4.3.4 Anthropométrie et
diabète sucré
Les deux formes de la malnutrition, maigreur ou
sous-nutrition et surcharge pondérale /obésité sont
présentes chez les employés de la SNEL. Ceci signifie qu'il
s'agit d'une population en transition nutritionnelle. La transition
nutritionnelle à la croisée de chemin des pays en voie de
développement, est caractérisée par une consommation
excessive de graisses, une diminution de consommation des fibres et des sucres
complexes et une diminution de l'activité physique (3). Ce qui a
amené Jervell a incriminé aussi bien l'excès que la
carence de bonnes choses dans la malnutrition (4). La carence entraîne la
malnutrition protéinoénergétique chez l'enfant, la sous
alimentation et la déficience en micronutriments
(microéléments). L'excès entraîne la suralimentation
et donc l'obésité. La malnutrition foetale a été
reconnu dans notre pays comme un facteur de risque cardiovasculaire chez
l'enfant adolescent congolais (122, 123).
Sur l'ensemble de la population 14,4%, 26,6 et 14,4%
représentent respectivement la sous alimentation de type maigreur, la
surcharge pondérale ou surpoids et l'obésité
générale. Le surpoids et l'obésité mis ensemble est
présent chez 41% de sujets, pendant que l'obésité centrale
se trouve chez 43,3% de participant. Toutes ces données exemplifient les
transitions nutritionnelle et épidémiologique (3,4, 7). Pour la
transition épidémiologique, la prédiction de
l'avènement de l'épidémie des maladies chroniques non
transmissibles d'ici à l'an 2020 (5,6) sera vite
matérialisée par des chiffres épidémiologiques
d'obésité observés dans la présente étude
(124).
Bieleli rapporte dans la population 18% des cas de maigreur,
16% de surpoids et 9,4% d'obésité toute classe confondue (125).
Toutefois dans la population générale de la ville de Kinshasa,
Mbuyamba et al évaluent à 14% la prévalence de
l'obésité (73) mais dans la population active au travail et dans
la même entreprise SNEL, Mbala observe 28% d'agents avec surcharge
pondérale et obésité confondue (15). Les taux de la
surcharge pondérale et de l'obésité estimé dans la
présente travail ne peuvent pas être comparé à ceux
rapportés par les précédentes études Congolaises .
La surcharge pondérale évaluée entre 28 et 42% chez les
Noirs Américains (126) suggère une pathogénie
génétique ou ethnique probable. Non seulement chez les Noirs
Américains mais chez toutes les ethnies des pays
développés, évaluées par des protocoles
standardisés, l'obésité constitue un réel
problème de santé publique (127). En ce qui concerne notre pays
et l'Afrique, l'obésité progressant jusqu'ici de manière
endémique dans les pays développés s'étend dans nos
pays en voie de développement, marquant alors la transition de la
pauvreté à la richesse (128).
En effet, la modernisation, l'urbanisation, la migration vers
la ville de Kinshasa, et le niveau de vie socio-économique expliquent la
direction de l'obésité vers les horizons
épidémiques pour la population de la SNEL au travail. Tous les
paramètres anthropométriques, poids corporel, taille, tour de
taille et tour des hanches montrent une association directe et plus que
significative avec le niveau de vie socio-économique: les valeurs les
plus élevées étant dans la catégorie
élevée. Cette évaluation quantitative de la corpulence
expose plus les classes les plus aisées au risque de
l'obésité (elle-même facteur de risque cardio-vasculaire)
(129); de l'insulino-résistance ; du diabète
sucré(130) et de réduction de H.DL-cholestérol (45, 131)
comme c'étaient les cas des pays industrialisés.
En milieu hospitalier de Kinshasa, Longo-Mbenza et coll
notent une corrélation positive et très significative entre le
poids corporel et l'uricémie dans une population où
l'hyperuricémie a été isolé comme facteur de risque
significatif d'incidence d'AVC et de maladies coronaires (infarctus du
myocarde) (132). Pire encore, dans la présente étude, les
sédentaires comparés à ceux avec activité
physique, présentent des valeurs supérieures de poids corporel,
de taille, de tour de taille et de tour des hanches.
Toutefois, la catégorisation de l'évaluation
anthropométrique de la présente population en état
nutritionnel de maigreur, de surcharge pondérale et
d'obésité expose chaque niveau socio-économique à
l'une ou à deux anomalies nutritionnelles. La maigreur est très
prévalente dans la catégorie du niveau de vie
socio-économique élevée caractérisé
déjà avec des valeurs anthropométriques très
élevées. Cette maigreur ou sous alimentation peut aussi
être associée à des maladies chroniques ou à des
carences en nutriments (risque des maladies cardio-vasculaires lié aux
carences de folates, K+, vitamine E). Quant à la surcharge
pondérale, elle présente une association inverse avec le niveau
socio-économique, la prévalence la plus élevée
étant observée au niveau socio-économique faible. C'est ce
niveau socio-économique faible qui est caractérisé par la
plus petite taille. Les femmes de la présente étude sont aussi
caractérisées par la petite taille. A ce propos, des
études menées dans de pays développés ont
démontré que la plus petite taille était associée
au niveau de vie socio-économique faible et aux valeurs
supérieures de pression artérielle (133, 134). Mais c'est
plutôt le niveau de vie socio-économique moyen qui est le plus
exposé à l'obésité. Dans les pays
développés, l'obésité est plus prévalente
chez la femme du niveau socio-économique faible (alors que dans les pays
en voie de développement, l'obésité est plus
prévalente au niveau de vie socio-économique
élevé). AU Sénégal l'IMC ne varie pas avec le
niveau de vie socio-économique(135-139).
