CONCLUSIONS GENERALES
Le SIDA est aujourd'hui un problème de santé
publique pour le monde entier : 14 millions de sujets ont déjà
été infectés par le virus VIH. Des 350.000 cas de SIDA
que compteront les Etats-Unis en l'an 2000, 25.000 souffriront d'un
dysfonctionnement cardiaque.
L'émergence du syndrome d'immunodéficience
acquise (SIDA) a compliqué davantage l'étiopathogénie, la
clinique, l'évolution et le traitement des cardiomyopathies et des
péricardites souvent idiopathiques dans une Afrique tropicale
confrontée à des maladies transmissibles et à la
malnutrition.
Le but de ce travail a été d'identifier les
complications cardiaques au cours de l'infection VIH, de rechercher les
caractéristiques communes rencontrées chez les africains au sud
du Sahara. Ce qui a permis d'orienter les investigations étiologiques
pour suivre l'histoire naturelle de l'infection VIH.
La définition de l'infection VIH (SIDA) était
clinique et sérologique (OMS, 1985 ; OMS, 1986 ; OMS, 1988 ; GENTILLINI
et al., 1986 ; COLEBUNDERS R.L. et al., 1987). Nous avons mis en
évidence des anticorps spécifiques du virus VIH par la technique
immuno-enzymatique ELISA, une séropositivité VIH étant
confirmée par un test d'immuno-transfert Western-blot.
La classification des stades de l'infection VIH repose sur les
critères révisés du CDC (CDC, 1993).
L'évaluation de la validité de la
définition clinique de l'infection VIH (stade SIDA)
réalisée en 1987 à Kinshasa a montré une
spécificité de 94%, une sensibilité de 62% et une valeur
prédictive positive de 74% (COLEBUNDERS R.L., 1987). Et dans notre
Centre de Cardiologie, la technique d'ELISA s'est avérée
très efficiente avec des taux de 98,5% de sensibilité et de 99,6%
de spécificité en comparaison avec le test de Western-blot et
comme rapporté en Tanzanie ou ailleurs en Afrique noire (VERCAUTEREN G.,
1987 ; URASSA W. et al., 1987).
La propagation de l'infection VIH épouse une allure
exponentielle en Afrique. Les taux de séroprévalence VIH varient
d'un pays africain à l'autre : de 1 à 25%. Si en Europe et en
Amérique du Nord la transmission du VIH est dans 90% de cas homosexuelle
ou bisexuelle, en Afrique elle est encore entièrement
hétérosexuelle. Le rôle de la prostitution et des maladies
sexuellement transmissibles a été souligné dans ce travail
et par d'autres avant nous (PIOT P., CARAEL M., 1988 ; VAN DE PERRE P. et al.,
1985 ; KREISS J.K. et al., 1986).
Les atteintes cardiaques au stade du SIDA sont aujourd'hui
bien décrites aux Etats-Unis, aux Caraïbes et en Europe grâce
aux observations cliniques, aux données échocardiographiques et
aux lésions histopathologiques des biopsies endomyocardiques.
Le type de complications cardiaques associées à
l'infection VIH varie considérablement suivant la région
géographique. En Afrique noire, le SIDA se développe dans un
contexte singulier sans infrastructures sanitaires adéquates. Chez les
noirs d'Afrique souffrant d'infection VIH, la fréquence de morts
attribuées à une cause cardiaque varie de 6 à 16%. La
situation serra plus dramatique à l'avenir, puisque plus de 70% de tous
les infectés par le VIH du monde sont africains au sud du Sahara.
La présente étude porte sur des patients noirs
du Zaïre avec infection VIH et complications cardiaques. Ces
lésions cardiaques se manifestent par des péricardites, des
myocardites, des cardiomyopathies dilatées, des endocardites, de
l'hypertension artérielle et des troubles de conduction. Elles sont
souvent asymptomatiques. La diffusion du SIDA et la prolongation de la survie
des patients viennent compliquer le tableau clinique de ces atteintes
cardiaques. Une susceptibilité génétique a
été recherchée dans cette association VIH-cardiopathies du
noir africain.
