7.4. DISCUSSION
En Afrique noire, aucun cas d'hypertension artérielle
n'a été publié jusqu'à ce jour chez les patients
positifs, mais l'hypotension artérielle a été
décrite au cours du SIDA à cause de la diarrhée chronique
et de la déshydratation du noir (PIOT P. et al., 1993).
L'hyponatrémie (fuite excessive urinaire du sodium) et d'autres facteurs
peuvent contribuer à l'installation de l'hypotension artérielle
au cours du SIDA (VAZIRI N.D. et al., 1985).
Etude préliminaire
La controverse de la présence ou de l'absence de
l'hypertension artérielle systémique dans les atteintes
rénales du SIDA a plutôt montré un iceberg immergé
dans le vaste océan du puzzle-SIDA décrit par des études
rétrospectives. Ces dernières études évaluent des
patients au stade terminal de l'insuffisance rénale et de l'infection
VIH.
Le mérite de la partie préliminaire est
d'analyser l'évolution tensionnelle de manière dynamique et
pendant longtemps (7 mois d'observation) malgré l'échantillonnage
fort réduit à 14 patients (18 patients recrutés au
départ).
A ce stade, tous les patients ont présenté un
tableau clinique de myopéricardite confirmée par
l'échocardiographie. Une endartérite diffuse a été
aussi suspectée.
La tachycardie (Fc > 100/min) est permanente chez ces
patients comme déjà notée au cours du SIDA du noir
africain (MALU K. et al., 1988 ; KAPITA B., 1989). Cette tachycardie peut
déterminer l'augmentation du débit cardiaque et favoriser
l'élévation tensionnelle. Quoi qu'il en soit, l'hypertension
artérielle apparaît au seuil de l'infection VIH et disparait au
stade clinique avancé et manifeste du SIDA, peut-être à
cause des facteurs hypotenseurs éventuels prouvés dans le
modèle animal (FABER J.E. et al., 1984). Des raisons techniques ne nous
ont pas permis d'évaluer le rôle du système
rénine-angiotensine-aldostérone (SRAA).
L'accélération de la vitesse de sédimentation de nos
patients est liée à l'action de plusieurs facteurs : l'infection
VIH, des processus inflammatoires (myopéricardite, endartérite)
et affections opportunistes (zona intercostal).
C'est précisément cette
accélération de la vitesse de sédimentation qui montre une
corrélation très positive avec la tension artérielle au
début de l'infection VIH. L'infection VIH déclencherait une
réaction systémique post-agressive comprenant la stimulation du
système sympathico-adrénergique et du système
rénine-angiotensine et surtout la dysfonction endothéliale avec
vasoconstriction. La tachycardie et la sudation profuse sont les marques de
l'hypertonie sympathicodrénergique chez nos patients. La
vasocosntriction détermine une augmentation des résistances
périphériques et de la tension artérielle, surtout
l'installation de l'hypertension artérielle diastolique. L'hypertension
artérielle diastolique a été décrite chez le noir
américain au cours du SIDA compliqué de méningite à
cryptocoque (PATTY F.H. et al., 1992). Un patient avec tension systolique de
180 mmHg est décédé deux ans après dans un tableau
de méningite à cryptocoque. La tension artérielle
diastolique à l'admission (Pré-Sida) est positivement
correlée à la vitesse de sédimentation.
Dans la cardiomyopathie dilatée, Treasure et al. ont
montré que les cellules endothéliales étaient les
premières de tout le système cardiovasculaire à
présenter une anomalie de la réactivité vasomotrice
(vasodilatation) liée à l'endothélium (TREASURE C.B. et
al., 1990). Dix de nos 14 patients (71,43%) ont présenté une
cardiomyopathie dialtée au cours de l'évolution de leur SIDA.
L'élargissement de la tension différentielle est
plus marqué à l'apparition des signes cliniques manifestes de
l'infection VIH. Ceci a été noté en dépit de
l'absence apparente d'une corrélation entre la tension artérielle
différentielle et la vitesse de sédimentation (r = 0,22, p =
0,449).
L'hypertension artérielle transitoire pourrait
être liée au conflit immunologique caractéristique du
Pré-SIDA du noir africain et ne nécessite pas un traitement
anti-hypertenseur. D'autre part, l'infection VIH rend l'hypertension
artérielle chronique réfractaire à tout traitement
anti-hypertenseur.
Ne pouvant tirer de conclusions valables sur l'étude de
la tension artérielle auprès d'un petit échantillon (14
patients), une grande cohorte de 170 patients a servi de matériel
d'expérimentation. L'étude préliminaire avait émis
l'hypothèse que la tension artérielle serait un facteur potentiel
de mauvais pronostic de l'infection VIH.
La grande majortié de patients du groupe contrôle
(73,5%) sont restés normotendus en dépit d'une perte rapidement
progressive de leur fonction rénale VIH dépendante ;
confirmant ainsi certaines études menées aux Etats-Unis
d'Amérique (BOURGOIGNIE J.J. et al., 1988 ; BOURGOIGNIE J.J., 1989 ; RAO
T.K.S., FRIEDMAN E.A., 1989).
