CHAPITRE II :
MECANISME DE GESTION DES RISQUES FINANCIERS A
L'UAT-VIE
SECTION 1 : NATURE ET IMPACT DES RISQUES
FINANCIERS À
L'UAT-VIE
1 - NATURE DES RISQUES FINANCIERS
En générale l'autorité publique, pour
protéger l'épargne des assurés, réglemente
l'activité des compagnies d'assurance.
En matière de solvabilité, la loi impose aux
compagnies d'assurances vie à toute époque, d'être en
mesure d'inscrire au passif et de représenter à l'actif du bilan
les provisions mathématiques suffisantes pour le règlement
intégral de leurs engagements vis-à-vis des assurés ou des
bénéficiaires de contrat (Art 335-1 du code CIMA).
La politique des placements est aussi affectée par
certaines contraintes. Ceci constitue l'essentiel des risques financiers pour
l'UAT-VIE. A quels durée et taux faut-il faire des placements pour
répondre aux besoins de rachat du client ou honorer à terme son
engagement vis-à-vis de l'assuré sans causer des risques de
trésorerie pour la société ?
Ces considérations montrent que les conditions de
création et de fonctionnement des compagnies d'assurances vie sont
beaucoup plus strictes. Les risques à maîtriser par la compagnie
d'assurance prend alors la forme du risque de taux d'intérêt de
placement et risque du temps (durée) de placement.
2- IMPACT DES RISQUES FINANCIERS LIÉS AU CONTRAT
D'ASSURANCE VIE
Au premier chapitre du développement de ce
thème, nous avons présenté en synthèse l'UAT-VIE et
les éléments comparatifs caractéristiques des compagnies
d'assurance, des Banques et les risques spécifiques à chacun. Ce
paragraphe nous permet de nous situer de façon plus concrète sur
l'impact de ces risques financiers sur le bilan (passif) de l'UAT-VIE
2-1- Evaluation des risques financiers
En matière d'assurance vie les risques financiers sont
multiples et de différentes natures. Les plus en vu prennent la forme de
risque de taux d'intérêt, le risque de temps, risque de
solvabilité et le risque de rachat des contrats.
Considérons qu'en janvier 2006, UAT-VIE vend 45
contrats d'assurance vie. Chacun des contrats souscrits présente les
caractéristiques suivantes :
- les contrats sont sans aléa viager : ce sont des
bons de capitalisation
- les placements de l'assureur se font en obligations
zéro coupon qui est un type d'obligation qui ne paie pas de coupon
période par période mais libère tout (capital + coupon)
à l'échéance : paiement des intérêts et
amortissement du capital à terme de l'obligation.
A la date t = 2006, l'assureur peut placer à taux
d'intérêt de 8%, mais choisit prudemment de garantir tg = 6%.
Chacun des 45 contrats auxquels il souscrit garantit une
prime
p = 650.000frs, et un capital C calculé comme suit
pour une période de placement de 8 ans (2006 - 2014) :
C = P (1+tg)n
C = 650.000(1+0.06)8
C = 1.036.000 F CFA
A la date t = 2014
Si à la date t = 2006, l'assureur place :
650 000 x 45 = 29.250.000frs (NP) pour 4 ans : il disposera donc en
t' = 2010 de 29.250.000 F CFA (1+0.08)4 = 39.794.302frs.
Le taux de risque étant fluctuant sur le marché,
il est probable que si on ne garantie pas un taux de
rémunération, on peut subir une baisse de taux
d'intérêt sur le marché
2-2- Le risque de baisse des taux du
marché
Pour éclaircir ce point, nous allons procéder
par des hypothèses :
Hypothèse 1 : Entre les dates t=
2006 et t = 2010, le taux de rendement des placements que réalise
l'assureur est passé de 2% à 1% soit une baisse de 1% soit tr =
8% - 6% ----> tr = 2%. Mais si le taux passe de 8% à 7% d'où
tr devient 7% - 6% => tr = 1% ce qui équivaut qu'à la date
tr = 2014, il ne disposera que de
29.250.000(1+0.08)4 (1+0.01)4 =
41.410.110
Alors qu'il doit payer
NC = 1.036.000*45 = 46.620.000
Il réalise donc une perte égale à
5.209.890 frs CFA proportionnelle au nombre de contrats.
