L'évolution et la protection des droits de l'enfant en Mauritanie( Télécharger le fichier original )par Soukeina Gaye Université de Perpignan - DEA 2007 |
Paragraphe 2 : Pratique traditionnelle néfasteSelon l'article 24 de la CDE, les Etats parties doivent prendre les mesures nécessaires à l'abolition des pratiques traditionnelles préjudiciables à la santé de l'enfant, est complété par l'article 19 de la CDE, qui stipule que les Etats sont tenus de protéger l'enfant contre les mauvais traitements perpétrés par ses parents ou toute autre personne sous leur couvert. L'application de cet article s'avère très difficile en Mauritanie car certaines pratiques comme les mutilations génitales féminines (A) et le gavage ou mariage précoce des filles (B). A : Mutilations génitales féminines L'excision ou mutilation génitale féminine est le nom générique donné à différentes traditions qui entraînent l'ablation d'organes génitaux féminins bien que plusieurs justifications soient données pour le maintien de cette pratique, elle semble lier essentiellement au désir d'assujettir les femmes et de contrôler leur sexualité. Les mutilations génitales féminines (MGF) désignent « l'ablation totale ou partielle des organes génitaux externes ou toute autre atteinte aux organes génitaux féminins pour des raisons culturelles ou pour d'autres raisons d'ordre non thérapeutique » Plus de 130 millions de filles et de femmes auraient subi des MGF à l'heure actuelle, en majorité en Afrique et, à moindre échelle, dans le Moyen Orient10(*). Cette procédure comportait l'utilisation d'instruments artisanaux ou rudimentaires. La terminologie appliquée à cette pratique a connu plusieurs modifications importantes lorsque la pratique commence à être connue au delà des sociétés dans les quelles elles appartenaient à la tradition. Elle était connue sous le non de « circoncision féminin ». Une pratique qui a de graves conséquences physiques ou morales sur la femme. L'excision est une tradition rituelle profondément ancrée dans les moeurs. La mutilation de l'appareil génital féminin est un rite millénaire. On ignore où et pourquoi il s'est développé. L'excision est une pratique très répandue en Mauritanie : plus des deux tiers des femmes enquêtées (71%) ont déclaré avoir été excisées. Cette prévalence varie sensiblement selon les caractéristiques sociodémographiques, Les MGF constituent une violation fondamentale des droits des petites filles comme le prévoit la CDE. Elles violent les droits à la santé et à l'intégrité physique, à la protection contre les pratiques traditionnelles nuisibles, et à la protection contre tout mauvais traitement physique et toute pratique abusive et dégradante. En outre, les filles subissent souvent cette pratique sans leur consentement informé, ce qui les prive de l'opportunité de faire des choix indépendants concernant leur propre corps Il existe trois formes de mutilations sexuelles : la plus courante est l'excision ou clitoridectomie ; elle consiste en l'ablation partielle ou intégrale du clitoris et de petites lèvres. La forme la plus grave est l'infibulation lors de cette opération, on procède à l'ablation du clitoris et des petites lèvres, la vulve est ensuite saturée à l'aide de catgut, de fils de soie ou d'épines. Selon un orifice étroit est aménagé pour l'évacuation de l'urine et l'écoulement du flux menstruel ; la forme la moins grave et la Sunna ou l'excision symbolique « qui est le fait de couper du clitoris »11(*). Le taux d'excision varie par ailleurs sensiblement selon le niveau d'éducation: 58% des femmes ayant un niveau d'éducation secondaire ou supérieur ont été excisées, contre 80% des femmes qui n'ont suivi qu'un enseignement coranique et 72% de celles qui n'ont pas d'instruction. Concernant la prévalence de l'excision selon l'âge, aucune tendance nette ne se dégage, ce qui indique que l'excision n'est pas une pratique qui appartient au passé et est en voie de disparition, mais qu'elle est toujours actuelle en Mauritanie. D'ailleurs, selon les résultats de l'enquête, 66% des femmes enquêtées ayant, au moins, une fille, avaient déjà fait exciser leur fille ou, au moins l'une de leur