions en produisant au besoin les extraits de tous les livres d'intermédiaires qui ont dû enregistrer le droit et les livres de l'émetteur qui a constaté cette titularité tournante du droit. Car, en fait le droit circule, et comme le titre est dématérialisé, la négociation du droit se fait à coup d'inscriptions dans un registre tenu à cet effet.

Et pour le cas de la bourse de Paris, une institution centralise les données, c'est EUROCLEAR France.

2. Autres preuves

Nous savons que le droit commercial ne connaît pas seulement des preuves écrites. Mais les autres modes de preuve y sont aussi admissibles. C'est le cas des témoignages qui peuvent par ailleurs renverser un acte écrit, des serments et des aveux qui ont la même incidence que celle qu'ils auraient eu dans une cause civile ainsi que des présomptions.

A propos des enquêtes, le législateur dispose que ces dernières ainsi que les expertises, les visites des lieux, le serment, la comparution personnelle des parties et leur interrogatoire sont ordonnées et exécutées selon le cas, conformément aux dispositions du code de procédure civile (article 30 de la loi sous examen).

Par conséquent, ces modes de preuve ne peuvent pas être produits de plano. Ils sont ordonnés par le juge (Cfr. Articles 29, 30, 39, 46 et 59 du CPC). Les témoins sont entendus dans les formes prévues par le Code de procédure civile. Les experts remplissent leur mission conformément aux dispositions sur l'expertise.

La preuve contraire est de droit (article 31 du CPC). Ce qui fait que l'autre partie doit être en mesure de contredire le fait dont preuve. En principe, l'expertise doit aussi être contradictoire tout comme la descente sur les lieux, la production du serment. Toutefois, une expertise à laquelle le demandeur n'aurait pas assisté n'est pas par ce fait dénuée de valeur probante, et les tribunaux peuvent en tenir compte pour autant qu'elle offre les garanties nécessaires de sincérité94(*).

b.2 En droit international privé

Il faut ici nous situer dans l'état actuel des choses. Comme nous l'avons déjà dit plus haut, le juge congolais ne peut ignorer la réalité des opérations de bourse. Il est au moins tenu d'être informé, ne fût-ce que de façon élémentaire sur les transformations qui se font dans le milieu extérieur et qui concernent notamment les titres au porteur dématérialisés. Car, les rapports individuels présentant un élément d'extranéité peuvent se présenter devant lui. Il faudra qu'il détermine la loi applicable à la cause et celle applicable au déroulement du procès, aux formalités des actes, à l'administration de la preuve.

En droit congolais, l'article 915 de la loi n°87-010 du 1er Août 1987 portant code de la famille dispose que les dispositions du titre II, intitulé des étrangers, de l'ancien Code civil Livre I, restent d'application. Ces articles concernent les règles applicables aux situations de droit international privé.

La forme des actes entre vifs est régie par la loi du lieu où ils sont faits. Sauf, intention contraire des parties, les conventions sont régies quant à leur substance, à leur effet et à leur preuve par la loi du lieu où elles sont conclues95(*)

La jurisprudence retient que c'est la loi du lieu de l'acte qui gouverne l'admissibilité des preuves96(*). Mais, la doctrine estime que cette règle n'est applicable que si elle n'est pas contraire à la loi du for et ne devrait s'appliquer que de manière facultative pour des raisons de commodité pratique est de sauvegarde des intérêts des parties dans l'accomplissement des actes qui les intéressent97(*). Toutefois, la règle lex loci actus n'est pas obligatoire. Ce qui fait que les parties peuvent recourir à d'autres lois quant à la forme des actes.