L'association obésité et maladies chroniques
non transmissibles de même que les risques cardio-vasculaires
inhérent à cette association sont déjà une
évidence clinique et épidémiologique, en Afrique noire
(15, 139).
Il faut souligner la limitation des programmes
d'éducation sanitaire et de prise en charge de sujets africains
obèses et hypertendus (140). A l'échelle individuel de l'africain
en général et la femme africaine en particulier, le gros corps
et/ou ses déterminants peuvent être le symbole de la force, de la
puissance ou de la situation florissante du mari (140, 141).
Ces derniers aspects psychologiques et psychiatriques de
l'obésité ont déjà été
souligné dans de pays développés (142). La pandémie
VIH-SIDA semble avoir bouleversé le comportement des patients face
à leur poids. Même dans les pays développés 20-28 %
de sujets obèses ne font aucun effort pour maigrir (143). Ceci serait-il
perceptible dans la non variation de la prévalence de
l'obésité en fonction du niveau de
l'activité physique tel que rapporté par la présente
étude? L'obésité générale est d'ailleurs
plus prédominante chez la femme de ce travail probablement à
raison de l'effet de la ménopause, de l'éthnicité ou de
considérations culturelles.
L'obésité, une certaine condition
métabolique, caractérisée par un excès de tissu
graisseux est lié au sexe et au statut hormonal (51). Par contre la
surcharge pondérale et l'obésité abdominale sont l'apanage
de l'homme. Les agents stressés pèsent plus que les non
stressés à cause de l'effet possible de la boulimie.
Les données congolaises (73) et ghanéennes
(144) démontrent une corrélation significative entre la P.A et
l'excès de poids. D'autres études ne retrouve pas cette
relation(12).
Bien que non prouvée, Woodman (127), émet
l'hypothèse d'un génotype « économe, ou thrifty
gène des anglosaxons » (145) qui pourrait expliquer la
tendance à l'obésité de la présente population
ayant en majorité émigré en passant d'un style de vie
traditionnel à un style de vie moderne.
Ce « génotype de famine ou
d'épargne » est caractérisé par une tendance
génétique à stocker les réserves
énergétiques pour les périodes maigres. Un certain
degré d'insulino- résistance est nécessaire au stockage de
l'énergie par le corps. Une fois en ville ces agents migrants aussi bien
que les non migrants sont caractérisés par une diminution
drastique de l'exercice physique et probablement par un régime riche en
graisses et en sucre (non évalués dans la présente
étude). L'organisme continue alors à stocker l'énergie au
même taux et associé aux effets naturels de
l'insulino-résistance, il est conduit à l'obésité
et à une susceptibilité à devenir diabétique.
En effet, le taux de glycémie est directement
corrélé au niveau socio-économique: la glycémie
moyenne de la catégorie du niveau de vie socio-économique
élevé est d'ailleurs caractéristique du diabète
sucré. Mais si on considère la qualité binaire de la
glycémie, le diabète sucré se répartit de
manière égale à travers les trois catégories du
niveau de vie socio-économique. Le taux de prévalence globale du
diabète sucré estimé à 15,1%, avec le taux de
prévalence de 11,9% au sein du niveau socio-économique faible de
15,3% , au sein du niveau de vie socio-économique moyen et de 17,7% du
niveau de vie socio-économique élevé dépasse de
très loin le taux de 0,012% observé dans la population congolaise
au déclin des années 1950 (144, 145) , celui de 7% observé
par Bieleli en l'an 2000 et ceux oscillant entre 2 et 9% dans les pays
africains (145-147). Dans la population hospitalière de Kinshasa,
Kandjingu et al estiment la fréquence du diabète sucré
autour de 5-7% (148).
L'hérédité joue aussi un rôle dans
la prédisposition du diabète sucré chez ces agents. En
effet, chez ces derniers, le risque de diabète sucré est
multiplié par 3 en cas d'histoire médicale du diabète
sucré chez leur collatéraux. Comme rapporté ailleurs (33,
82), le diabète sucré de coronarien africain est souvent
associé significativement à l'HTA, à
l'hypercholestérolémie, au tabagisme et à
l'hyperglycémie (15, 31, 34).
A Kinshasa, il a été démontré par
Longo Mbenza et al que l'hyperuricémie, facteur de risque d'incidence
d'AVC et d'infarctus du myocarde est directement associée à
l'hyperglycémie.
C'est l'obésité abdominale ou centrale (15,
52), l'hyperinsulinisme et l'insulino-résistance chez l'homme (52) qui
donnent une valeur prédictive importante du risque de l'infarctus du
myocarde, d'autres coronaropathies et de morts subites (35, 49, 52, 53). Le
diabète sucré est aussi associé à
l'obésité périphérique (52). Les sédentaires
de la présente étude sont caractérisés par de
valeurs élevées de tour des hanches suggestives
d'obésité périphérique, mais l'intolérance
au glucose ou le diabète sucré sont des facteurs de risque d'HTA
moins bien précisés chez les Noirs Africains (149). Or le
diabète sucré et l'HTA sont exclusivement confinés chez
les sédentaires de la présente étude.
L'obésité centrale reflet de l'insunilo-résistance est
prévalente dans le groupe de niveau socio-économique faible.
Le rôle de l'insulino-résistance dans la
pathogénie de maladies cardiovasculaires (du noir africain)
souligné par Longo-Mbenza (86) sera le défit à
maîtriser par les chercheurs africains pour l'éradication de
l'épidémie de maladies chroniques non transmissibles.
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