1. Les péricardites
Comme aux Etats-Unis d'Amérique, les
péricardites ont été les premières manifestations
cardiaquées rapportées par nous en Afrique en association avec
l'infection VIH.
Evaluée à 12,4% en 1988, leur prévalence
hospitalière s'est stabilisée aujourd'hui à 8,8%, soit 4
à 6 fois plus élevée que la fréquence des
admissions hospitalières pour péricardite avant
l'épidémie du SIDA. Sensiblement plus fréquentes au stade
précoce de l'infection VIH dans la partie rétrospective de cette
étude, en prospective les péricardites liquidiennes sont apparues
tant au stade précoce qu'au stade avancé de
l'immunodéficience acquise. Au cours du temps l'incidence des
péricardites associées à l'infection VIH épouse une
allure épidémique alors que celle des péricardites du
sujet séronégatif tend à décroître.
L'incidence clinique annuelle des péricardites VIH+ est de 1,8%. En 3
ans d'observation, 50% de patients VIH+ avec péricardite ont
progressé vers le stade SIDA, soit un taux de passage au SIDA annuel de
16,6%. La fréquence des péricardites au stade SIDA varie dans
les séries cliniques de la littérature entre 10 et 38%
(HIMMELMAN, 1989 ; BERTRAND Ed., 1992 ; EISENBERG, 1992).
Deux facteurs pronostiques biologiques ont été
retrouvés avec une valeur péjorative de virage vers le stade SIDA
: un chiffre absolu de CD4 inférieur à 500/mm3 et un
compte d'éosinophiles inférieur à 500/mm3.
Plusieurs facteurs pronostiques (non réalisables en Afrique) ont
démontré leur intérêt chez les patients
séropositifs des pays industrialisés : le nombre absolu et le
pourcentage de lymphocytes CD4, la disparition ou la baisse des anticorps anti
p24, le taus de â-2-microglobuline > 5 mg/L, la baisse du rapport
CD4/CD8, l'élévation de la néoptérine sanguine et
uniraire, l'élévation des immunoglobulines sériques et une
sérologie CMV très positive font craindre une
immunodéficience majeure à court terme (MOSS A.R. et al., 1988 ;
WEBER J.N. et al., 1987). Par contre la présence d'anticorps
neutralisants à haut titre renferme une bonne valeur pronostique
(WENDLER L. et al., 1987). A San francisco, une étude sur 288
homosexuels a montré un taux de progression vers le SIDA de 22% en trois
ans (MOSS A.R. et al., 1988). Mais l'une des meilleures études
présentées en 1988 à Stockholm avec la connaissance de la
date de séroconversion à 6 mois près à retrouver
les taux de passage vers le SIDA suivants : 5% à 3 ans, 10% à 4
ans, 15% à 5 ans, 25% à 6 ans, 36% à 7 ans et 48% à
10 ans (HESSOL A. et al., 1988). Ces chiffres sont fondamentalement
différents de celui observé dans les péricardites
associées à l'infection VIH du noir africain.
Le tableau clinique des péricardites au cours de
l'infection VIH varie de la forme asymptomatique au tableau souvent mortel de
tamponnade cardiaque. Les principales manifestations cliniques sont les
sudations nocturnes, les douleurs thoraciques atypiques et une dilatation du
ventricule gauche (myopéricardite). Au stade SIDA, ont
été retrouvés les signes généraux et les
affections opportunistes suivants : amaigrissement, fièvre chronique,
diarrhée chronique, penumopathie interstitielle à Pneumocystis
carinii, candidose oro-oesophagienne, méningite à cryptocoque et
sarcome de Kaposi.
Dans un certain nombre des cas, elles sont associées
aux lésions de cardiomyopathie à VIH (KAUL S. et al., 1991 ;
BOURAMOUE C. et al., 1992).
L'examen radiologique du thorax et
l'électrocardiogramme perdent l'efficacité diagnostique (peu
sensibles) dans les péricardites associées à l'infection
VIH. L'échocardiographie demeure un outil très important dans la
détection de ces péricardites asymptomatiques et
d'épanchement péricardique de quantité minimes tel que
rapportés par Gouello et al. (GOUELLO J.P. et al., 1993).
