Section 2 : Les réseaux
Les réseaux sont les regroupements des mutuelles
d'épargne et de crédit en union, fédération et
confédération. Ils peuvent se doter d'un organe financier qui est
une structure dotée de la personnalité morale et dont l'objet
principal est de centraliser et de gérer les excédents de
ressources financières des membres.
En effet, face à la multitude des mutuelles
d'épargne et de crédit isolées, l'un des enjeux de la
nouvelle réglementation en microfinance est la structuration du secteur,
en incitant les mutuelles à se constituer en réseaux ou à
s'affilier à des réseaux déjà existants.
On peut identifier trois types de réseaux mutualistes
selon les dynamismes à l'origine de leur création.
2-1/Le premier type de réseaux : Union
émanant de la mise en réseau de caisses préexistantes de
manière « endogène »
Le premier type de réseau concerne les réseaux
qui ont directement été pensés et construits sous forme de
réseaux, à l'image des trois plus grands réseaux
sénégalais (CMS, UM-PAMECAS et ACEP). Ces grands réseaux
ont démarré sous forme de projets menés par des ONG ou
organisations étrangères (Centre International du Crédit
Mutuel pour le CMS, Développement International Desjardins pour
l'UM-PAMECAS et USAID pour ACEP).
Ils ont bénéficié d'une aide externe
financière et technique importante. Le degré d'harmonisation de
ces réseaux est élevé avec des caisses construites sur un
même modèle et fonctionnant de manière identique. Le choix
de l'implantation d'une nouvelle mutuelle, ses produits et son mode de
fonctionnement, sont déterminés au départ par la direction
du réseau. Le pouvoir de la caisse se limite généralement
à la gestion quotidienne de l'activité (essentiellement analyse
et validation des demandes de prêts). Ce type de réseau fonctionne
efficacement (les trois réseaux en question ayant réussi à
s'imposer comme leaders sur le marché de la microfinance au
Sénégal), mais on peut s'interroger sur la réelle
appropriation de ces réseaux par leurs membres et sur leur
capacité et volonté à répondre de façon
adéquate aux besoins des paysans et du monde rural.
2-2/Deuxième type de réseau : Union
émanant de la mise en réseau de caisses
préexistantes de manière
« endogène ».
Ce deuxième type concerne les réseaux nés
de regroupements de mutuelles préexistantes sur la base d'une dynamique
endogène ; c'est le cas du réseau Inter-CREC en Bases
Casamance).
Ce réseau (Inter-CREC), qui a reçu un
agrément en 2004, regroupait fin Décembre 2005, 17 caisses de
base et 7500 membres.
A l'origine six caisses avaient été crées
par des organisations paysannes de la FONGS et de CORD/B (une association
d'organisation paysanne propre à la Base Casamance). Les caisses elles
mêmes ont jugé judicieux de se regrouper et de créer leur
propre Union. Cette volonté de regroupement a été
facilitée par le fait que les OP, à l'origine de leur
création étaient elles mêmes membres de la
fédération d'OP et avaient déjà une identité
et des objectifs communs fort avant même la création du
réseau. De fait des interactions et des mécanismes d'entraide
préexistaient au niveau des mutuelles de base. Cette solidarité
était d'autant plus forte que ces mutuelles ont toujours du compter
presque uniquement sur leurs propres ressources pour exister, la Casamance
n'étant pas une région propice à l'appui d'organisations
étrangères du fait des conflits qui l'animent. La création
de l'Union est donc une initiative tout à fait endogène qui
assure une cohésion sociale forte et une appropriation poussée
par les membres. Cependant deux risques importants menacent le
réseau : d'une part, la difficulté de l'Union à
assurer sa viabilité financière et technique sans appui externe,
d'autre part, la croissance rapide du réseau avec la création de
11 nouvelles caisses moins bien développées que les six caisses
historiques. Le risque est que les six premières peuvent avoir le
sentiment de tirer le reste du réseau et remettre en cause la
viabilité du réseau. Cependant, l'appui externe a
contribué à l'émergence d'autres réseaux.
2-3/D'autres réseaux
émergents
Sur la liste des réseaux, nous notons ceux qui sont
nés d'une dynamique mise en réseau, le plus souvent
initiés par des acteurs externes (ONG, organismes publics de
coopération étrangère, organisations
internationales) : c'est le cas du projet de création d'une Union
dans la région de Louga à l'initiative de deux ONG
européennes, Aquadev (ONG Belge) et CISV (ONG Italienne) mais aussi la
FENAGIE (Fédération National des Groupements
d'intérêt Economique de Pêche).
