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Caractéristiques des atteintes cardiaques au cours de l'immunodéficience liée au VIH en Afrique centrale : évolution naturelle

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par Benjamin LONGO-MBENZA
Université Libre de Bruxelles - Agrégé de l'enseignement supérieur 1996
  

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5.6. DISCUSSION

En passant en revue les publications américaines et européennes sur les atteintes cardiaques associées au SIDA, Anderson et Virmani rapportent que 6 à 7% des patients infectés par le VIH présentent des affections cardiaques patentes faites de tamponnade, CMD, d'arythmies, d'infiltration néoplasique du coeur, etc. (ANDERSON D.W., VIRMANI R., 1990). La fréquence de ces anomalies cardiaques du SIDA est de l'ordre de 28 à 73% (REILLY J.M. et al., 1988 ; BAROLDI G. et al., 1988).

L'amélioration du traitement des patients avec infection VIH prolonge la vie de ces patients (CLIFFORD C.D., 1990). Les anomalies cardiaques sont les causes de décès de 1,1 à 6,3% des sujets (ANDERSON D.W., VIRMANI R., 1990).

En Europe, l'observation de l'infection VIH a montré un taux de 40,2% des patients décédés ; le décès est dû à une complication cardiaque dans 13,7% des cas (DE CASTRO S. et al., 1992). La même constatation a été faite en Afrique (BERTRAND Ed., 1992) où 6 à 16% des patients sont décédés de causes cardiaques. La présence des signes cardiaques assombrit le pronostic du noir africain : près de 50% des décès en moins de 6 mois (BERTRAND Ed., 1992).

L'objectif de la présente étude a été de comprendre le rôle de l' association entre le stade SIDA de l'infection VIH avec atteinte cardiaque et certaines variables cliniques, biologiques et échocardiographiques sur la survie. Nous notons une fréquence masculine plus importante que celle des femmes (sex ratio 1,5) alors que le sex ratio dans la population globale en Afrique est de 1 (QUINN T.C. et al., 1986).

Certains signes cliniques, biologiques et échocardiographiques ont été reconnus comme marqueurs de mauvais pronostic accélérant la progression de l'état VIH positif vers le stade SIDA (FAHEY J.L. et al., 1990 ; SAAH A.J. et al., 1992 ; SAAH A.J. et al., 1994 ; CURRIE P.F. et al., 1994). Dans ces dernières études longitudinales, la diminution du nombre absolu de CD4 associée à d'autres facteurs cliniques est le facteur déterminant de pronostic d'une progression rapide vers le stade SIDA de l'infection VIH. Malheureusement il n'a pas été clairement démontré que ces facteurs étaient autant capables de prédire le pronostic des patients après leur passage au stade SIDA.

En Angleterre, la cardiomyopathie dilatée au cours de l'infection VIH est étroitement associée à une déplétion de CD4 (< 100/mm3) et à une très courte survie de l'ordre de 101 jours (I.C. 95%, 42-146 jours) en comparaison avec les autres atteintes cardiaques ou ceux ayant un coeur normal (CURRIE P.F. et al., 1994).

Nous avons donc soupçonné 7 facteurs avec valeur potentielle de pronostic sur l'évolution des atteintes cardiaques et de l'infection VIH du noir africain après passage au stade SIDA.

Au cours de l'infection VIH, les complications cardiaques de 87 noirs du Zaïre sont accompagnées d'une survie moyenne de 4 ans (médiane 3 ans) après le diagnostic du stade SIDA, espérance de vie plus longue que la survie moyenne de 1 an décrite chez le noir africain sans atteintes cardiaques (RYDER R.W. 1988 ; MANN J. et al., 1992). Ce travail montre que le noir du Zaïre, une fois passé au stade SIDA avec une cardiomyopathie dilatée et moins avec une péricardite, n'évolue pas rapidement à la mort. L'explication la plus vraisemblable de ce phénomène est que ces patients, sans traitement antirétroviral (AZT), bénéficient d'une qualité de soins pour leurs affections opportunistes et un suivi cardiologique à Lomo Médical de Kinshasa comparables à ceux des patients européens ou américains.