fille, 3% avaient l'intention de la (ou les) faire exciser et seulement 23% n'avaient pas l'intention de le faire. Au total, on peut donc considérer que 69% des femmes ayant, au moins, une fille, ont fait (66%) ou feront (3%) exciser leurs filles. Cette proportion, proche de celle de femmes excisées (71%) montre la persistance de la pratique de l'excision dans la société mauritanienne. L'excision a très généralement lieu dans la période de la petite enfance, et est pratiquée par des praticiennes traditionnelles dans 71% des cas : 37% par une vieille femme, 28% par une exciseuse et 9% par une accoucheuse traditionnelle. Le recours à des professionnels de santé est très rare (1%) et cela quelque soit le type d'excision pratiqué. Ainsi l'excision fait-elle partie des pratiques à risques concernant la transmission du VIH/SIDA. L'enquête EDSM (étude démographique de la santé mauritanienne) a permis de saisir les opinions et croyances vis-à-vis de l'excision. Ainsi, d'après les femmes interrogées, les principaux avantages pour une fille d'avoir été excisée tiennent d'abord à la reconnaissance sociale (35%), puis à l'apaisement de son désir sexuel (31%). 29% des femmes évoquent par ailleurs une nécessité religieuse, et 19% estiment qu'elle permet une meilleure hygiène. Il faut noter que 21% des femmes ne voient aucun avantage à l'excision. On estime que cent à cent quarante millions de femmes et de fillettes dans le monde ont subi une forme d'excision et deux millions de fillettes par an qui risquent de subir la procédure sous une forme ou une autre. Malgré les difficultés d'évaluer des données globales .Ces chiffres indiquent sans équivoque l'échelle massive de cette violation des droits humains. L'excision ou mutilation génitale féminin frappe bien plus les filles que l'on pensait. L'excision à de graves conséquences sur la vie présent et dans l'avenir des petites filles, car la plus part des filles excisées sont marquées à vie dans leur chair et leur esprit. La question qu'il se pose aujourd'hui concerne la qualification de cette pratique : est-elle en effet une agression sexuelle ou une mutilation sexuelle, cette question demeure toujours sans réponse. En ce qui nous concerne, on peut dire qu'il y'a une similitude entre ces deux notions, si la seconde n'est pas comprise dans la première. En effet ce que l'on pense, c'est que celui qui mutile un organe sexuel, traumatise, porte atteinte, ou mieux agresse.
B : Gavage et Mariage précoce Pratique traditionnelle propre à la société mauritanienne, la pratique du gavage semble répondre à la fois à un but esthétique et à un désir de mettre en évidence le statut social de la famille de la femme12(*). Pratique peu connue, mais très répandue dans la société mauritanienne particulièrement dans la population arabo-berbère. « L'ancienne société mauritanienne compte parmi celles qui aimaient l'obésité excessive si bien que le proverbe maure considère que la femme occupe dans le coeur une place égale à son volume ». Toutefois, au-delà de l'atteinte aux droits de l'enfant (la jeune fille est physiquement forcée à manger), et au-delà des souffrances occasionnées par le gavage lui-même (utilisation de moyens de coercition physique pour 40% des petites filles), le gavage a des répercussions néfastes sur l'ensemble de la vie des filles : difficultés sanitaires et, impossibilité d'exercer certaines activités physiques, et augmentation des risques de morbidité et de mortalité suite aux maladies cardio-vasculaires. Cette pratique est beaucoup moins courante que l'excision, et, contrairement à celle-ci, tend à disparaître progressivement. Cette pratique subsiste toujours dans les zones les plus reculés de la Mauritanie, mais on a remarqué qu'elle a beaucoup diminué au cour de ces années particulièrement dans les grandes villes. * 10 WHO (2000), `Female Génitale Mutilation', Fact Sheet No. 241. Disponible sur le Web à l'adresse http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs241/ en/ (21 Oct. 2005). * 11 www.droitsenfants.com/excision/htm * 12 Mint Meiloud, 2001, citée dans le rapport sur l'EDSM 2000-2001 |
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