Section3 : Besoins de financement relatifs aux
structures à créer
Pour résoudre ou espérer résoudre les
problèmes cruciaux auxquels le milieu rural Sénégalais est
actuellement confronté, il ne suffit pas seulement de disposer d'une
certaine capacité de financement. Il faut nécessairement mettre
en place un ensemble de structures complémentaires et surtout efficaces
parmi lesquelles on peut citer : les organismes de distribution du
crédit et d'encadrement des ruraux ; les organismes de recherche
et de vulgarisation de la recherche.
3-1/Les organismes de distribution du crédit et
d'encadrement des ruraux
Malgré la prolifération des mutuelles
d'épargne et de crédit et d'autres institutions de microfinance,
l'offre reste insuffisante en zone rurale et surtout inadaptée.
S'il convient de créer ces structures, il importe aussi et
surtout de les rendre plus accessibles à leurs destinataires, en
conférant aux dites structures la souplesse nécessaire permettant
d'améliorer l'efficacité de leur intervention dans le milieu
rural. Cette mesure devrait se traduire par l'assouplissement des conditions
d'accès au financement évitant ainsi l'imposition des principes
rigides qui caractérisent le secteur bancaire traditionnel.
Comme nous l'avons tantôt dit, le secteur rural a toujours
pris une place de choix dans les politiques de développement, mais force
est de reconnaître que, concernant le crédit rural, les objectifs
sont loin d'être atteints. En effet du fait de l'expansion des encours et
des crédits non remboursés, la CNCAS connaît de
réelles difficultés.
Le faible taux de remboursement du crédit et les
stratégies paysannes de cantonnement et de la stratégie de
sécurisation du crédit mise en oeuvre par la CNCAS ont
mené cette dernière à réduire progressivement le
volume des crédits octroyés.
Plusieurs facteurs ont fait que la politique de crédit
appliquée jusqu'ici n'a pas eu les effets escomptés sur le
crédit rural, notamment :
ü taux d'intérêt et apport personnel
très élevés ayant entraîné un faible taux de
remboursement ;
ü délais de mise en place des crédits longs et
incompatibles avec le calendrier cultural ;
ü persistance des mentalités acquises ;
ü absence de suivi des crédits alloués aux
acteurs du monde rural ;
ü faiblesse de l'épargne en milieu rural.
D'une manière générale, la NPA n'a pas
réalisé les objectifs attendus.
Les facteurs explicatifs les plus importants sont :
ü l'absence de préparation du monde rural
habitué à un système d'assistanat ;
ü l'absence de relais au niveau du privé lors du
retrait progressif de l'Etat.
C'est pourquoi de nouvelles orientations ont été
prises dans le cadre de la Déclaration de Politique de
Développement Agricole (DPDA) dont les objectifs majeurs s'articulent
autours des éléments essentiels suivants : la croissance
soutenue, la sécurité alimentaire à travers une bonne
gestion des ressources naturelles et une sécurisation foncière,
l'amélioration des revenus, la promotion de l'investissement
privé et l'efficacité des dépenses publiques.
Cependant, ces efforts risquent toujours de se traduire en
néant si l'encadrement des ruraux (la mobilisation de mains
d'oeuvre qualifiées vers les zones rurales) n'est pas
assuré.
En effet, former des compétences capables de collaborer
avec les organisations rurales peut bien être l'unique solution pour
amorcer un développement durable.
Un certain nombre d'organisations rurales ont renforcé
leur compétence en embauchant, avec de multiples précautions, des
techniciens spécialisés en gestion mais en qui, pour
réussir, doit être fortement réfléchi.
Nous détaillons ci-dessous les raisons et les
modalités qui nous ont incité à faire une telle
proposition.
· Le nombre de chômeurs qualifiés
s'accroît d'année en année au Sénégal.
Nombreux sont les diplômés qui sortent de la
Faculté de Sciences Economiques et de Gestion
(FASEG), capables de mener à bien ces taches et qui ne trouvent pas
d'emploi.
· Les organisations rurales ont du mal à gérer
leurs affaires et manquent de cadres qualifiés. Toutefois elles
hésitent souvent à confier leurs affaires à des
« éduqués » venus de l'extérieurs qui
avec les « faux papiers » pourraient les desservir au lieu
de les servir.
· La logique économique voudrait qu'un rapprochement
soit tenté entre l'offre de main d'oeuvre qualifiée et les
besoins des organisations rurales.
Ceci ne peut se faire qu'à plusieurs
conditions :
L'université ne prépare pas à un travail au
sein des organisations rurales. Il ne suffit pas d'être un bon
gestionnaire ou un bon analystes pour savoir travailler dans des organisations
ou le poids de la tradition, les rapports sociaux jouent un rôle
fondamental.
Au-delà du savoir faire, il faut un savoir être pour
collaborer avec les ruraux. Ce savoir être peut parfois s'apprendre ou
s'acquérir par la fréquentation des ruraux.
Il doit en tout cas être testé avant que les
organisations rurales n'acceptent de « partager leurs
secrets ».
