1.2.2.2. Phosphore (P) et effets du phosphate naturel sur les
cultures
Des recherches ont été menées pendant
plusieurs années pour étudier l'importance de la
déficience en phosphore des sols, estimer le besoin en phosphore des
principales cultures et évaluer le potentiel agronomique des
différents engrais phosphatés ainsi que les phosphates naturels
locaux (Bationo et al, 1987 ; Pichot et Roche, 1972 ; Jones,
1973 ; Mokwunye, 1979 ; Bationo et al ,1990).
Près de 80% des sols de l'Afrique sub- saharienne sont
carencés en cet élément (Bationo et al, 1998).La
réponse à l'azote devient substantielle lorsque l'eau et le
phosphore sont non limitant. L'application de phosphore est donc
nécessaire pour la conservation des ressources en sols.
a. Importance du phosphore dans la nutrition des
plantes
Le phosphore (P) est un élément qui est
largement distribué dans la nature (FAO, 2004). Il est
considéré, avec l'azote (N) et le potassium (K), comme un
constituant fondamental de la vie des plantes et des animaux. Le phosphore a un
rôle dans une série de fonctions du métabolisme de la
plante et il est l'un des éléments nutritifs essentiels
nécessaires pour la croissance et le développement des
végétaux. Il a des fonctions à caractère structural
dans des macromolécules telles que les acides nucléiques et des
fonctions de transfert d'énergie dans des voies métaboliques de
biosynthèse et de dégradation, A la différence du nitrate
et du sulfate, le phosphore n'est pas réduit dans les plantes mais reste
sous sa forme oxydée la plus élevée (Marschner, 1993).
Dans les terres agricoles, il est essentiellement
présent sous forme d'anions orthophosphates (Bertrand et Gigou, 2000).
Comme pour l'azote et pour les mêmes raisons, les symptômes de
carences apparaissent d'abord sur les feuilles âgées. Les
rendements décroissent par réduction soit par croissance foliaire
bien avant d'affecter le coefficient de conversion du rayonnement
photosynthétique chez le maïs (Etchebest, 2000 ; Colomb et al,
2000 ; Plenet et al, 2000 a, b), soit du nombre de ramification chez les
plantes comme les graminées (Rodriguez et al, 1998).
b. Effets des différentes sources de phosphore
sur le rendement des cultures
L'importance de la déficience en phosphore,
l'estimation des besoins en P des principales cultures et l'évaluation
de l'efficience des différents types d'engrais ont fait l'objet de
nombreuses recherches (Pichot et Roche, 1972).
Ø Le sol
Tout comme l'azote, le sol seul ne peut plus à lui seul
fournir le phosphore à la plante pour atteindre les rendements optimums.
Ceci est essentiellement dû à la dégradation des sols. A
cela s'ajoute la faible fertilité naturelle en phosphore des sols
tropicaux et subtropicaux (Lal, 1990 ; Formoso, 1999).
Dans le sol, il est sous trois formes (Lamijardin, 2005) : la
forme accessible (liée au complexe argilo-humique par le calcium et le
magnésium), la forme combinée (immobilisée en partie par
les hydroxyles d'aluminium et de fer), et la forme insoluble.
Ø Les engrais solubles
Les engrais phosphatés solubles manufacturés
tels que les superphosphates sont généralement recommandés
pour corriger des insuffisances en phosphore.
En effet quand un engrais phosphaté hydrosoluble est
appliqué au sol, il réagit rapidement avec les composantes du sol
(FAO, 2004). Les produits résultants sont des composés
phosphatés modérément solubles et du phosphore
adsorbé sur les particules du sol (FAO, 1984). Une faible concentration
en phosphore dans la solution du sol est habituellement adéquate pour la
croissance normale des plantes. Par exemple, Fox et Kamprat (1970) et Barber
(1995) ont suggéré qu'une concentration de 0,2 ppm de phosphore
soit adéquate pour une croissance optimale. Cependant, pour que les
plantes absorbent les quantités totales de P nécessaires afin de
donner de bons rendements, la concentration en P de la solution du sol en
contact avec les racines doit être maintenue pendant tout le cycle de
croissance.
L'utilisation des engrais phosphatés solubles est
très limitée dans la région à cause du coût
élevé des engrais chimiques mais il existe des
dépôts importants de phosphates naturels (McClellan et Notholt,
1986) dans plusieurs pays d'Afrique. L'application directe de PN local peut
être une alternative économique à l'utilisation des engrais
importés et peut permettre une économie de devises.
