Travail des enfants de 5-14 ans et rendement scolaire au Cameroun( Télécharger le fichier original )par Francky FOUEDJIO Institut Sous-Régional de Statistique et d'Economie Appliquée - Ingénieur Statisticien 2008 |
3.2. Panorama de la situation réelle du travail des enfants au CamerounLes enfants constituent à l'instar des femmes, l'une des couches les plus vulnérables de la société et pourtant l'espoir de toute nation. Au Cameroun, le travail précoce et notamment les travaux difficiles constituent l'un des fléaux dont les enfants souffrent aujourd'hui. En effet, nombreux sont les enfants qui sont très tôt arrachés à l'affection de leurs parents pour s'adonner à des besognes qui ne relèvent pas de leur âge. Les données de la MICS III et celles de l'EESI phase 144(*) nous permettent d'avoir une idée sur ce fléau. 3.2.1. Ampleur du travail des enfantsLe Cameroun compte en 2006 une population estimée à 17 millions d'habitants45(*) avec un léger déséquilibre en faveur de la population féminine. Cette population est caractérisée par sa jeunesse. Les enfants de moins de 5 ans représentant 16,3 % et ceux âgés de 5 à 14 ans 28,3 % constituant ainsi une des préoccupations majeures du Gouvernement camerounais notamment en matière d'éducation. L'accent est mis sur l'universalisation de l'enseignement primaire, l'amélioration de l'accès à l'éducation, l'équité et la qualité des enseignements dispensés avec la participation de la communauté au soutien et à la gestion des établissements scolaires. Il convient tout d'abord de rappeler le concept de « travail des enfants » tel qu'utilisé dans cette étude. Ainsi, le travail des enfants est mesuré par le fait que «l'enfant a effectué un travail rémunéré ou non pour une personne n'appartenant pas au ménage ou a consacré plus de 4 heures par jour aux travaux domestiques ou encore a effectué des travaux dans la ferme ou dans les affaires du ménage ou tout simplement a exercé une activité économique pour au moins une heure». Cette définition combine celle de l'enquête MICS 2006 et celle de l'EESI 2005 (l'activité économique d'au moins une heure étant la définition de EESI 2005). Au Cameroun, le travail des enfants de moins de 14 ans est proscrit par la loi. Ainsi, la réglementation sur les conditions de travail des enfants ne concerne que ceux de la tranche d'âge comprise entre 14 et 18 ans. Les données de l'enquête MICS III révèlent qu'au Cameroun, 41 % des enfants de 5-14 ans travaillent, soit environ 2 enfants sur 5 et une baisse de 17 points par rapport à 200046(*). La proportion étant assez équilibrée entre les filles et les garçons respectivement, 41 %. L'incidence du travail des enfants au Cameroun est supérieure à la moyenne pour l'Afrique sub-saharienne en 2005, soit 37 %, et demeure sensiblement plus élevée que les estimations pour d'autres régions du monde47(*). Comme l'indique la figure 2, naturellement, l'incidence du travail des enfants48(*) c'est-à-dire la proportion d'enfants qui travaillent, est beaucoup plus forte pour la classe d'âge 10-14 ans, soit 51,7 %, comparativement à la tranche d'âge de 5-9 ans avec un chiffre de 31,4 %. Ce constat prévaut quelque soit le sexe. En ce qui concerne le niveau de vie49(*) du ménage, le tableau 3 montre que ce sont les enfants de ménages pauvres qui sont les plus exposés au travail infantile (50 %). Figure 2 : Incidence du travail des enfants de 5- 14 ans selon le sexe et la classe d'âge - pourcentage - Cameroun 2006 Source : MICS 2006. Par ailleurs, la structure par type de travail présentée à la figure 3 indique que 4,4 % d'enfants âgés de 5 à 14 ans effectuent un travail rémunéré ; 16,9 % participent à un travail non rémunéré pour une personne autre qu'un membre du ménage et 23 % effectuent des travaux dans les affaires du ménage (dans une ferme, un commerce, ou vendent des marchandises dans la rue, etc.). Par « travail domestique », on entend dans le cadre de la MICS : faire la cuisine, les achats, le nettoyage, la lessive, la collecte de l'eau et s'occuper des enfants. Dans l'ensemble, près de 4 enfants sur 5 accomplissent