Pour le cas de Louga, le projet de mise en réseau des
mutuelles d'épargne de base bénéficie de l'appui financier
de l'Union Européenne.
Comme on vient de le noter, il a été initié
par deux ONG internationales mais il doit se faire en partenariat avec le
CNCR/Louga (Comité National de Concertation et de Coopération des
réseaux).
L'intérêt d'un soutient externe est de
bénéficié de moyens financiers et techniques
conséquents pour réaliser le projet (cf. section4).
Cependant, plusieurs questions préoccupantes ont
été soulevées :
i) risque de sentiment de désappropriation des membres des
mutuelles adhérentes et de perte de contrôle par les organisations
paysannes à l'origine de leur création ;
ii) modalité de choix des mutuelles autorisées
à adhérer au réseau ;
iii) les critères privilégiés jusque
là étant les performances sociales ainsi que la prise en
considération de la diversité des situations des mutuelles. Il
y'a donc un risque, dans cette démarche, de voir se créer un
système à deux vitesses avec d'un coté le réseau et
de l'autre, les mutuelles isolées considérer comme insuffisamment
performantes financièrement pour incorporer le réseau.
Pour le cas de la FENAGIE Pêche son succès est du
à sa présence dans les villages les plus reculés du
pays.
Un rapport de la BCEAO (disponible à la cellule AT/CPEC),
sur l'analyse de la portée des SFD du Sénégal,
piloté par le Groupe Consultatif d'Assistance aux Pauvre (CGAP), nous a
les données ci-dessous.
La FENAGIE est une fédération de groupements
d'intérêt économique (GIE) implantés au niveau local
et regroupant des professionnels de la pêche. Elle est présente
dans 8 régions du pays et comptait en 2005, 45000 membres dont 62% sont
des femmes. Elle comprenait 53 syndicats locaux représentant chacun
environ 2500 GIE de pécheurs, des ouvriers spécialisés
dans le traitement du poisson et des marchands de poissons. Les syndicats
locaux membres, doivent verser des droits d'adhésion de 25000FCFA et les
membres individuels versent annuellement un droit d'adhésion de 1000FCFA
dont 20% sont reversés aux syndicats locaux.
La FENAGIE a été fondée en vue de
renforcer l'autonomie des communautés de pêcheurs et
améliorer la gestion des ressources marines. Sur cette base, elle offre
des services financiers (prêts) et non financiers. Ces prêts ne
sont pas consentis à des personnes à titre individuel mais
plutôt aux GIE membres qui, en général, prennent les
décisions concernant la répartition ou le partage des prêts
accordés au groupe. La FENAGIE offre essentiellement deux sortes de
prêts : des prêts de petits montants qui varient entre 30000
et 150000FCFA et sont généralement destinés aux femmes, et
des prêts de gros montants qui varient entre 500000 et 850000FCFA
destinés à faire face à la demande de prêts de gros
montants émanant des hommes.
La FENAGIE offre également une gamme de services non
financiers qui découle de sa mission. Au nombre de ceux-ci, il convient
de citer les programmes devant permettre aux femmes d'avoir accès
à des équipements pour le traitement du poisson, une unité
d'achat en gros pour l'acquisition d'équipements, un programme de
sécurité alimentaire financé par la FAO, la formation des
pêcheurs, des ouvriers spécialisés dans le traitement du
poisson et des petits marchands de poisson ainsi qu'un programme de protection
de la mangrove.
La FENAGIE pilote également nue mutuelle d'assurance
maladie implantée dans 8 localités.
Il ressort de cette enquête quantitative, menée
par le CGAP que, dans l'ensemble, la FENAGIE travaille avec les clients les
plus pauvres de l'enquête. Cette situation n'est pas la résultante
d'une stratégie de ciblage, mais est plutôt due au fait qu'elle
travaille avec les communautés de pêcheurs qui sont en
général défavorisées.
Un certain ciblage est toutefois effectué à travers
des stages de formation préalables aux prêts, des produits
conçus sur mesure pour divers groupes et des actions orientées
vers les femmes.
2-4/Avantages et inconvénients de la mise en
réseau
Les avantages :
Le premier avantage de la
mise en réseau est sans doute la gestion plus efficace
des liquidités. En effet, le principe de mutualisation des
ressources veut que les caisses de base disposent leurs excédents au
niveau de l'Union. Cette dernière joue le rôle de caisse centrale
et gère les liquidités pour l'ensemble du réseau.
Aussi lorsqu'une caisse est en surplus de liquidités, ce
surplus peut être utilisé par une autre caisse se trouvant dans la
situation inverse, tel est le rôle des intermédiaires financiers.