En outre l'intensification de la production agricole dans ces
régions rend nécessaire l'apport de phosphore non seulement pour
augmenter la production agricole, mais également pour améliorer
le statut phosphaté du sol afin d'éviter une dégradation
supplémentaire. Par conséquent, il est souhaitable d'explorer le
domaine des intrants phosphatés alternatifs. Dans ce contexte, dans
certaines conditions du sol et du climat, l'application directe de PN est
alternative agronomique et sensé du point de vue économique, aux
superphosphates plus onéreux sous les tropiques (Chien et Hammond,
1978 ; Zapata et al, 1986 ; Hammond et al, 1986b ; Chien et al,
1990b ; Sale et Mokwunye, 1993).
Ø Le phosphate naturel (PN), sources
importantes de phosphore pour les plantes
L'importance des phosphates naturels (PN) vient du fait qu'ils
contiennent des minéraux phosphatés nécessaires pour la
croissance des plantes.
Tous les PN de l'Afrique de l'Ouest et donc celui du Togo
appartiennent au groupe des sédimentaires (Gerner et Mokwunye 1995). Le
PN sédimentaire est également la source la plus importante de
phosphore pour l'application directe (Howeler et Woodruff, 1968).
L'utilisation des engrais phosphatés solubles est
très limitée dans la région à cause du coût
élevé des engrais chimiques mais il existe des
dépôts importants de phosphates naturels (McClellan et Notholt,
1986) dans plusieurs pays d'Afrique. L'application directe des PN peut donc
être une solution pour remplacer les engrais phosphatés
importés (Jones, 1973 ; Mokwunye, 1979) et peut permettre une
économie de devise. Mais l'efficacité agronomique de ces
phosphates dépens de leur composition minéralogique qui peut
être variable ainsi que des paramètres pédoclimatiques, des
systèmes de cultures et du type de cultures (Khasawneh et Doll,
1978 ; Lehr et McClellan, 1972 ; Chien et Hammond, 1978).
v Facteurs liés
à la dissolution des phosphates naturels
La libération du P des PN en dissolution est
liée aux caractéristiques des PN, aux propriétés du
sol, aux effets des plantes et aux systèmes de gestion.
· Caractéristiques des phosphates
naturels
La composition minéralogique ainsi que la
granulométrie du PN influence le taux de dissolution du PN (Gerner et
Mokwunye, 1995). Ainsi tous les PN de L'Afrique de l'Ouest n'ont pas la
même composition minéralogique (Bationo et al, 1986) et cette
composition reflète l'efficacité des différents PN
à fournir de Phosphore à la plante.
En plus des propriétés minéralogiques,
les propriétés physiques du PN affectent aussi son
efficacité agronomique. D'après Barrow (1990), le processus de
dissolution du PN est une réaction qui intervient à la surface de
la particule.
· Propriétés du sol
L'acidification partielle des PN permet l'amélioration
de leur solubilité et leur efficacité agronomique. En effet la
présence des ions H+ dans le sol entraîne la conversion rapide des
ions PO43- en ions H2PO4-et
HPO42- (Khasawneh et Doll, 1978).
Dans les terres agricoles, la dissolution des PN est
étroitement liée à l'activité des micro- organismes
du sol (Tardieux-Roche, 1966a et 1966b ; Richardson, 2001). En effet on
trouve dans les sols un nombre important de microorganismes du sol incluant des
bactéries, des champignons et des algues (Berthelin et al, 1991; Oehl et
al, 2001; Sundara et al, 2002).
Bien que ces micro organismes soient
généralement liés à la surface des particules du
sol, c'est au niveau da rhizosphère que leur activité est la plus
élevée (Andrade et al, 1998 ; Kluepfel, 1993 ;
Marschner et al, 1997). Cependant il faut noter que la population et la
distribution des microorganismes solubilisant le phosphate au sein de la
microflore totale, varient d'un à l'autre (Chabot et al, 1993 ;
Zoysa et al, 1998).
Plusieurs chercheurs ont associé la solubilisation des
phosphates à une baisse de pH du milieu (Hedley et al, 1990 ;
Hinsinger, 2001). Mais les travaux de Illmer et Schinner (1992) ont
montré que la dissolution des PN n'est pas liée à une
baisse de pH. En effet ces microorganismes libèrent dans leurs milieux,
des acides organiques capables d'extraire le phosphore dit "assimilable" en
séquestrant les cations métalliques intervenant dans l'adsorption
du phosphore (Milagres et al, 1999 ; Sayer et al, 1995 ; Vasquez et
al, 2000) et en libérant le phosphore lié aux argiles et aux
oxydes de fer et d'aluminium (Violate et al, 1999).
