B. L'INDEPENDANCE ECONOMIQUE (FONCTIONNELLE ET
FINANCIERE)
Elle se définit comme la capacité de la Banque
à utiliser tous les instruments de politique monétaire à
sa disposition sans se voir soumise par le gouvernement à des
instructions61.
Les indicateurs d'indépendance économique sont les
suivants :
- la présence ou absence d'une mission
prépondérante comme la garantie de la stabilité des
prix ;
- la capacité de la banque à contrôler les
fluctuations des taux d'intérêt, la parité des taux de
change et la politique monétaire en général
;
- l'obligation ou interdiction faite à la banque de
prêter au gouvernement ; - intervention ou influence de la banque dans le
processus budgétaire ; - le rôle de la banque dans la
régulation du secteur bancaire commercial.
Il en résulte qu'une Banque centrale est d'autant plus
indépendante économiquement du gouvernement qu'elle dispose d'un
large éventail d'instruments monétaires et qu'elle peut en faire
usage sans restrictions.
Ainsi, à l'analyse du tableau comparatif ci-dessous
mettant en évidence le degré d'indépendance
économique de la BCEAO et de la BEAC par rapport à la BCE, il
apparaît clairement que les instances dirigeantes africaines
contrairement au pays de l'union européenne n'ont pas voulu
s'embarrasser de la notion d'indépendance ou du moins que le
système monétaire dont dépendent les deux BC ne leur
permet pas de l'être. Ce qui explique par exemple la possibilité
faite aux banques d'accorder aux Trésors publics des Etats membres, des
découverts en compte courant62.
Par ailleurs, bien que les plus hautes autorités
africaines se défendent d'une dépendance de leurs BC
vis-à-vis de l'Europe, force est de constater que l'environnement
juridique et monétaire des BC ne permet pas d'aller dans leur sens. Il
s'agit notamment :
61 Cf. Alberto ALESINA / Lawrence H. SUMMERS, « Central
Bank Independence and Macroeconomic Performance : «Some Comparative
Evidence », page 153.
62 Article 14 des statuts de la BCEAO et Article 17 des statuts
de la BEAC.
- Des accords de coopération avec la France,
- De l'ancrage à l'Euro,
- De l'existence des comptes d'opération et du
système monétaire en dépendant qui augure de l'existence
d'un système de <<currency board>>.
Banques Centrales Critères
D'indépendance
économique
|
BCEAO
|
BEAC
|
Banque Centrale Européenne
|
Droit d'instruction du gouverne ment
|
Oui
(titre III des statuts)
|
Oui
(articles 26 et suivants des statuts)
|
Non (article 7 du protocole sur les statuts du système
européen de banques centrales et de la banque centrale européenne
et 108 Traité CE)
|
Possibilité d'octroyer des crédits à
l'Etat
|
Oui (Article 14 des statuts)
|
Oui (Article 17 des statuts)
|
Non (article 101 du traité CE)
|
Autonomie de la politique monétaire (si elles ne
sont soumises à aucune contrainte : contraintes réglementaires
internes, contraintes liées à des accords
internationaux...)
|
Non, car liée par différents accords à la
France. Environnement de <<currency board>> avec comme monnaie
d'ancrage, l'Euro
|
Non, car liée par différents
accords à la France. Environnement de <<currency
board>> avec comme monnaie d'ancrage, l'Euro
|
Oui (article 12 et chapitre IV du protocole
susmentionné)
|
Autonomie de la politique de change (si elles ne sont
soumises à aucune contrainte : contraintes réglementaires
internes,
contraintes liées à des
accords internationaux...)
|
Non, existence d'un comp te d'opérations auprès
du Trésor français (article 3 de l'accord de coopération
entre la
République Française et les
Républiques membres de l'U.M.O.A)
|
Non, existence d'un compte d'opérations auprès
du Trésor français (article 2 de la
convention de coopération
monétaire entre les États membres de la BEAC et
la République Française)
|
Oui (article 23 du protocole susmentionné)
|
Pour notre part, nous pensons que le véritable enjeu n'est
pas celui de l'indépendance de ces deux BC.
La question qui nous semble digne d'intérêt et
que les dirigeants africains devraient se poser est celle de savoir si ce
système monétaire convient à leurs économies
respectives. Dans l'affirmative, il faudrait rechercher les moyens de
l'améliorer afin de permettre à la BCEAO et à la BEAC
d'atteindre les objectifs qui sont ceux de toute BC moderne, à savoir
maintenir la stabilité des prix et apporter efficacement leur soutien
aux politiques économiques générales des unions dont elles
dépendent, en vue de contribuer à la réalisation des
objectifs desdites unions.
Dans cette optique, il semble également important que
les autorités de l'UEMOA et la CEMAC prennent pleinement conscience et
comprennent toutes les implications découlant de l'arrimage de leur
monnaie à une monnaie étrangère et en tirent toutes les
conclusions.
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