ces tâches pendant moins de quatre heures par jour, tandis qu'environ 6 % y consacrent plus de quatre heures par jour. En ce qui concerne les travaux domestiques de plus de quatre heures par jour, le phénomène est plus accentué chez les filles, soit près de 8,1 % contre 4,6 % pour les garçons. Dans les ménages très riches, les enfants courent relativement moins de risques de consacrer plus de 4 heures par jour aux travaux domestiques que leurs semblables des ménages très pauvres. Source : MICS 2006. Figure 3 : Incidence du travail des enfants de 5- 14 ans selon le type de travail - pourcentage - Cameroun 2006 Source : MICS 2006. 3.2.1.2. Au niveau des zones rurales/urbaines et régions50(*) Outre le niveau de vie, la zone de résidence (milieu rural/milieu urbain) est la seconde variable qui semble avoir un rôle important sur la participation des enfants à une activité économique. En effet, comme l'indique le tableau 3 la proportion d'enfants travailleurs au Cameroun est pratiquement 1,4 fois plus élevée dans les zones rurales que dans les zones urbaines. Ce rapport est encore plus élevé en ce qui concerne le travail des enfants dans les affaires du ménage. Au plan régional, l'incidence du travail des enfants est également très variable. La figure 4 montre par exemple que la proportion d'enfants qui travaillent est plus forte dans la région du Nord Ouest que dans celle de l'Extrême Nord. Le pourcentage des enfants qui travaillent est plus faible dans la métropole de Yaoundé (27,8 %) et la région de l'Extrême Nord (28,6 pou 100) et plus élevé dans les régions du Nord Ouest (61,7 %) et du Sud Ouest (55,8 %). Pour ce qui est du travail domestique de plus de quatre heures par jour, la figure 4 indique que la région du Nord est la plus exposée. Ceci peut se comprendre dans la mesure où dans cette région, les individus sont ancrés aux valeurs traditionnelles ; le travail domestique étant un outil de socialisation et le rôle des normes sociales est fondamental. Le travail des enfants dans les affaires du ménage est plus courant dans la région du Nord Ouest (56,9 %). Le travail des enfants est prédominant dans la capitale économique comparativement à la capitale politique avec une incidence de 32,1 % contre 27,8 %. Figure 4 : Incidence du travail total et du travail domestique de plus de quatre heures/jour des enfants âgés de 5 à 14 ans par provinces - pourcentage - Cameroun 2006 Source : MICS 2006. SUD LITTORAL CENTRE EST OUEST SUD OUEST NORD OUEST ADAMAOUA NORD EXTREME NORD SUD * 44 Dans cette étude, les données relatives à EESI 2005 ne seront utilisées que dans la section qui s'intéresse aux caractéristiques du travail des enfants ; informations indisponibles dans MICS 2006. Ainsi, sauf mention contraire, les résultats présentés tout au long de cette étude proviennent des données de MICS 2006. * 45 INS(2006). * 46 En 2000, les données de la MICS II révélaient un pourcentage de 58 % d'enfants travailleurs au Cameroun. * 47 Le travail des enfants est estimé en 2005 à 10 % pour le Moyen -Orient et Afrique du Nord, 14 % pour l'Asie du sud, 11 % pour l'Asie de l'est et Pacifique et 9 % pour l'Amérique latine et Caraïbes (UNICEF, 2007). * 48 L'incidence du travail des enfants mesure l'importance du groupe des enfants travailleurs. * 49 En ce qui concerne la pauvreté, l'indicateur retenu est basé sur la privation relative qui cherche à repérer un certain nombre de difficultés, de manques ou de privations dans différents domaines des conditions d'existence des ménages qui témoignent d'un état de pauvreté. Il est établi à partir d'un certain nombre de variables qui couvrent à la fois les caractéristiques de l'habitat, la possession de bétail et autres à travers une analyse en composantes principales (ACP). À la suite de l'indicateur de bien-être qui est calculé, les ménages sont classés en fonction de leurs scores en cinq quintiles. * 50 Pour ce qui est des régions l'INS distinguent 12. Il y a les villes Douala et Yaoundé, ensuite toutes les dix provinces du Cameroun. |
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