Ainsi, M. Primus qui a acheté un titre à la Bourse de Paris, ayant prévu avec la société émettrice, représentée en RDC, que le litige qui naîtrait de l'opération qu'ils ont passée se résoudrait selon les lois en vigueur en France, devra avoir le bénéfice de la clause contractuelle. Le juge devra alors faire des gymnastiques pour appréhender la réalité qui prévaut en France au sujet des opérations de bourse. Ces opérations qui se font rapidement. Et lorsque la société conteste le droit de M. Primus, il faut que ce dernier prouve. Ce fait est possible car, sur le marché, les opérateurs ne se connaissent pas (les titres sont, de surcroît, au porteur). Mais, la société peut simplement contester parce qu'elle voudrait être sûre du droit de M. Primus qui est bien son créancier. Nous pensons alors qu'il serait inutile de faire un procès pour cela. Il conviendrait juste d'une mesure d'instruction pour constater le droit de Primus. Mais, c'est ce dernier qui a intérêt que sa créance soit payée. Donc, la société émettrice ne se soucie pas d'introduire une action. Ainsi, M. Primus devra introduire l'action. Mais, pourquoi l'exposer au coût du procès et à sa lenteur alors qu'il ne s'agit que d'une simple instruction pour rétablir son droit et ainsi demander à la société de payer ? Nous proposons ainsi au législateur de voir dans quelle mesure introduire dans notre droit procédural, la procédure du « référé ». Ce serait une procédure pouvant exister en dehors de tout procès et qui se distinguerait de la requête car, elle serait contradictoire. Le droit français retient la définition suivante du référé : l'ordonnance de référé est une décision provisoire rendue à la demande d'une partie, l'autre présente ou appelée, dans le cas où la loi ne confère à un juge qui n'est pas saisi du principal, le pouvoir d'ordonner immédiatement les mesures nécessaires98(*). Cette procédure permettrait d'accorder à M. Primus une provision dès que sa créance sera certaine et que l'urgence l'exigerait. De toutes les façons, les fonds ayant été prêtés à long terme (c'est-à-dire pour 10, 30 ans, ...), il est normal qu'à l'arrivé de l'échéance M. Primus, qui n'a pas revendu entre temps son titre, ait besoin de son argent qu'il a longtemps immobilisé.

Le référé permettrait aussi la prise d'une mesure d'instruction en facilitant à M. Primus de se réserver un moyen de preuve s'il faudrait que le procès ait lieu tou de même. Ainsi, le juge pourra recueillir des preuves chez le teneur des comptes, chez la société émettrice et même à une institution chargée de centraliser les informations dans un marché boursier (par ex., en France, chez EUROCLEAR France99(*)) le juge aura aussi la possibilité d'ordonner une expertise, avant que tout procès ne commence.

C'est là notre point de vue sur l'état de la procédure à améliorer. Et puis nous ne sommes pas le premier à constater ce problème. Antoine RUBBENS écrivait illo tempore :  « Il y a là une lacune évidente dans le droit zaïrois, le législateur colonial n'a jamais cru devoir y porter remède prétextant que la procédure ordinaire devant les tribunaux était suffisamment rapide et efficace. La juridiction de référé pourrait opportunément prendre la relève en plusieurs matières où les tribunaux ne peuvent apporter la solution rapide qui est requise, ils pourraient assurer le respect du principe du contradictoire en plusieurs matières déférées actuellement à la décision unilatérale du juge des ordonnances ; (...) »100(*).

Mais, même avec une bonne procédure à l'instruction, le créancier qui est parvenu à prouver l'existence du contrat ainsi que son inexécution a droit à être désintéressé. Il peut avoir obtenu le jugement. Encore faut-il que l'exécution en soit poursuivie.

II. L'exécution du jugement

Le jugement prononcé en faveur du créancier doit être exécuté. Le problème ne se pose pas lorsque la partie qui a succombée exécute volontairement le jugement.

La question devient intéressante lorsque la partie qui a succombé refuse d'exécuter le jugement. Il y a alors lieu à poursuivre l'exécution forcée du jugement. L'exécution de ce jugement ne peut être poursuivie que sur l'expédition du jugement revêtu de la formule exécutoire (article 34 in fine de la Loi de 2001).

Toutefois, l'exécution provisoire du jugement, nonobstant appel ou opposition, peut être ordonnée avec ou sans caution conformément au prescrit de l'article 21 du CPC101(*). Cela demande qu'il y ait un titre authentique, promesse reconnue ou même condamnation précédente par jugement dont il n'y ait pas appel.

Le jugement dont exécution doit contenir toutes les mentions citées à l'article 33 de la loi de 2001 sur les tribunaux de commerce.

Alors, il pourra être exécuté paisiblement. Ce jugement donnera lieu aux voies d'exécution forcée qui sont les saisies. Lorsque la condamnation porte sur une somme d'argent, le mode d'exécution le plus adéquat consiste à « saisir » une portion du patrimoine du condamné et d'affecter cette valeur au paiement102(*) L'article 47 de la loi de 2001 permet que les dispositions du CPC s'appliquent aussi en matière commerciale lorsqu'elles ne sont pas contraires à la loi de 2001. Ainsi, pour ce qui concerne les saisies, nous considérons les règles du CPC.