Si à la date t = 2006, l'assuré avait
placé NP pour 8 ans à j0, à t = 2014 il disposerait de
NP (1+0.08)
29.250.000 (1+0.08)8 = 54.139.708frs CFA
Et la participation aux bénéfices serait
de :
PB = 0.85 (Actif - capital garanti) soit (1.036.000 - 650.000)
x 85%
= 328.100 distribuées aux 45 assurés.
2-3- Le risque de hausse des taux du marché et
le risque de rachat
Hypothèse 2 : à la date t
= 2007, le taux de rendement des placements possibles passe) j1 = 12% => le
taux a évolué de 8% à 10% sur le marché financier
soit tr = 10% - 6% => tr = 4% :
29.250.000 [ (1.08)4 + (1.06)4] = 50.239.351 Frs ; ce qui
permet à la compagnie de dégager un surplus ou une marge
bénéficiaire de :
50.239.351 - (1.036.000 x 45) = 3.619.351 Frs CFA
Nous avons dit que chacun des 45 contrats garantissait un
capital de 1.036.000frs à la date 2014.
Précisons que, de plus, chacun de ces contrats garantit
une valeur de rachat :
Ct = (1+tg) pour t < 8 ans
L'assureur a, certes, des actifs dont la valeur de
remboursement à la date t = 2010 est :
NP (1+0.08) = 39.794.302frs CFA
Mais à la date t = 2005 le marché évalue
ces actifs à leur valeur actualisée au taux j1 = 12%.
Dans la logique de mise en oeuvre du risque financier encouru,
établissons d'abord l'échéancier en capital et
intérêts et calculons les résultats annuels
dégagés par l'activité :
Année
|
Obl.1
|
Obl. 2
|
Int.
obl.1
|
Int.
Obl.2
|
Flux net
Actif
|
Passif
|
Flux net
|
0
1
2
3
4
5
6
7
8
|
-455.000
455.000
|
-195.000
40.950
40.950
40.950
40.950
40.950
40.950
40.950
40.950
|
18.525
18.525
18.525
18.525
18.525
18.525
|
|
650.000
|
-650.000
-1.036.000
|
0
59.475
59.475
59.475
59.475
59.475
254.475
40.950
-540.050
|
Il ressort de ce calcul que la société est
globalement exposée à la baisse de taux qui doit avoir un impact
négatif sur les résultats financiers.
En effet, à la première année, la
société dégage des bénéfices (les coupons
des obligations plus le remboursement du principal de 195.000frs au cours de la
6ème année) dont le renouvellement est
entièrement dépendant du ou des taux en vigueur à la date
de réinvestissement comme indiqué dans le tableau
ci-après, dans l'hypothèse de réinvestissement des flux de
trésorerie au taux de 4,6%.
Flux net (FN)
|
Flux cumulé (FC
|
Intérêts réinvestis (IR)
|
Somme flux nets
|
0
59.475
59.475
59.475
59.475
59.475
254.475
40.950
-540.050
|
59.475
121.690
186.765
254.831
326.031
595.506
663.851
|
2.740
2.600
8.591
11.725
15.000
27.395
30.540
|
121.690
186.675
254.831
326.031
595.506
663.851
154.341
|
Sur la base des flux de résultats obtenus, la Valeur
Actuelle Nette (V.A.N.) au taux de 4.6% se calcule comme suit :
V.A.N = 154.341/(1+0.046)8 = 107.705frs
Calculons maintenant la sensibilité du bilan à
une variation de taux centrée dons l'amplitude est 1% soit 0,5% de part
et d'autre de taux moyen (4,6%)
Année
|
4.1
|
4.6
|
4.51
|
V.A.N.
|
111.910
|
107.705
|
103.672
|
La sensibilité du bilan est égal à
111.910 - 103.672 = 8238. Il en résulte donc que si le taux baisse de 1%
et se maintient à ce niveau jusqu'à l'échéance du
contrat (8ans), la V.A.N. du bilan perd en sa valeur environ 3.3%.
