4.3.3 Prévalence de
l'hypertension artérielle et stress
La prévalence habituelle de l'HTA chez l'adulte en
Afrique sub-saharienne définit selon les critères OMS/I.S.H est
de 8-10% dans les communautés rurales et atteint 10-12% dans les
populations urbaines (11, 13). En ce qui concerne l'HTA modérée
à sévère, les études l'évaluent autour de
20% de la population hypertendue étudiée (11) alors qu'elle est
seulement de près de 6% dans la présente étude. La
prévalence de l'HTA estimée est de 16,7%. Cette prévalence
parait plus élevée que celle de la population africaine
générale. La présente prévalence est difficilement
comparable, en dépit de critères identiques de définition
de l'HTA, à la prévalence de 26% rapportée en 1994 dans la
même entreprise par Mbala (15), à celle de 29,7% au sein de
travailleur ivoirien au port d'Abidjan (14) et aux prévalences
respectives de 7,4% et 10,2% des hommes et des femmes travailleurs
sénégalais (117). Il faut souligner que l'étude de Mbala
(15) et l'enquête ivoirienne se sont déroulées au sein d'un
échantillon non-aléatoire.
Contrairement aux données de Mbala, repartissant les
employés de la SNEL en deux catégories (cadre et subalterne) ne
précisant pas les prévalences d'HTA de chaque catégorie
mais le P.A en position assise plus élevé chez les cadres que
chez les subalternes (15), la présente étude repartit les
employés de la SNEL en tertille tenant en compte une approche
multiparamétrique des variables socio-démographiques. De ces
trois catégories, comme souligné plus haut, en relation avec la
consommation d'alcool, le niveau socio-économique faible et
élevée sont de facteurs de risque associés à l'HTA.
Ces données confirment l'étude sénégalaise qui
identifie l'âge, l'analphabétisme, la catégorie
professionnelle et le stress lié aux conditions de travail comme
facteurs de risque de P.A élevée.
L'association curvilinéaire existant entre l'HTA et le
niveau socio-économique contraste donc avec le paradoxe décrit
chez les Noirs en Afrique subsaharienne et chez les Noirs au Blancs des
Etats-Unis (9, 11): faible prévalence de l'H.T.A chez les Noirs
Africains ayant un faible revenu (105, 118), mais prévalence
élevée de l'HTA dans le groupe de bas niveau
socio-économique de Blancs ou de Noirs Américains (118).
L'explication de ce paradoxe intéressant entre les études
antérieures africaines et celle du noir américain reste à
élucider. Par contre l'association curvilinéaire entre l'HTA et
le niveau socio-économique, démontrée dans la
présente étude, peut s'expliquer par l'adoption progressive d'un
mode de vie occidentale des migrants et des non-migrants vivant en milieu
urbain de Kinshasa et ayant des professions de bureau, l'alcoolisme, le
tabagisme, l'inactivité physique, le stress, l'âge et autres
variables de risque d'HTA.
Il est curieux de noter l'absence de l'influence du sexe sur
la prévalence de l'HTA dans la présente étude:
l'explication viendra de l'analyse détaillée des données
de ce travail. Mais l'hérédité interfère avec le
sexe dans la présente étude: les antécédents d'HTA
chez les ascendants sont plus rapportés par les femmes que par les
hommes. D'ailleurs le risque d'HTA est triplé en cas d'histoire d'HTA
chez les collatéraux.
La fréquence cardiaque , risque cardio-vasculaire bien
établi chez les congolais (47) est plus élevée chez les
hypertendus que chez les non-hypertendus. Les sujets stressés rapportent
plus d'antécédents d'HTA chez les ascendants que les
non-stressés. La présente étude démontre que le
statut socio-économique et la vie en milieu urbain de Kinshasa
(condition de locataire, incongruité au mode de vie) est une source de
stress.