Il faut rappeler que les saisies qui nous intéresseront sont les saisies exécutions. Nous ne nous occupons pas des saisies conservatoires et saisies-arrêts qui ont pour but d'empêcher seulement au débiteur de dissiper ses biens. Cependant, retenons que ces dernières sont transformées en saisies exécutions lors de leur validation (articles 109, 139 du CPC).

Pour toutes les saisies, en général, la jurisprudence pose trois conditions de fond : il s'agit de la certitude de la créance, sa liquidité et son exigibilité103(*). La créance doit être ensuite constatée par un titre exécutoire, c'est la condition de forme.

a) La saisie-arrêt

Elle peut être une mesure de sûreté. Mais nous nous intéressons à sa nature de voie d'exécution. Elle est une voie d'exécution par laquelle le créancier saisit entre les mains d'un tiers les sommes et effets mobiliers appartenant à son débiteur. Il peut aussi s'agir seulement pour le créancier de s'opposer à la remise de ces biens, en énonçant la somme pour laquelle la saisie-arrêt est faite (article 106 du CPC).

Le saisissant doit, dans la quinzaine de la saisie-arrêt, la dénoncer au débiteur saisi et doit l'assigner en validité sous peine de la nullité de la saisie-arrêt. En plus, lorsque la dénonciation de cette demande en validité n'a pas été faite au tiers saisi, les paiements faits par lui jusqu'à la dénonciation sont valables.

b) La saisie exécution et la saisie immobilière

1. Saisie exécution

La saisie exécution est une procédure par laquelle un créancier, muni d'un titre exécutoire, fait mettre sous main de justice les meubles de son débiteur, en vue de les faire vendre et de se payer sur le prix concurremment, s'il échet, avec les autres créanciers104(*). Il s'en dégage que la saisie exécution ne peut être appliquée que sur les meubles corporels. Notons en passant que les titres au porteur dématérialisés ne peuvent plus tomber sous le coup d'une saisie exécution.

Mais, pour poursuivre la saisie des meubles, un certain nombre de conditions doivent être remplies. Il s'agit d'un commandement fait au débiteur, 24 heures avant la saisie, et qui a pour effet, de mettre ce dernier en demeure. Un procès-verbal de saisie qui permettra de mettre sous main de justice les meubles saisis, en sera dressé au moment de l'adjudication105(*). Si l'huissier rencontre une resisrtence dans l'accomplissement de sa mission (portes fermées, violences, menaces, etc.), il peut demander l'assistance de la police en s'adressant au ministère public qui a le pouvoir de requérir la force publique (art. 14 du CPP).

La vente des meubles se fait après l'observation d'un délai de afin d'assurer la publicité de l'opération. Ceci a pour visée d'attirer les candidats adjudicataires d'inciter la concurrence et faire monter le prix des meubles saisis106(*). La vente a lieu à la criée (art. 131 du CPC). Elle est arrêtée, dès que son produit est suffisant pour désintéresser les créanciers et payer les frais qui comprennent les frais de saisie et de vente. L'opération de vente est dirigée par un agent de ventes publiques à ce désigné107(*)

Il est dressé un procès-verbal à la fin des opérations.

2. Saisie immobilière

Lorsque la société émettrice condamnée a des immeubles dans son patrimoine, le créancier peut les saisir. La procédure en la matière est organisée par l'ordonnance du 12 novembre 1886 sur la saisie immobilière et frais de vente par ministère d'huissier.

Cette procédure nécessite un commandement à la fin de la saisie préalablement à toutes poursuites d'exécution. Ce commandement doit être signifié au CTI, ce qui l'empêchera de procéder à une mutation de l'immeuble ou inscription des droits réels (art. 15 al.3 de l'ordonnance sus évoquée). La vente se fait aux enchères publiques. L'opération de vente est menée par le notaire108(*). Le notaire en dresse l'acte d'adjudication dont il est fait copie à l'adjudicataire, après mention du prix et des frais versés entre les mains du comptable d'Etat. La copie, présente au CTI lui suffira pour faire enregistrer l'immeuble en son nom (article 7 de l'ordonnance sous examen).

Voilà comment peut se poursuivre l'exécution d'un jugement au bénéfice du créancier, afin de lui permettre d'obtenir ce qui lui est dû.

Mais, nous avons dit plus haut, que cette procédure devant le juge du commerce n'est pas l'unique. Ce n'est pas la seule qui puisse conduire au recouvrement du droit de ce créancier qui n'a pas été désintéressé. La voie civile existe aussi.