Les manifestations cliniques, électrocardiographiques,
radiologiques et échocardiographiques des patients zaïrois ne
diffèrent pas de celles des autres africains ou d'ailleurs comme
déjà décrites dans la littérature (CEGIELSKI J.P.
et al., 1990 ; TAELMAN H. et al., 1990 ; BOURAMOUE C. et al., 1992 ; NOBLE O.,
FOWLER, 1991 ; CLIFFORD C.D., 1990), sauf en ce qui concerne la diarrhée
chronique. Une diarrhée chronique inexpliquée est notée
dans 41,1% des cas après assèchement péricardique alors
que sa fréquence est de 80% chez tous les africains au stade SIDA sans
péricardite (JACOBS J.L. et al., 1985 ; OMS, 1985) et au début de
la maladie (COULAUD J.P., 1985). La péricardite constrictive est rare
dans cette forme associée au VIH. L'allure est plutôt aiguë
dans l'évolution des péricardites d'étiologie VIH
probable.
Les facteurs étiologiques des péricardites
varient selon le temps et le degré du déficit immunitaire pour le
VIH : aux stades pré-SIDA, le VIH est incriminé dans 65,7% de cas
(d'autres virus, entérovirus fréquents, en Afrique, sont
suspectés aussi) alors qu'au stade avancé chronique (SIDA) de la
maladie la tuberculose est retenue comme cause déterminante de 90,5% de
péricardites associées à l'infection VIH. Ceci confirme
par ailleurs quelques études menées en Tanzanie, au Rwanda, au
Congo et au Zaïre (CEGIELSKI J.P. et al., 1990 ; KAGAME A., 1991 ;
TONDUANGU K. et al., 1995). Dans 9,5% de péricardites associées
au VIH, le sarcome de Kaposi est survenu comme affection opportuniste. Dans
les pays industrialisés du Nord, une variété d'agents
étiologiques sont retenus comme cause des péricardites
associées à l'infection VIH. Il s'agit de Cryptococcus
neoformans, Mycobacterium tuberculosis, Mycobacterium avium-intracellulare,
Herpes simplex, Actinomycostales (Nocardia astèroïdes),
Staphylococcus aureus et cancers (KAUL S. et al., 1991 ; BERTRAND Ed., 1992 ;
BOURAMOUE C. et al., 1992 ; DALLI E. et al., 1987). Dans un nombre important
des cas, la cause n'a pas été précisée (KAUL s. et
al., 1991 ; BERTRAND Ed., 1992). Le liquide d'épanchement
péricardique est un exsudat stérile riche en lymphocytes.
Le couple tuberculose et infection VIH ne concerne pas
seulement les atteintes pulmponaires mais également les
péricardites, association souvent rapportée aux Etats-Unis
d'Amérique et dans les pays en voie de développement (HANWERGER
S. et al., 1987 ; BLASER M.J., 1986 ; QUINN T.C. et al., 1986). Avec
l'augmentation considérable du nombre de cas infectés par le VIH
dans le monde en général et en Afrique subsaharienne en
particulier, il faudra également s'attendre à une incidence
croissante des cas de péricardites tel que démontré
ici.
Les péricardites peuvent enfin être
comptées comme affections associées de façon significative
à l'infection VIH.
2. Les endocardites
En dépit du nombre élevé d'infections
opportunistes qui représentent la complication essentielle de
l'infection VIH ; leur localisation cardiaque reste rare en Afrique noire. Au
cous de l'infection VIH, 1,2% des patients zaïrois ont
présenté une endocardite infectieuse à Salmonella
enteritidis. La littérature rapporte également la rareté
des endocardites infectieuses au stade SIDA tant en Afrique que dans les pays
industrialisés : 2,96% en Côte d'Ivoire (BERTRAND Ed., 1992), 3,9%
au Congo Brazzaville (BOURAMOUE C. et al., 1992), 5% aux Etats-Unis
d'Amérique (KAUL S. et al., 1991). Les toxicomanes européens et
américains séronégatifs présentent une
prévalence très élevée d'endocardites infectieuses
de l'ordre de 31% ou de 87% (D'IVERNOIS C. et al., 1991 ; VULLIEMIN P., 1993 ;
MINARDI G. et al., 1991 ; KAUL S. et al., 1991). L'immunité cellulaire
n'intervient pas dans la genèse des endocardites sur un terrain
immunodéprimé par le VIH (D'IVERNOIS C. et al., 1991).