Il existe un désaccord entre la position sociale et le
comportement social, désaccord étant une cause de stress
corrélée à l'élévation de la pression
artérielle (11). Il n'est pas aisé d'établir si l'action
de ces facteurs psycho-sociaux sur la P.A se réalise directement par le
système nerveux autonome (fréquence cardiaque
élevée, glycémie élevée) ou indirectement
par modification des habitudes alimentaires sous forme de consommation
excessive de sel (73) ou d'alcool et de tabagisme. Après migration, la
rupture de la niche écologique avec modification culturelle telle que
décrite par CRUZ-COKE au sein d'une population d'habitants de l'Ile de
Pâques (119), déclenche la pathogénie de
l'élévation de la pression artérielle s'il n'y a pas
d'adaptation.
En effet, le stress peut être défini comme une
réponse de l'organisme à un ensemble de demandes qui mettent en
jeu les réponses adaptatives de l'individu (120). Le stress est
conceptuellement composé de quatre parties qui sont: les stresseurs
potentiels, les réactions, les conséquences et les
médiateurs. Les stresseurs potentiels sont les événements,
et les conditions qui peuvent entraîner des réactions physiques et
psycho-sociales. les réactions sont les réponses biologiques et
psycho-sociales aux stresseurs. Les conséquences sont les effets
à long terme des réactions. Les médiateurs sont de
barrières génétiques, psychologiques sociales et physiques
qui peuvent compenser ou neutraliser l'impact du stress. Parmi les
médiateurs, il y a le support social (solidarité africaine
légendaire), le contrôle de soi et la capacité à
faire face (coping). Le stress chronique peut être conjugal (excès
de femmes non mariées), familial, professionnel et financier.
Dans la présente étude, le stress est
associé directement au niveau socio-économique. Les valeurs les
plus élevées proches de 90 % se trouvant dans la catégorie
du niveau socio-économique élevé. Il convient cependant de
souligner que le stress est présent dans chaque catégorie
socio-économique à raison de plus de la moitié de
représentant 56 % de stress au sein du niveau socio-économique
faible, 73 % dans le classe moyen et 87 % dans la catégorie niveau
socio-économique élevé. L'inadaptation de ces agents avec
la vie urbaine ne pas discutable. C'est justement chez les stressés
qu'il y a plus d'antécédents d'HTA chez les ascendants. Cette
inadaptation des populations africaines rurales après migration en ville
a été incriminé dans l'éclosion du stress et des
maladies cardiovasculaires tels que l'HTA et l'obésité (10, 11).
La présente association positive entre le stress et le niveau
socio-économique avait aussi été rapporté dans les
années 1980 auprès des employés belges (120). En effet,
dans les pays développés le stress corollaire du comportement
type A (121) est plus retrouvé chez le sujet à niveau
socio-économique élevée (120). Mais après la
généralisation de l'épidémie cardio-vasculaire, le
stress est devenu l'apanage des individus à niveau
socio-économique faible (9). En Côte d'Ivoire , le stress est plus
prévalent chez les noirs cadres intellectuels. La présente
étude considère le stress comme un ensemble de facteurs
psycho-sociaux, de comportements agressifs, ambitieux, de compétition
mais aussi négatifs: dépression type B. La dépression et
le type de comportement B (anxiété et inhibition sociale)
présentent un risque quatre fois plus élevé de
mortalité chez les sujets coronariens (16).
Dans un travail très récent, Longo-Mbenza et
coll. ont démontré que le sexe masculin, l'âge
avancé, le niveau socio-économique faible, la migration, la
fréquence cardiaque élevée et l'hyperfibrinémie
étaient des facteurs prédictifs significatifs de la
mortalité post. AVC chez les congolais (19).
La prise en charge de plus de huit personnes et le statut de
migrants de parents prédisent, respectivement, quatre et cinq fois plus
de risque de survenue de cardiopathie post-rhumatismale chez leurs enfants
(21).
|