Considérons maintenant le bilan comme nous l'avons
présenté dans la section précédente et retenons un
taux moyen de base de 4,6%. Dans ce contexte, la structure du bilan
précédent reste :
ACTIF
|
PASSIF
|
Obligation pour 455.000, de 8 ans, à 9%
Obligation pour 195.000, de 6 ans à 9.5%
(Valeur actualisée de l'actif ne change pas par
rapport
à l'exemple précédent
Sur les 45 assurés)
|
650.000 (obligation)
+ 328.100
+ 31.005.000 (rachat anticipé)
|
|
31.983.100 (provisions
mathématiques)
|
On voit que le montant des provisions que la
société doit constituer est supérieur aux primes
reçues des assurés : la société est
obligée donc de puiser dans ses fonds propres pour couvrir les risques
financiers dont elle devrait faire face.
L'existence des risques financiers liés à la
volatilité des taux, diminue la valeur nette du bilan. Cependant
l'option la plus dangereuse dans ce cas d'espèce est sans doutes
l'option de rachat, car elle présente le double risque pour l'assureur.
D'une part, il est obligé de vendre ses actifs avant terme à prix
du marché qui pourrait être défavorable au moment du
rachat. D'autre part, en cas de hausse de taux, une certaine dégradation
du rendement des actifs va aggraver les écarts avec le taux de
marché et déclencher une vague de rachats. De façon
générale, les sociétés d'assurances sont donc
exposées aux risques systématiques en cas de montée des
taux et l'adoption des stratégies de rachat systématique par les
clients.
Nous retenons, pour l'essentiel, que la stratégie de
rachat systématique des contrats d'assurance par les clients expose
l'UAT-VIE à des risques financiers, notamment la dégradation du
rendement des actifs. Quelles sont les attitudes adoptées pour y faire
face ?
SECTION 2 : COUVERTURE DES RISQUES
FINANCIERS ENCOURUS PAR L'UAT - VIE
Dans la section précédente, nous avons
démontré que les clauses contractuelles et la volatilité
des taux présentent un risque très sérieux pour
l'assureur. Nous avons aussi démontré l'impact de ces risques
financiers sur le bilan de la société et nous avons trouvé
qu'ils font augmenter très significativement la sensibilité du
bilan.
Dans cette section nous tenterons de répondre à
la question : comment l'assureur peut-il se protéger contre ces
risques ?
En effet pour faire face aux différents aléas et
dépréciation des actifs, la législation
conformément au code CIMA, prévoit d'une marge de
solvabilité. Ils sont destinés à diminuer
l'impact de plus ou de moins values des placements à revenus fixes. En
effet, en cas de hausse de taux, la réserve permet de céder les
titres en moins value et se repositionner sur les titres avec le rendement le
plus élevé. En cas de baisse de taux, l'assureur court le risque
de réévaluation des titres. Les titres émis
antérieurement se trouvent en plus value, il y a un risque de
réinvestissement du coupon qui peut, au terme, ne pas permettre
d'obtenir le rendement prévu. Pour éviter ces risques, l'assureur
doit donc imputer les bénéfices liés aux plus values et
alimenter les réserves. On voit donc que la réserve de
capitalisation, en neutralisant les plus ou moins values
réalisées sur les placements, permet d'adapter les taux de
rendement du portefeuille au taux du marché.
Toutefois, la réserve de capitalisation n'est pas
destinée à faire face aux rachats massifs des contrats en cas de
hausse des taux. Si les assurés rachètent leurs contrats,
l'assureur pense à changer le profil du passif du bilan pour
décourager les assurés de rompre avec leurs contrats. Ainsi nous
allons consacrer la première partie de cette section aux
stratégies (astuces) contractuelles qui permettent de déformer la
fonction d'utilité des assurés en les incitant de garder leurs
contrats jusqu'à l'échéance.
La deuxième voie de protection contre le risque de taux
consiste à agir sur les éléments de l'actif du bilan en
recherchant sur le marché les instruments financiers efficaces pour
couvrir le risque lié aux clauses contractuelles.
1- Les moyens d'action sur le passif du
bilan.
Ils visent à déformer la courbe de fonction
d'utilité des assurés afin de les décourager de racheter
leurs contrats et diminuer donc l'impact négatif sur la
sensibilité du bilan. Ils incluent les mesures imposées par la
loi telles que la fiscalité des produits d'assurances vie ou la
constitution de réserves de capitalisation et les moyens contractuels
tels que les garanties de fidélité et pénalité de
sortie.