A l'autopsie, l'endocardite thrombotique abactérienne
(marastique) est souvent observée chez 5 à 7% d'américains
immunodéprimés par le VIH (LEWIS W., 1989 ; CAMMAROSOANO C.,
1985).
3. Les cardiomyopathies
L'excès d'atteintes cardiaques attribuées
à l'infection VIH ressort de ce travail. Le rôle du VIH est de
plus en plus cité comme facteur étiologique des myocardites et
des cardiomyopathies dilatées en Afrique et ailleurs (BERTRAND Ed.,
1992, BOURAMOUE C. et al., 1992 ; CALABRESES L.H. et al., 1987 ; GRODY W.W. et
al., 1990).
La fréquence d'atteintes cardiaques au cours de
l'infection VIH est difficile à apprécier, elle varie d'un auteur
à l'autre en fonction de la définition donnée et de la
nature des séries qui sont autopsiques ou échocardiographiques
(BERTRAND Ed., 1992 ; FRANCIS C.K., 1990). La présente série
repose sur les aspects cliniques, électrocardiographiques, radiologiques
et échocardiographiques.
Ces atteintes cardiaques se manifestent sous différents
tableuax : 45,8% de patients asymptomatiques et 54,2% de patients
symptomatiques, une suspicion de myocardites aiguës avec ou sans
insuffisance cardiaque, une cardiomyopathie dilatée et quelques rares
cas de cardiomyopathie hypertrophique.
Tous les cas de myocardite et de myo-péricardite ont
évolué vers le stade de cardiomyopathie dilatée. La
tachycardie et l'insuffisance cardiaque globale dominent le tableau clinique de
ce nouveau syndrome cardiovasculaire du SIDA.
Au plan clinique, l'insuffisance cardiaque congestive est
survenue chez 13,3% des malades, fréquence proche de 10%
constatée par Anderson (ANDERSON D.W. et al., 1988).
Dans ce travail, la dilatation et l'altération de la
fonction systolique sont patentes. Elles sont rapportées à une
cardiomyopathie dilatée dont le diagnostic est fondé sur la
cardiomégalie au cliché radiologique du thorax, l'augmentation
des cavités cardiaques gauches et la baisse du pourcentage de
raccourcissement à l'échocardiographie.
La prévalence des cardiomyopathies dilatées
varie avec le stade évolutif de l'infection VIH. De 18,1% des cas au
stade asymptomatique et symptomatique de l'infection VIH (pré-SIDA),
elle est plus importante au stade SIDA avec 52% des cas ; mais la
fréquence de cette entité est plus élevée (61%)
à Brazzaville (BOURAMOUE C. et al., 1992).
La fonction systolique du ventricule gauche est
effondrée dans 100% des cas.
L'anomalie de la relaxation est le signe précoce du
dysfonctionnement diastolique du ventricule gauche caractérisé
par une diminution des indices du remplissage ventriculaire gauche, un
allongement du temps de décélération et une augmentation
de la contribution auriculaire. Cette dysfonction diastolique survient aux
stades précoces du SIDA et chez des patients sans cardiomyopathie
dialtée. C'est plus près de 70% des cas d'hypertrophie
concentrique qui accompagnent le trouble de remplissage diastolique du noir
séropositif. Les cardiomyopathies hypertrophiques sont rares.
4. La survie
De façon générale, le pronostic de
l'atteinte cardiaque est sévère.