* 77 Article 202 au point 17 de la Constitution du 18 février 2006.

* 78 Voir www.ohada.com consulté en juin 2007.

* 79 SOS JUSTICE, Quelle justice pour les populations vulnérables à l'Est de la RDC, Rapport d'évaluation, Globalrights, Août 2005, passim.

* 80 V. la Loi n° 002-2001 du 3 juillet 2001 portant création, organisation et fonctionnement des tribunaux de commerce in Les Codes Larcier, Tome I « Droit civil et judiciaire », Bruxelles, De Boeck et Larcier sa, p.370.

* 81 PEDAMON (M), Op. cit, p. 29, n°29.

* 82 Loc. cit.

* 83 PEDAMON (M), Op. cit, p. 27, n°27.

* 84 Paris, 17 octobre 1960, D. 161.199, note J. Hémard ; Com. 5 décembre 1966, D. 1967, 409, note J. Schmidt jurisprudences cités par PEDAMON (M), Op. Cit. p.32

* 85 Com. 28 novembre 1978, D. 1980, 316, note J-Cl. Bousquet in PEDAMON (M), Op. cit, p. 32.

* 86 V. articles 19 et ss. De la Loi de 2001 créant et organisant les tribunaux de commerce

* 87 KATUALA KABA KASHALA (JM), La preuve en droit congolais, Kinshasa, Edition Batena Ntambua, 1995, p.16.

* 88 GUILLIEN (R) et VINCENT (J), Lexique des termes juridiques, Paris, Dalloz, 14ème éd., 2003 ; V° Principe dispositif, 1, 2.

* 89 RUBBENS (A), Le droit judiciaire Zaïrois, Tome II, Kinshasa, P.U.Z., 1978, p.68.

* 90 Civ., 19 novembre 1862, D., 1862, 1, 472 in AKUETE PEDROS et YADO TOE (J), op. Cit. p. 76, n°129.

* 91 PEDAMON (M), Op. cit., p.180, n°228.

* 92 MENUCQ (M), Droit des affaires. Le commerçant, les actes de commerce, le fonds de commerce, le bail commercial, les contrats commerciaux), Paris, Gaulino éditeur, 2004, pp. 28-29, n°35.

* 93 La carte de paiement est un document standardisé émis par des banques ou de grands magasins, permettant à son titulaire soit, de régler facilement des achats ou des prestations de services chez les commerçants affiliés, soit d'obtenir des espèces des établissements bancaires émetteurs. La carte de paiement est personnelle à son titulaire. V. GUILLIEN ( R ) et VINCENT (J), Op. cit., V°Carte de paiement.

* 94 L'shi., 21 mai 1969, RJC, 1969, n°2, p.207 in KATUALA KABA KASHALA (JM), Code judiciaire zaïrois annoté, Kinshasa, Editions Asyst sprl, 1995, p.87.

* 95 Art. 11 al.1 et 2 du décret du 4 mai 1895 portant code civil Des personnes relatif au statut des étrangers.

* 96 Elis., 1 mai 1940, RJCB, p.169 in KATUALA KABA KASHALA (JM), Op. cit., p.19.

* 97 Sur la position de LUNDA BULULU, Idem, p.19.

* 98 VINCENT (J) et GUINCHARD (S), Op. Cit. p.270, n°236.

* 99 C'est un organisme dépositaire central auprès duquel chaque teneur de compte dispose d'un compte courant afin que les ordres de mouvement soient centralisés et ainsi facilement exécutés avant d'être représentés par les teneurs de compte. Voir BONNEAU (T) et DRUMMOND (F), Op. cit., p. 84, n°89.

* 100 RUBBENS (A), Op. Cit., p.278.

* 101 V. art. 32 de la Loi de 2001.

* 102 RUBBENS (A), Op. cit., p. 289.

* 103 CSJ, Exécution des jugements, Mercuriale prononcée par le PGR, Kinshasa, 1978, p.28.

* 104 Idem, p. 31.

* 105 Loc. cit., p.34.

* 106 Idem, p.35.

* 107 Cfr. Article 1er du Décret du 10 juillet 1920 sur la vente publique de biens immobiliers ou mobiliers in Les Codes Larcier, Tome I « Droit civil et judiciaire », Bruxelles, De Boeck et Larcier sa, 2003, p.474.

* 108 Cfr. Article 1er du décret du 10 juillet 1920sus évoqué.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld