CHAPITRE VI - FACTEURS GENETIQUES ET CARDIOMYOPATHIE
DILATEE AU COURS DU SIDA
6.1. FACTEURS GENETIQUES ET CARDIOMYOPATHIE DILATEE
Il existe une histoire familiale chez 5 à 10% des
patients avec dilatation cardiaque, arythmies et mort subite (MICHELS V.V. et
al., 1985). Une forme autosomique dominante a été décrite
chez certains enfants avec trouble de conduction (GRABER H.L. et al., 1986),
alors qu'une hérédité x-linked (liée au sexe) a
été remarquée chez d'autres enfants avec formes
neuromyopathiques.
L'importance des facteurs génétiques est moins
grande dans la cardiomyopathie dilatée par rapport à la
cardiomyopathie hypertrophique quand bien même d'autres chercheurs aient
reconnu l'incidence familiale de la cardiomyopathie dilatée (EMMANUEL R.
et al., 1971) et le caractère récessif de cette cardiomyopathie.
Toutefois aucun travail n'a pu prouver le caractère autosomal dominant
de la cardiomyopathie dilatée.
6.2. HEREDITE ET CARDIOMYOPATHIE DILATEE ASSOCIEE AU
SIDA
Malgré les progrès réalisés dans
tous les domaines de la recherche sur le virus VIH, le SIDA reste encore mal
connu. Des inconnues importantes subsistent sur plusieurs points : facteurs
expliquant la sensibilité individuelle inégale à
l'égard du virus VIH ; facteurs ralentissant ou accélérant
l'évolution de la maladie.
La cardiomyopathie dilatée est reconnue aujourd'hui
comme une complication de l'infection VIH puisqu'elle est présente chez
10 à 20% des patients américains avec SIDA (HIMELMAN R.B. et al.,
1989 ; LEVY W.S. et al., 1989). La fréquence des cas de cardiomyopathie
dilatée a été notée en Afrique noire entre 8, 4 et
19,9% des patients infectés par le VIH (TONDUANGU K. et al., 1994).
L'existence d'une incidence familiale a été notée chez des
patients américains avec cardiomyopathie dilatée idiopathique
(HARVEIT F. et al., 1981). La myocardite évolue souvent vers la
cardiomyopathie dilatée (KAUL S. et al., 1991). Des recherches
histopathologiques ont montré une incidence élevée des cas
de myocardite aussi bien chez des patients avec infection VIH que chez des
patients sans facteurs de risque de SIDA et la présence des
antigènes HLA-A, B, C classe I et HLA-DR classe II chez ces deux groupes
de patients (BISCHORNER W.E. et al., 1990). Le mécanisme
immunopathologique des myocardites de ces deux groupes de patients est une
agression à médiation cellulaire des myocytes.
Certains mécanismes d'auto-immunité ont
été décrits chez les sujets VIH positifs sous forme
d'hypergammaglobulinémie, d'immunocomplexes circulants et d'anticorps
anti-HLA classe II (GOLDING H. et al., 1988 ; PROCACCIA S. et al., 1991).
Cette auto-immunité est aussi à la base de la dépletion
des cellules CD4 (SLOAND E. et al., 1992). Il existe une homologie entre la
molécule gp120 du VIH et les châines â (bêta) du
complexe d'histocompatibilité majeure (MHC) classe II, ligand naturel
des CD4 (PUGLIESE O. et al., 1992). La protéine gp41 partage une
homologie avec certaines régions de la classe II tandis que les
protéines de l'enveloppe du VIH et l'interleukine (IL)-2 le font avec
les protéines du complexe HLA classe I. Les superantigènes (ou
Poke week mitogen "PWM") se lient à diverses molécules du
système HLA en dehors du sillon conventionnel d'anchrage de
l'antigène normal et exigent pour la reconnaissance de la cellule T la
région V (variable) de la chaîne â d'une cellule T
réceptrice d'antigène (Figure 23).
Figure 23
Interactions des antigènes conventionnels et des
superantigènes avec les cellules T CD4.
A. Mode conventionnel : interactions avec toutes les
régions variables des chaînes á et â de la cellule
réceptrice.
B. Interactions des superantigènes avec la
région variable de la chaîne â de la cellule
réceptrice (PANTALEO et al., 1993)
On pense aujourd'hui que le virus VIH encoderait une
protéine qui pourrait agir comme un superantigène. Cette
protéine (superantigène chez l'homme et superantigenlike protein
chez la souris) stimule l'expansion des organites lymphocitaires T
spécifiques pour le transport de Vâ, expansion à l'origine
de l'immunodéficience humaine (AIDS) ou de la souris (MAIDS, virus de la
leucémie de la souris). Il existe également une identité
moléculaire entre les protéines (p. 17 et 24) du core du VIH et
les myocytes cardiaques (GU et al., 1992). Aux Etats-Unis, 0,7 à
7/100.000 sujets VIH négatifs développent une cardiomyopathie
dilatée (ABELMAN, 1985) alors que 6,2% sur 450 VIH positifs
présentent une cardiomyopathie dilatée symptomatique (LEVY,
1989). Il est clair donc que les séropositifs pour le VIH manifestent
une susceptibilité accrue à développer une cardiomyopathie
dilatée avec insuffisance cardiaque congestive (HERSKOWITZ, 1993).
La fréquence élevée de certains groupes
tissulaires (HLA A1-B8-DR3, HLA-DR1, HLA B35, HLA DR5) a été
notée chez des sujets homosexuels ou immunodéprimés par le
VIH (MANN D.L. et al., 1988 ; FRIEDMAN K.A.E., 1982 ; STEEL et al., 1988).
La présente étude a été
conçue pour rechercher une cause immunopathologique possible liée
au complexe majeur d'histocompatibilité (HLA) chez le noir du Zaïre
souffrant de cardiomyopathie dilatée concomitante à une infection
VIH. Et le typage de l'antigène HLA-DRB1 avait comme objectif
spécifique de vérifier si les polymorphismes de HLA classe II
contribuerait à la susceptibilité des patients VIH positifs
à développer une cardiomyopathie dilatée. L'existence
éventuelle d'une base génétique particulière
pourrait influencer la réponse immunitaire dans la cardiomyopathie
dilatée associée à l'agression virale du VIH.
6.2.1. DEFINITION DU COMPLEXE HLA
Le système immunitaire comprend différents types
de cellules et de molécules qui défendent l'organisme contre les
infections et les cellules cancéreuses.
Les molécules de l'antigène leucocytaire humain
de la classe II (HLA) sont codées par des gènes du complexe
humain d'histocompatibilité (MHC) situé dans le bras court du
chromosome 6 (KAPPES et STROMINGER, 1988). Elles se manifestent au niveau du
plasma sous forme des hétérodimères produits d'un groupe
des loci áâ. Les trois loci majeurs de la classe II dits DR, DQ
et DP sont des gènes séparés A et B qui codent les
hétérodimères áâ présentant les
antigènes peptidiques au répertoire récepteur des cellules
T (KAPPES et STROMINGER, 1988).
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