Les caisses de base n'ayant pas toujours leurs pics de liquidités au
même moment, cette gestion centralisée permet de lisser les
fluctuations au niveau du réseau. De plus, l'Union ayant
généralement accès au système bancaire, peut
être en mesure de gérer les liquidités de façon plus
efficace en optimisant le placement des excédents de liquidités
des caisses.
Un second avantage de la mise en réseau est
l'amélioration de l'accès aux financements externes. En effet les
mutuelles isolées ne possèdent pas toujours une
comptabilité suffisamment élaborée et transparente pour
assurer leur crédibilité auprès des banques, de bailleurs
de fonds ou même d'ONG. L'union ayant un poids plus important et une
meilleure visibilité, a généralement plus de
facilités pour obtenir la confiance des institutions de
financement ; or l'accès à des lignes de financement
externes, surtout à long terme, peut s'avérer très utile
pour les mutuelles. En effet, la loi PARMEC impose que les actifs à
moyen et long terme soient couverts par des ressources de même
échéances. Cette règle prudentielle limite fortement la
possibilité pour les mutuelles d'octroyer des prêts à plus
long terme étant le caractère généralement court
terme de l'épargne des membres. Cependant la loi PARMEC
règlemente également le taux de dépendance externe des
mutuelles. Le montant des prêts octroyés ne peut être
supérieur au double du total de l'épargne récoltée
auprès des membres.
La mise en réseau permet également des
économies d'échelles. En effet, certains services ou outils
peuvent être très coûteux à supporter par une
mutuelle isolée. On peut citer en exemple l'informatisation et
l'acquisition d'un logiciel adapté, le financement d'expertises, la
formation du personnel ou l'achat en gros de manuels et d'outils de gestion
permettant des économies de coûts.
De plus, le réseautage favorise les échanges de
capacités et de « bonnes pratiques » entre les
mutuelles, ainsi que l'échange d'informations sur les membres. En effet,
dans les régions où coexistent de nombreuses mutuelles
d'épargne et de crédit, les membres peuvent être
tentés de s'affiler à plusieurs mutuelles et obtenir ainsi des
prêts dans plusieurs institutions en même temps. Ces pratiques
risquent de conduire au surendettement des membres. La mise en réseau de
mutuelles d'une même région conduit le nombre d'intervenants et
permet ainsi de limiter les phénomènes de double adhésion
et cumul d'emprunts.
En fin, la mise en réseau permet de renforcer le
contrôle interne et externe. En effet, du point de vue interne, une
équipe technique de professionnels est généralement
constituée au niveau central et assure le contrôle de toutes les
unités décentralisées. Ce contrôle plus ponctuel (en
général biannuel) vient s'ajouter au suivi quotidien des
activités du personnel des caisses de base par leur comité de
surveillance respectif. Du point de vue externe, en plus du contrôle
annuel de la AT/CPEC, un réseau peut également plus facilement
faire appel à des auditeurs privés. Toutefois, la mise en
réseau peut aussi avoir des inconvénients.
Les
inconvénients :
Le premier désavantage pour une mutuelle de s'affilier
à une union est sans doute le fait de devoir renoncer en partie à
sa souveraineté.
En effet, la caisse est alors obliger de composer avec les
exigences de l'union (telles que des règles d'harmonisation des outils
de gestion) et de céder une partie de ses compétences au profit
de la structure centrale (comme la gestion des liquidités).
Un second inconvénient est que la tutelle exercée
par l'union peut engendrer un sentiment de dépossession au sein de la
mutuelle. Le fonctionnement de la structure globale peut échapper aux
membres et la complexification du système du à la mise en
réseau peut limiter leur pouvoir d'influence et de contrôle. Le
recours par l'union à des gestionnaires professionnels accentue cette
tendance.
Au sein d'un réseau, il faut également, il faut
également une certaine harmonisation des politiques de crédit,
des outils de gestion, des procédures internes pour assurer une certaine
transparence (la standardisation des opérations facilite l'analyse des
opérations de chaque unité de base), pour organiser la collecte
des données financières et permettre une consolidation de la
comptabilité au niveau de l'union ainsi qu'un traitement
équitable de tous les membres du réseau.
En fin, la mutualisation des surplus des caisses est un
élément important pour assurer un fonctionnement efficace du
réseau.
Les caisses de base sont ainsi solidaires
financièrement.
Le sentiment d'appartenir à un même groupe
partageant une vision commune est essentiel pour favoriser les synergies entre
les unités de base et une cohésion sociale au sein du
réseau.
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