Certains signes cliniques, biologiques et
échocardiographiques ont été reconnus comme marqueurs de
mauvais pronostic accélérant la progression des sujets
séropositifs vers le stade SIDA (SAAH A.J. et al., 1994)
Après le diagnostic du stade SIDA, les zaïrois
avec cardiopathies associées à l'infection VIH présentent
une survie médiane de 3 ans (36 mois), espérance de vie plus
longue que celle d'un an décrite chez le noir africain sans atteintes
cardiaques (RYDER R.W., 1988). L'âge avancé écourte la
survie de ces patients comme déjà noté en Europe (SAAH
A.J. et al., 1994).
Le sexe et la dysfonction diastolique n'exercent aucun effet
sur le cours de l'infection VIH passée au stade SIDA.
La péricardite-VIH est entachée d'une
surmortalité sur 7 ans d'observation (93%) en comparaison avec la
cardiomyopathie dilatée (83%). Au stade SIDA, la survie médiane
des patients zaïrois avec cardiomyopathie dilatée (3 ans, 2-4) est
10 fois plus longue que celle rapportée aux Etats-Unis d'Amérique
(CURRIE P.F. et al., 1994).
En analyse multivariée, le nombre absolu des CD4 est
resté le meilleur facteur de pronostic de survie des patients
zaïrois avec SIDA. Le risque relatif de décès au stade SIDA
est 3,4 fois plus élevé avec CD4 < 400/mm3 qu'avec
CD4 > 400/mm3.
Comparée à la cardiomyopathie dilatée, la
péricardite présente un risque relatif de décès
égal à 2.
5. Les facteurs génétiques
Malgré les progrès réalisés dans
tous les domaines de la recherche sur le virus VIH, le SIDA reste encore mal
connu. Des inconnues importantes subsistent sur plusieurs points : facteurs
expliquant la sensibilité individuelle inégale à
l'égard du virus VIH ; facteurs ralentissant ou accélérant
l'évolution du SIDA.
La présente étude a recherché une cause
immunopathologique possible liée au complexe majeur
d'histocompatibilité (HLA) chez le noir du Zaïre souffrant de
cardiomyopathie dilatée concomitante à une infection VIH. Cette
étude ne montre pas des variations significatives au niveau des
fréquences alléliques puisque DRB1*1106 (DRB1*1101 ou 1104) est
retrouvé simultanément chez 5 patients sidéens avec
cardiomyopathie dilatée et chez 9 témoins. L'absence d'une
association significative de l'antigène DRB1 avec la cardiomyopathie
dilatée associée au SIDA chez le noir du Zaïre
suggère la notion d'une affection multifactorielle avec une interaction
immunitaire non encore élucidée.
Un environnement particulier du Zaïre et la
présence du SIDA pourraient expliquer la discordance existant entre nos
résultats et ceux publiés ailleurs avant l'épidémie
du SIDA.
6. L'hypertension artérielle
La grande majorité de patients sont normotendus au
début et à la fin de leur dépression immunitaire pour le
VIH en dépit d'une insuffisance rénale terminale (BOURGOIGNIE
J.J. et al., 1989).
En Afrique noire, aucun cas d'hypertension artérielle
n'a été publié jusqu'à ce jour au cours de
l'infection VIH, mais c'est l'hypotension artérielle qui a
été décrite au cours du SIDA compliqué de
diarrhée chronique et de déshydratation (PIOT P. et al., 1993).
En- fin, à la limite des anomalies cardiaques, Harle et Craddock ont
rapporté des cas d'hypotension artérielle orthostatique
dysautonomique (syncopes) au cours du SIDA (HARLE J.R. et al., 1988 ; CRADDOCK
C. et al., 1987).
L'élévation de la tension artérielle
diastolique entraîne une mortalité très marquée chez
le patient infecté par le VIH avec méningite à cryptocoque
(PATY F.H. et al., 1992). Nous avons évalué l'action de
l'infection VIH sur la tension artérielle du noir zaïrois en deux
étapes.
L'étude préliminaire menée auprès
d'un petit échantillon (14 patients) montre une corrélation
positive entre la tension artérielle et la vitesse de
sédimentation.