Dans ce même groupe contrôle
caractérisé par des lésions rénales
associées à l'infection VIH, la proportion de 26,5% de patients
trouvés avec une hypertension artérielle transitoire est moins
importante que celle observée en Amérique (BOURGOIGNIE J.J. et
al., 1988 ; CARBONE et al., 1989). L'hypertension artérielle a
été notée chez 39% des patients au stade SIDA à
Newx York, patients à majorité noire (96% afro-américains)
(CARBONE L. et al., 1989). En dehors du SIDA, la prévalence de
l'hypertension artérielle est estimée à 23% des cas de
glomérulonéphrite primaire chronique (OROFINO L. et al., 1987).
Tous les 83 patients du groupe contrôle ont rapidement
évolué vers l'insuffisance rénale à cause de
l'HIVAN. L'HIVAN est une forme insolite des lésions rénales
caractérisée au cours de l'infection VIH par une
protéinurie massive et une progression rapide vers l'insuffisance
rénale (CARBONE L. et al., 1989). Cette atteinte rénale du noir
africain au stade SIDA confirme la prédisposition raciale du noir
à développer l'HIVAN comme déjà rapporté par
d'autres auteurs (PARDO V. et al., 1987 ; RAO T.K.S. et al., 1987). La
toxicomanie et l'homosexualité, autres facteurs de risques
incriminés dans l'HIVAN, n'ont pas été retrouvées
chez le noir du Zaïre. L'incidence de l'hypertension artérielle
due à la glomérulosclérose et à la
néphropathie associée à l'héroïne est 4
à 5 fois plus élevée chez le noir américain que
chez d'autres races (FRIEDMAN F.A., RAO T.K.S., 1983 ; ROSTAND S.G. et
al., 1982). Le virus VIH et d'autres facteurs de l'environnement auraient
probablement induit des variations génétiques du noir au niveau
rénal.
L'évolution de la tension artérielle a
été suivie de manière régulière pendant plus
de 84 mois chez 87 patients infectés par le VIH avec des complications
cardiaques (cardiomyopathie dilatée et péricardite liquidienne).
Ces 87 patients sont passés au stade SIDA à un âge moyen de
33 ans, âge sans différence significative avec celui du groupe
SIDA et rein (36 ans).
Comparé au groupe SIDA et rein, le groupe SIDA et coeur
présente une survie médiane plus longue, un nombre absolu des CD4
plus élevé et une proportion plus importante de sujets avec
hypertension artérielle transitoire (59,7 %). Cette hypertension
artérielle transitoire contemporaine à la période
post-immédiate du passage au stade SIDA (durée 6 à 8 mois)
est suggestive du rôle direct ou indirect du VIH d'autant plus que la
tension artérielle systolique mesurée 6 mois après le
passage au stade SIDA montre une corrélation positive avec le nombre des
CD4 (r = 0,67) dans le groupe avec cardiopathies - SIDA.
Dans les deux groupes d'étude, malgré la
différence des troubles hormonaux liés à l'infection CVIH
entre les hommes et les femmes (PIOT et al., 1993), il n'a pas
été noté une différence liée au sexe quant
à l'évolution de la tension artérielle et à la
survie. Le sex ratio de deux cohortes est resté proche de
l'unité comme observé dans toutes les études
africaines.
La tension artérielle prise 6 mois avant le virage vers
le stade SIDA n'a pas exercé une influence prédictive à
l'analyse univariée, confirmant ainsi les résultats du chapitre V
ayant seulement reconnu le nombre de CD4 > 400/mm3 et la
présence de la cardiomyopathie dilatée comme meilleurs facteurs
de longue survie au stade SIDA.
Dans la cardiomyopathie dilatée associée
à l'infection VIH, à dilatation égale pour les patients
noirs du Zaïre VIH positifs (avant SIDA) et déjà au stade
SIDA, la dysfonction systolique est présente uniquement chez les
patients au stade SIDA (cf. chapitre III). En analysant les données de
SOLVD (Studies of Left Ventricular Dysfunction), Konstan a
réinsisté sur la réponse neurohormonale devant la
dysfonction systolique (KONSTAN, 1992) : le taux plasmatique de
noradrénaline, indicateur de la stimulation adrénergique,
augmente déjà au stade incipiens de la dysfonction systolique ;
l'activité rénine-plasmatique, reflet de l'action du
système rénine-angiotensine, augmente aussi chez les patients
avec dysfonction systolique. Cette réponse neurohormonale maintiendrait
initialement le patient en phase de compensation, et peut exacerber la
dysfonction ventriculaire. Cette hyper-réactivité
cardiovasculaire est accompagnée d'une élévation
aiguë de la tension artérielle au cours du stress (MANUCK S.B.,
1990 ; PAGE I.H., 1963).
Une fois la phase post-aggressive résolue (passage au
SIDA), la tension artérielle est restée normale chez tous les
survivants.
L'hypertension artérielle permanente aurait dû
apparaître devant la gravité des lésions rénales
observées chez le noir du Zaïre, l'absence de cette hypertension
pourrait être expliquée par l'action possible des facteurs
antihypertenseurs décrits par d'autres auteurs (GROLLMAB A., 1964 ;
GOTHBERG B. et al., 1982 ; CHRISTY I.C. et al., 1992 ; PREWITT R.L. et
al., 1979 ; FABER J.E. et al., 1984).
|