· Impact du climat
Comme tous les engrais phosphatés, le PN ne peut se
dissoudre dans un sol sec. Les données recueillies sur le terrain au
Sénégal (Hammond et al, 1986) indiquent que la réponse des
cultures, en terme de rendement, à l'application de PN est
linéairement liée à la pluviométrie moyenne
annuelle comprise entre 500 mm et 1300 mm.
Les taux élevés de lessivage dans les terrains
sableux de l'Afrique de l'Ouest pourraient favoriser l'exportation rapide des
produits de la dissolution du PN créant ainsi des environnements
favorables à la dissolution du PN.
Quant à la température, Chien et al, (1980) ont
montré qu'elle ne semble avoir aucun effet significatif sur la
dissolution du PN dans le sol.
· Effets de la plante
Lorsqu'il y a acidification de la rhizosphère, les
racines des plantes en plaine croissance peuvent stimuler la dissolution du PN
en augmentant le taux de dissolution de PN (Kirk et Nye, 1986). Cependant il a
été avancé par Sale et Mokwunye (1993) que le
mécanisme par lequel la densité racinaire stimule la dissolution
de PN est probablement lié à la diminution des concentrations en
ions Ca2+ et H2PO4- dans la
solution qui entoure les surfaces des particules du PN.
D'autres chercheurs (Deist et al, 1971 ; Fash et al,
1987) ont suggéré qu'un taux élevé d'exportation de
Ca contribuerait à l'amélioration des réponses de
certaines cultures à l'application du PN.
Par ailleurs, Flash et al, (1987), ont montré que les
plantes de sorgho mobilisent plus efficacement les PN que les plantes de
maïs. Chien et al, (1990), par leurs études ont prouvé que
l'efficacité agronomique des PN est plus élevée chez les
plantes pérennes que chez les plantes à cycle
végétatif court comparativement au Triple Super Phosphate
(TSP).
· Système de gestion
Les systèmes de gestion des sols et des cultures
peuvent influencer l'efficacité du PN. En effet Hammond et al, (1986)
par leurs travaux, ont permis d'observer une amélioration de la
performance du PN dans les systèmes inondés.
L'épandage à la volée et l'incorporation
du PN dans le sol ont toujours été les modes d'application
recommandés. L'application à la ligne quant à elle
réduit le taux de dissolution du PN. Barrow (1990) explique cette
réduction de la dissolution du PN par le chevauchement des zones de
diffusion autour des particules de PN très serrés.
En effet selon Bationo (1998) (données non
publiées), l'efficacité du P est meilleure dans les
systèmes de rotations céréales/légumineuses que
dans la monoculture de céréales.
Ces systèmes de gestion permettent une augmentation de
prélèvement du P au cours des campagnes suivantes dus au fait des
effets des substances organiques telles que les auxines et les
gibbérellines qui augmentent la densité racinaire permettant
ainsi l'exploitation d'un plus grand volume de sol (Hafner et al, 1993). A cela
s'ajoute aussi des méthodes d'application du P. En effet il a
été démontré sur les sols sableux au Niger, pauvre
en matière organique (0 - 4%) et en P assimilable mais à faible
pouvoir fixateur vis-à-vis de P que l'application de P en poquet a
donné le plus bas taux de recouvrement tandis que l'application à
la volée sans incorporation de P, l'application à la volée
avec incorporation de P et enfin l'application avec billonnage ont donné
les meilleurs résultats. D'autres travaux conduits par Bationo et al
(1995) ont montré que l'application des résidus de
récolte, en favorisant la complexion du fer et de l'aluminium,
augmentent de façon efficace la disponibilité du P pour les
plantes dans les sols.