Ne pouvant tirer de conclusions valables sur une
éventuelle association entre le VIH et l'hypertension artérielle
transitoire observée dans ce petit échantillon, une grande
cohorte de 170 patients au stade SIDA a servi de matériel d'étude
complémentaire.
L'atteinte rénale typique de l'infection VIH (HIVAN) a
été retrouvée chez 83 zaïrois au stade SIDA. Cette
atteinte rénale du noir africain avec SIDA confirme la
prédisposition du noir à cette complication comme rapporté
chez le noir américain (PARDO V. et al., 1987). Ce groupe a
été comparé à un deuxième constitué
de 87 patients zaïrois au stade SIDA avec atteintes cardiaques.
Il a été noté une fréquence de
59,7% de cas d'hypertension artérielle transitoire dans le groupe avec
complications cardiaques contre 26,5% dans le groupe avec HIVAN.
La survie médiane est plus longue en cas d'atteintes
cardiaques associées au SIDA (36 mois) puisque tous les patients avec
HIVAN sont décédés dans les 12 mois qui ont suivi le
diagnostic du SIDA.
Le nombre absolu des CD4 est plus élevé dans le
groupe SIDA avec cardiopathies (médiane : 400/mm3) que dans
le groupe SIDA avec HIVAN (médiane : 250/mm3). La tension
artérielle systolique post-diagnostic du SIDA est très
élevée par rapport à celle prise en pré-SIDA ;
après correction de Bonferonni, la variation de la tension
artérielle systolique du groupe SIDA avec cardiopathies est plus grande
que celle du groupe SIDA avec HIVAN, la différence statistique
étant hautement significative. Les variations de la tension
artérielle diastolique et de la tension artérielle
différentielle inter- et intra-groupes n'ont pas montré de
différence significative.
L'influence de l'immunodéficience sur la tension
artérielle (systolique et diastolique) a été
retrouvée uniquement dans le groupe SIDA avec cardiopathies : le nombre
absolu des CD4 est positivement correlé à la tension
artérielle de ces patients. Le sexe n'a pas montré d'influence
sur la tension artérielle. L'hypertension artérielle transitoire
est une forme d'hyper-réactivité cardiovasculaire
déclenchée en post-aggression immunologique. Le conflit
immunologique lié à la progression vers le SIDA a
été un grand stress pour ces patients.
La tension artérielle (systolique, diastolique,
différentielle) prise avant le virage vers le stade SIDA n'a pas
exercé une influence prédictive sur la survie à l'analyse
univariée de Kaplan Meier, alors qu'aux Etats-Unis d'Amérique, la
race noire (96 à 100% des patients), la drogue (42% des patients) et
l'hypertension artérielle systolo-diastolique ou diastolique seule
constituent pour la méningite à cryptocoque et l'HIVAN des
facteurs péjoratifs du pronostic (PATTY, 1992 ; CARBONE, 1989).
L'hypertension artérielle permanente aurait dû
apparaître devant la gravité des lésions rénales du
noir africain. Aux Etats-Unis d'Amérique, outre la race noire, la
toxicomanie et l'homosexualité ont été incriminées
comme facteurs de risque d'HIVAN, et l'hypertension artérielle a
été notée chez 39 % des patients avec SIDA de New-York
à majorité noire (96% des patients) (CARBONE L. et al., 1989).
La diarrhée chronique avec hypovolémie et
l'insuffisance surrénalienne chronique (tuberculose
généralisée) fréquentes chez le noir africain
pourraient expliquer l'absence d'hypertension artérielle
systémique. Aux Etats-Unis d'Amérique où l'infection VIH
est associée à une grande prévalence de la tuberculose,
Bourgoignie a attribué l'absence d'hypertension artérielle dans
l'HIVAN à la diarrhée chronique et à la nécrose
surrénalienne retrouvée à l'autopsie (BOURGOIGNIE J.J.,
1990).
La cyclosporine, médicament utilisé dans le
traitement du SIDA aux Etats-Unis d'Amérique, entraîne entre
autres effets secondaires l'hypertension artérielle (ANDRIEU J.M. et
al., 1988).
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