1.2.3 Dimension techno-sémio-pragmatique :
icônes et émoticones
Nous ne pourrons pas nous référer aux
écrans, ou interfaces graphiques (Peraya 1996) sans tenir
compte des icônes ni des boutons
illustrés « à cliquer qui actionnent des fonctions
et mettent à disposition des outils les plus divers ». Ces
aspects de la communication analogique (non-verbaux) sont étudiés
par Peraya (ibidem) plus particulièrement en ce qui concerne
« les icônes de logiciels et d'environnements informatiques
standard (ILEIS) ». Nous nous y référerons
très rapidement au moment de nous intéresser aux aspects de
l'interactivité entre l'individu, la machine et les logiciels (Voir
3.2).
La représentation des émotions à travers
des images dans la communication médiatisée par ordinateur (CMO)
est un objet d'étude de Marcoccia. Ce chercheur attire l'attention sur
le fait que les messages échangés sur le réseau Internet
« contiennent assez souvent des signes codés qui transmettent
des informations sur la dimension relationnelle et émotionnelle de
l'échange ». Une fois présentées les
caractéristiques de ces « pictogrammes », Marcoccia
(2000) analyse leur fonctionnement et esquisse une typologie qui lui permet de
« mettre en évidence les spécificités de la
communication médiatisée par ordinateur ». Ainsi, il
souligne aussi « son caractère hybride (entre oral et
écrit) » de même que « l'importance presque
paradoxale accordée à la dimension relationnelle » dans
les communications sur Internet. Pour lui, les utilisateurs d'Internet
« en voulant accorder autant d'importance à la relation qu'au
contenu échangé, rencontrent les `limites' du code
écrit », parce qu'ils ont « l'interaction en face
à face comme idéal de communication ».
Selon son interprétation, cette modalité
d'écriture repose sur un « choix paradoxal (faire du face
à face avec l'écrit) » (ibidem). Il estime que son
principe essentiel est celui de « trouver un substitut
écrit au paraverbal, aux marques de l'intonation (par exemple utiliser
des majuscules pour signifier que l'on `crie') et aux expressions
mimogestuelles produites lors d'une conversation, principalement, celles qui
sont liées à l'expression des émotions (les
smileys) ».
Suivant les principes de la mise en scène de
Goffman, Marcoccia (ibidem) analyse les aspects relationnels et se
réfère à l'importance du « management de
faces » qui ont une théorisation ad hoc: un code de
bonne conduite, de «savoir-communiquer», appelé
Netiquette (l'étiquette du Net) qui reprend, d'après
Marcoccia, les « principes de politesse (ménager la face de
l'autre, adoucir les messages), la maxime de modalité (...) et des
règles liées à l'environnement technique et juridique
d'Internet » (ibidem).
Le fait d'utiliser ces signes peut se rapprocher de deux
procédés du discours écrit : il cite Anis, lorsqu'il
affirme que « les études sur la télématique
montrent que ses utilisateurs ont tendance à privilégier la
ponctuation à valeur expressive sur la ponctuation
syntaxique » ; il se réfère aussi à
Mourhlon-Dallies & Colin qui notent « que la fonction des smileys
est très proche du système des didascalies dans le texte
théâtral ». Dans une contribution plus récente,
Marcoccia (2004) affirme que « [c]es procédés ne sont
pas utilisés uniquement pour « mimer » l'oral(...).Leurs
fonctions sont en effet similaires à celles du matériau
non-verbal dans la conversation en face à face ». Ce qui
l'amène à conclure que « [l]e traitement linguistique
de ces procédés doit donc résoudre diverses
difficultés :
- prendre en compte la dimension interactionnelle et pas
seulement référentielle de ces marques,
- arriver à analyser le fait que ces marques - à
l'instar du non-verbal - ont souvent peu de signification en soi mais en
trouvent dans le type de relation qu'elles entretiennent avec les messages
qu'elles accompagnent,
- identifier la « portée » de ces marques.
Comme les marques non-verbales, les segments sur lesquels elles portent sont
difficiles à déterminer. Par exemple, l'expression
apportée par un smiley porte-t-elle sur la totalité du message,
sur la phrase dans laquelle le smiley apparaît ? Existe-t-il des
critères formels ?
En fait, la difficulté majeure réside sans doute
dans le fait que ces marques ne peuvent être analysées qu'en
tenant compte de nombreux paramètres liés à la gestion des
interactions communicatives, qui dépassent dans une certaine mesure les
dimensions morpho-syntaxiques ou sémantiques des messages : leur
dimension relationnelle, leur caractère situé, leur visée
pragmatique, etc. »
Marcoccia (2000), données à l'appui, annonce
une esquisse des fonctions des smileys qui sera
développée par Marcoccia & Gauducheau (2007) :
- les smileys expressifs qui peuvent
« apporter une information sur l'état
émotionnel », ou bien « permettent d'expliciter la
dimension émotionnelle » ou bien peuvent « renforcer
la valeur expressive présente dans le contenu
verbal » ;
- les smileys d'ironie et d'humour peuvent montrer
cette dimension, la renforcer ou la manifester quand elle n'est pas
exprimée par le contenu verbal;
- les smileys relationnels et de proximité qui
« participeraient au maintien de la relation » ;
- les smileys de politesse qui « servent
à atténuer le caractère menaçant ou hostile du
contenu verbal d'un message ».
Cependant, ces auteurs avouent que ce n'est pas si aisé
d'attribuer une fois pour toutes telle ou telle fonction. Nous pourrons
constater, comme ces auteurs, que « les mécanismes
d'interprétation des messages » présents dans le corpus
« semblent le plus souvent reposer avant tout sur la part verbale du
message » (Voir 3.4.3).
Nous avons voulu, dans cette sous-partie 1.2, rendre compte
des résultats de recherches articulant les dimensions technologiques,
sémiotiques et sociales visant les caractéristiques des
interactions sociales en ligne. Nous ne pouvons pas passer sous silence, ici,
un concept que nous devons à Peraya (1998) : la qualification de
dispositif techo-sémio-pragmatique, appliquée aux
dispositifs pédagogiques (voir la différence entre
système et dispositif en 1.3.).
Quelques précisions terminologiques avant de poursuivre
cette sous-partie 1.2 théorique, qui va être consacrée
maintenant à l'examen des phénomènes qui se situent
à la croisière de la technologie, la communication et l'analyse
du discours. La base de données CRITER donne
« frimousse » comme traduction du terme anglais
smiley. Nous préférons le terme émoticone
qui combine deux vocables de la langue
française (émotion et icône). Le
terme le plus utilisé par les chercheurs francophones est sans aucun
doute celui de smiley (c'est le cas de Marcoccia) ce qui peut
s'expliquer par le fait que les premiers étaient effectivement
des :-), trois signes de la ponctuation représentant des sourires.
Dans notre corpus, les étudiants ont utilisé les deux types, les
signes typographiques (réalisés avec les signes de ponctuation)
et les graphiques, des images fournies par la plate-forme Moodle. La
définition donnée par CRITER semble ne parler que du
premier cas.
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