En outre les conditions de rentabilités des organisations
rurales ne permettent pas toujours d'offrir des salaires en rapport avec les
prétentions éventuelles des diplômés. Il
pourrait donc être utile de prévoir une période de
transition ou le salaire du technicien est subventionné jusqu'à
ce qu'il crée au sein de l'organisation les conditions de
rentabilité qui lui permettront de percevoir un salaire plus conforme
à ses aptitudes. Il pourrait donc être utile, dans le
cadre de la stratégie de renforcement des organisations rurales de
prévoir un lieu, reconnu par les organisations rurales, qui aurait comme
tache de mettre des techniciens en condition de travailler avec des
organisations rurales. Cette mise en condition pourrait passer par un
itinéraire de formation, piloter par une institution de confiance, qui
conduirait les candidats à l'emploi à séjourner et
à faire des taches de consultation dans les organisations rurales.
A l'issue de leur stage, ils pourraient être
évalués par les organisations rurales d'accueil puis
invités à suivre un autre stage.
A l'issue d'un cursus qui durerait de 6 à 12 mois,
l'institution en charge de leur formation pourrait, sélectionner les
techniciens les plus aptes à travailler avec le monde rural et les
proposer aux organisations qui garderaient leur liberté de les prendre
ou non.
Les trois premières années de fonctionnement ces
cadres pourraient être subventionnées de manière
dégressive.
Outre la mobilisation des organismes de distribution du
crédit et d'encadrement du monde rural, il est nécessaire d'en
faire de même pour la recherche.
3-2/Des organismes de recherche et de vulgarisation de
la recherche.
Des techniques modernes de production, outils de production plus
adaptés aux conditions écologiques, variétés de
semences plus performantes, etc... régleraient en partie, les
difficultés confrontées par l'agriculture
sénégalaise et plus généralement l'économie
dans son ensemble
La mise en place d'organismes produisant des ingénieurs du
développement rural susceptibles de participer à la promotion de
l'agriculture, est un besoin pressant.
L'Institut Sénégalais de Recherche Agricole (ISRA)
à été créer dans ce cadre depuis environ trois
décennies mais les résultats de la recherche sont encore
lacunaires.
Des écoles comme l'ENCR, l'ENEA, ... devraient s'investir
d'avantage dans ce chantier, en collaboration avec les organisations paysannes
pour leur formation et aussi la vulgarisation de la recherche.
Pour se faire, il faut la mobilisation de gigantesques ressources
financières ; ce qui interpelle tous les acteurs du
développement rural.
Cependant l'Etat doit rester le principal régulateur.
L'Etat du Sénégal a reconnu depuis des
années qu'il ne peut pas être le seul opérateur de la
formation mais il doit rester un Etat stratège et
corégulateur.
Il lui faut organiser un système ouvert ou les
opérateurs associatifs (ONG, OP) et privés, les
collectivités locales et les bénéficiaires participent,
avec les services publics, au pilotage, au financement et à la gestion
de la formation professionnelle pour le développement rural.
Les évolutions politiques, économiques et
institutionnelles qui ont marqué les années quatre vingt et
quatre vingt dix ont bouleversé la conception traditionnelle d'un
système de formation centralisé, régi par l'offre ou les
institutions publiques jouaient seules le rôle centrale.
Au Sénégal, la diminution de l'intervention
étatique, l'affaiblissement des services publics et l'émergence
de nouveaux acteurs sociaux se sont déroulés de manière
un peu improvisée. Des organisations non gouvernementales, des cabinets
privés, des associations de producteurs se sont illustrés dans la
formation agricole et rurale, aussi bien des techniciens que des ruraux
à la base.
La gestion trop centralisée de la formation et de
réduction de leurs moyens, ne permettaient pas aux ministères
tutelles de faire face à cette nouvelle situation.
La nécessité de concevoir de nouveaux
mécanismes de régulations qui tiennent compte des sources
multiples de connaissances et des acteurs participant à ce
système émergeant de formation a été
soulignée au cours de la réflexion menée sur le secteur en
1998-99 avec l'appui de la coopération suisse.
En outre, si la formation initiale reste essentiellement du
ressort de l'Etat et des collectivités territoriales, les
bénéficiaires doivent pouvoir contribuer aux formations de courte
durée à la demande.
Cette contribution peut être directe ou par le biais de
certains fonds alimentés en partie par des prélèvements
sur les produits agricoles et/ou sur des taxes à l'importation de
produits concurrents (suite à l'amélioration de la
« santé agricole »).
Mais dans une situation de transition, l'aide des partenaires au
développement continuera à jouer un rôle
déterminant.
Une telle politique, qui sollicite la participation de toutes les
parties est le seul moyen de promouvoir la recherche.
Le monde rural est conscient que l'agriculture va de plus en plus
mal (baisse des rendements, inadaptation des semences, production non
compétitive, ...) et que seule une recherche avancée permet de
sortir du gouffre. Mais il est aussi unanime que les maux du secteur rural
peuvent paralyser l'économie dans son ensemble.
CONCLUSION :
Au total, nous disons que la demande de financement pour
assurer le fonctionnement des activités des ruraux mais aussi les
investissements nécessaires à leur développement est
immense.
L'analyse de des besoins de financement a permis de constater
que :
v le moteur de l'économie nationale (le secteur rural) est
en panne ;
v les zones rurales sont de plus en plus désertées
à cause de la misère ;
v le développement durable passe nécessairement par
la mise en place de structures de bases.
Tous ceux-ci permettent d'avancer que les principaux clients de
la microfinance devraient être les ruraux.
Ainsi, importe-t-il de faire une étude panoramique des
institutions de microfinance intervenant en milieu rural
sénégalais ?
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