Pour une bonne croissance végétative des plantes
dans les sols acides, un chaulage s'avère nécessaire mais ce
procédé réduit la présence des ions H+
et accroît la concentration des ions Ca2+ (Gerner et
Mokwunye,1995), et par conséquent une diminution du taux de dissolution
de PN.
v Facteurs
influençant l'exportation de phosphore des phosphates
naturels
L'assimilation du P dissous par les racines des plantes
demande que certaines conditions soient remplies :
· Propriétés du sol
Des études ont montré que l'efficacité du
PN est plus limitée dans les sols ayant une grande capacité de
sorption de P (Mokwunye et Hammond, 1992). Ce phénomène est
lié selon Hammond et al, (1986) à un faible développement
des racines au cours des premières étapes de la croissance de la
végétation à une carence en P. Cette perte
occasionnée par la sorption montre que le PN n'est la meilleure source
d'engrais phosphaté pour les sols ayant une grande capacité de
sorption de P (Mokwunye et Hammond, 1992). Néanmoins, une partie du P du
PN ainsi libéré (Gerner et Mokwunye, 1995), à part les
pertes occasionnées par la sorption, reste disponible pour les
plantes.
· Effets de la plante
L'utilisation du PN est beaucoup plus efficace sur les
cultures pérennes que les cultures annuelles telles que le maïs
(Gerner et Mokwnuye, 1995) ; ceci s'explique par la forte densité
racinaire que développent les cultures pérennes au niveau des
couches superficielles du sol. Ainsi, les besoins annuels en P de telles
cultures sont satisfaits pour une longue période. Les plantes ayant une
forte densité racinaire dans les couches superficielles du sol ainsi que
celles qui sont sérieusement infectées par la mycorhize, sont
plus aptes à acquérir le P dissous du PN du fait de leur
capacité à explorer un volume de sol plus important (Chien et al,
1990). Par conséquent, il a été constaté que les
légumineuses (l'arachide par exemple) sont plus aptes à assimiler
le P du PN que les graminées (Bationo et al, 1986). Le PN se dissout
également plus vite dans les sols humides que dans les sols secs (IFDC,
1994).
v Effet résiduel
des engrais phosphatés et du phosphate naturel
L'une des caractéristiques des engrais
phosphatés est que seule une petite fraction de l'engrais épandu
est généralement assimilé par la culture durant
l'année d'épandage. Les formes de P lentement solubles continuent
à fournir du P aux cultures pendant plusieurs années. Quant aux
PN, leur efficacité agronomique par rapport à celle des engrais
solubles dans l'eau s'améliore de façon appréciable avec
le temps (Gerner et Mokwnuye, 1995). En effet les travaux de recherches
rapportés par Awokou (2005), montrent que le PN de Minjingu du Tanzanie
a une efficacité agronomique relative (E.A.R) de 36,76% à la
première année et de 69,12% à la deuxième
année ; alors que le PN du Togo a une efficacité agronomique
relative de 14,90% à la première année et 29,85% à
la deuxième année.
L'excellente efficacité résiduelle du PN peut
être due au fait qu'avec le temps, la concentration du P soluble augmente
à mesure que le PN continue à se dissoudre dans le sol.
· Quelques travaux sur les engrais chimiques et
les phosphates naturels
La formule de fumure vulgarisée au Togo pour les
vivriers est de 150 à 200 kg/ha d'engrais complexes 15 -15 -15 et 50
à 100 kg/ha d'urée (Tamelokpo et Tossah, 1994). Mais cette
formule ne tient ni compte des caractéristiques des sols ni des besoins
des cultures en tel ou tel élément nutritif. En effet, plusieurs
types, formes et doses d'engrais minéraux dont le chlorure de potassium,
le sulfate d'ammonium, l'urée, les superphosphates (triple et simple),
les phosphates naturels partiellement acidulés (TIMAC no6,
SIVENG, PAPR50) ont été testés sur le maïs.
C'est ainsi que sur les stations de Glidji et de Davié,
d'Amoutchou et de Sarakawa, de 1986 à 1988, des essais ont
été conduits sur le maïs avec cinq sources de phosphore
à savoir le phosphate naturel brut de Hahotoe, le phosphate naturel de
Hahotoe acidifié à 25%, le phosphate naturel de Hahotoe
acidifié à 50%, le superphosphate simple et le superphosphate
triple (Tamelokpo et al, 1996). Il résulte de ces travaux que,
appliqués dans la formule N90 P60 K60 sur les sols
dégradés (Tamelokpo et al, 1996), le phosphate naturel
acidifié à 50% a des effets équivalents à ceux des
superphosphates simple et triple.
Par ailleurs un essai diagnostic de la fertilité sur
les sols ferrallitiques dégradés de la savane
côtière togolaise a montré que parmi les
éléments nutritifs majeurs (Tamelokpo et Ankou, 2003), le
potassium (K) est l'élément nutritif qui limite le rendement des
cultures sur la terre de barre, puis suivis de l'azote (N) sous le
système maïs-manioc avec N200 P20 et K150.
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