1-2- Garantie de fidélité
La garantie de fidélité représente un
moyen d'influence sur le comportement des assurés, car elle les incite
à ne pas abriter leurs contrats en leur donnant une espérance de
gain supérieur s'ils vont jusqu'à terme de leurs contrats. La
notion de garantie de fidélité peut s'illustrer par l'application
des articles 82 et 83 du code CIMA au sein des assurances vie.
A partir de cet alinéa, on peut déjà
faire des remarques : la garantie de fidélité est
définie en terme de garantie, ainsi, une fois introduite dans le
contrat, elle doit être provisionnée soit par un
prélèvement sur les versements, soit par la participation aux
bénéfices. La garantie de fidélité se
présente donc comme une pénalité en cas de rachat. A la
différence des sanctions fiscales en cas de rachat avant huit ans, cette
pénalité n'a pas de limites dans la durée et fonctionne
pendant toute la durée du contrat jusqu'à son
échéance.
En effet, si le taux de marché monte et une partie des
assurés rachète leurs contrats, elle se trouve priver des
avantages de la garantie de fidélité. Cette garantie étant
provisionnée, les assurés restants voient leur
rémunération au profit des clients fidèles est
significative. Les assurés restant voient donc leur montant
s'accroître et sont de moins en moins incité de racheter leurs
contrats.
1-3 Provision pour participation aux
bénéfices
Le mécanisme de la participation aux
bénéfices permet de créer un autre outil de
fidélisation des clients, indépendamment de la garantie de
fidélité. L'idée est de différer dans le temps
l'affectation de la participation aux bénéfices. Rappelons que si
l'assureur est obligé de distribuer au moins 85% des
bénéfices ; il n'existe pas le principe de la
génération de contrats. En outre, l'assouplissement des
règles permet non seulement le lissage entre les différentes
générations de contrats, mais aussi le lissage dans le temps.
Autrement dit le montant de la participation au bénéfice (PB)
peut être affecté directement aux provisions mathématiques
ou porté partiellement ou totalement, à la provision soit
affectée à la provision mathématique (PM) ou versée
aux souscripteurs au cours des huit exercices suivants.
La provision aux excédents permet donc le lissage des
résultats en mutualisant les huit années de placement, ce qui
rend possible d'une part la destination des revenus plus réguliers et
adaptés aux taux de marché, et d'autre part, l'introduction d'un
mécanisme de fidélisation en distribuant le montant de
participation au terme et en faisant les différences entre les
générations de contrats.
1-4- Pénalité de sortie
L'assureur peut prévoir dans le contrat une
pénalité en cas de rachat de contrat. Elle ne peut cependant
excéder 5% de la provision mathématique du contrat pendant les 10
premières années et doit être nulle au-delà.
2.- MOYENS D'ACTION SUR L'ACTIF DU BILAN
Les choix des sociétés d'assurance vie sont
largement déterminés par des règles prudentielles
imposées par le législateur. Pour éviter le risque de
défaillance, la réglementation oriente les placements vers les
actifs sûrs et diversifiés.
Pour gérer la rentabilité des actifs, la loi a
prévu la constitution des réserves de capitalisation : comme
les placements des sociétés d'assurance vie se composent
essentiellement d'obligation, elles courent le risque de rendement à
long terme. Le mécanisme de la réserve impose la
récupération des plus-values dans la réserve de
capitalisation (pour ne pas distribuer immédiatement les plus values et
éviter ainsi le risque de réinvestissement en cas de baisse de
taux) et à l'inverse, le prélèvement sur la réserve
de capitalisation en cas de réalisation en moins values. La
réserve de capitalisation permet donc le maintient de rendement de plus
ou moins values de l'actif tout au long de la vie du contrat.
A côté de la réserve de capitalisation,
qui ne concerne que les actifs obligataires, la législation a
prévu la constitution de la provision pour des aléas financiers
qui prend en compte le rendement de l'ensemble des actifs. On calcule les
produits financiers dégagés par les placements de la
société et on en déduit le rendement financier de l'actif.
Si 80% du rendement de l'actif est inférieur au taux garanti, l'assureur
doit constituer une provision pour les aléas financiers.
En définitive, il ressort qu'à UAT-VIE, des
panoplies de stratégies existent et sont mises en oeuvre pour contenir
les risques financiers liés aux rachats des contrats d'assurances. Il
importe de jeter un regard critique sur l'existant afin de proposer des actions
de redynamisation de la pratique.
|