CHAPITRE 1. GENERALITES
1.1. La
drépanocytose
1.1.1. Définition
La drépanocytose est une maladie
héréditaire de l'hémoglobine à transmission
autosomique récessive due à une mutation ponctuelle et unique du
gène â globine sur le bras court du chromosome 11. La mutation du
6ème cordon de l'exon I (GAG ? GTG) entraîne la
substitution en position 6 de la â globine de l'acide glutamique,
hydrophile, présent dans l'hémoglobine A (normale) par la valine,
hydrophobe, (hémoglobine S de mauvaise qualité) (6,9,19,23,
30-33).
1.1.2. Physiopathologie
Cette mutation d'un seul acide aminé dans la
chaîne â de la globine va entraîner des nombreuses
manifestations cliniques (35).
Classiquement, au niveau moléculaire ,l'anomalie
structurale de l'hémoglobine est responsable de la
polymérisation, de la gélification, et de la diminution de la
solubilité de l'hémoglobine S en état d'hypoxie sans
altération de déformabilité du globule rouge (36-38). Le
processus est d'abord réversible puis devient irréversible (36).
La polymérisation est influencée par certains facteurs tels que
la température, le PH, la composition ionique, la concentration du
2-3DPG ainsi que la concentration intra corpusculaire de l'hémoglobine S
(36,38-40). Il faudrait considérer aussi la notion de temps de latence
(delay time) nécessaire à la polymérisation qui, dans les
conditions physiologiques, est supérieur au temps de passage dans la
microcirculation (40-42). Toute cause de ralentissement circulatoire provoque
la polymérisation de hémoglobine S (42). Le globule rouge subit
plusieurs cycles de désoxygénation/réoxygénation
avant que la déshydration cellulaire ne soit suffisante pour que
s'amorce la falciformation (41).
Au niveau cellulaire,la polymérisation de
l'hémoglobine S dans le globule rouge induit une série des
modifications (36). La déformation physique de la cellule entraîne
la libération des microvésicules et une déshydration
contemporaine d'anomalies du transport ionique membranaire, avec une
augmentation de la perméabilité de la membrane aux ions (Na+,
Ca++ et K+). Deux canaux sont impliqués dans ce phénomène
de déshydration. Il s'agit du co-transport K-Cl et du canal Gardos,
canal activé par le calcium( 5, 42). Un micro environnement oxydant
apparaît avec libération de Fe3+, création d'un
cycle d'auto oxydation de l'HbS et retentissement sur les autres
protéines du GR (36, 42). Il y a remaniement de phospholipides
membranaires. Ce qui modifie les interactions du globule rouge avec son
environnement plasmatique et cellulaire (36,43). En effet, la
drépanocytose prend une nouvelle dimension vasculaire et
rhéologique (38). Il faut noter le phénomène
d'adhérence des globules rouges, surtout les cellules jeunes, les
réticulocytes de stress, à cause de la stimulation permanente de
l'érythropoïèse par l'anémie chronique. Les globules
rouges expriment deux protéines adhésives la glycoprotéine
CD36, décrite d'abord comme la glycoprotéine plaquettaire IV
(GPIV) et la protéine VLA-4 (ou á4â1)
de la super famille des intégrines. Tandis que la cellule
endothéliale exprime surtout la glycoprotéine CD36 et la
protéine VCAM-1 de la super famille des immunoglobulines.
Des protéines plasmatiques normalement présentes
et libérées par les plaquettes comme la thrombospondine, la
glycoprotéine CD36 et le facteur Von Willebrand sont capables de
promouvoir l'adhérence des GR drépanocytaires à
l'endothélium (41, 42). Le phénomène d'adhérence
concerne aussi les GB (5, 6, 13, 22, 33, 42, 44, 45). Les sélectines, P-
et E- sélectines fixent les neutrophiles (41, 42). Des mécanismes
différents seraient mis en jeu selon les circonstances et le territoire
vasculaire (42). Différents agents inflammatoires comme le TNF, les
interleukines, particulièrement IL-1, des médiateurs de type
prostacyclines, sont souvent augmentés chez les drépanocytaires
et un excès de thrombine crée un état procoagulant (36,
41). On observe également une hyperplasie de l'intima associée ou
non à un événement thrombogène surtout au niveau
des artères cérébrales où il rappelle la maladie de
Moyamoya. Il faut signaler aussi le rôle de l'endotheline ou le monoxyde
d'azote dans la régulation du tonus vasculaire (36). Cette
vaso-occlusion est à la base de la symptomatologie de la
drépanocytose (37, 38).
La physiopathologie de la drépanocytose est un
mécanisme complexe qui implique toutes les cellules sanguines
circulantes, les protéines plasmatiques et l'endothélium (41).
La drépanocytose se caractérise en plus par une
grande susceptibilité aux infections (38, 42, 46, 47). Les infections
peuvent aussi être responsables de déshydratation, d'hypoxie et de
fièvre, et donc favoriser l'apparition de crises vaso-occlusives. Les
mécanismes physiopathologiques qui expliquent cette
susceptibilité aux infections sont encore imparfaitement
expliqués. L'asplénie fonctionnelle, une diminution de la
capacité d'opsonisation par anomalies des lymphocytes et probablement de
la voie alterne du complément (46,47 ) ( l'altération concerne
une déficience en properdine et en protéine C3B
entraînant un défaut de fixation de C3 ). Le
déficit immunitaire des drépanocytaires explique la
spécificité des bactéries telles que les pneumocoques et
les salmonelles. Une corrélation statistique a mis en évidence un
allèle protecteur DRB 1*15, et un allèle de susceptibilité
DQB1*3 (48).
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