L'âge médian des patients au moment du diagnostic du stade SIDA est de 32 ans. Cet âge jeune (< 40 ans) noté également au Congo-Brazzaville (BOURAMOUE C. et al., 1992), en Italie (DE-CASTRO S. et al., 1992) et en Angleterre (SAAH A.J. et al., 1994) s'est montré un bon facteur prédictif d'une plus longue survie chez les patients passés au stade SIDA avant 32 ans que ceux âgés plus de 32 ans, confirmant ainsi d'autres études menées en Europe (FRIEDLAND G.H. et al., 1991 ; PEDERSEN C. et al., 1990 ; SAAH A.J. et al., 1994).

Le sexe et la dysfonction diastolique (VE/VA < 1) n'exercent aucun effet sur le cours de l'état SIDA de ces patients. La répartition de la survie médiane hommes-femmes atteint pratiquement l'unité (3/4 ans) et correspond à une transmission hétérosexuelle de l'infection VIH en Afrique sub-saharienne. Une étude réalisée à Kinshasa a montré que l'âge et le sexe étaient étroitement liés à la séroprévalence VIH (RYDER, W.R. et al., 1987). Entre 25 et 35 ans autant d'hommes que de femmes sont infectés par le VIH et après 35 ans ce rapport s'inverse au détriment des hommes, car à l'âge identique ici les hommes sont deux fois plus touchés (hommes/femmes = 1,5). On a essayé de spéculer qu'un index anormal de la fonction diastolique servirait à identifier tout patient exposé à développer des anomalies systoliques et donc de la dysfonction ventriculaire gauche. La valeur prédictive des index anormaux de la fonction diastolique n'est pas encore explicitée. La majorité de patients (75%) présentent avant l'installation du stade SIDA une diminution du rapport VE/VA en-dessous de l'unité (altération du remplissage diastolique) qui n'influe pas sur l'évolution VIH.

Si globalement les complications cardiaques associées au SIDA manifestent une survie plus longue que les affections opportunistes du SIDA des africains en général, la comparaison des catégories révèle que la péricardite est entachée d'une surmortalité sur 7 ans (93%) par rapport à la cardiomyopathie dilatée (83%). La survie médiane des patients avec cardiomyopathie dilatée (3 ans, 2-4) à Kinshasa est 12 à 6 fois plus longue que celle rapportée aux Etats-Unis et en Amérique (CURRIE P.F. et al., 1994 ; HIMELMAN R. et al., 1989 ; FACTOR S.M., 1989). L'explication est que la moyenne du nombre de CD4 chez les patients de Kinshasa avec cardiomyopathie dilatée est supérieure à 400/mm3. Certains médicaments administrés aux patients avec SIDA (anthracycline, pentamidine, etc.) toxiques pour le myocarde et l'effondrement du taux de CD4 associé aux cardiomyopathies dilatées en Europe et aux Etats-Unis ont été rapportés (CURRIE P.F., 1994). L'azothymidine (AZT), traitement antiretroviral, ne diminue pas la prévalence des cardiomyopathies dilatées ni la mortalité pour certains (HIMELMAN R. et al., 1989), mais influe favorablement sur le pronostic du SIDA en retardant le décès pour d'autres (FISCHL M.A. et al., 1987 ; VOLBERDING P.A. et al., 1990). Nous avons noté une prévalence de cardiomyopathies dilatées de 52% en association avec l'infection VIH, taux supérieur à ceux rapportés par Corallo (41%) et Kau (30 à 40%) en occident (CORALLO S. et al., 1988 ; KAUL S. et al., 1991).

En analyse multivariée, le nombre de CD4 est resté avec la péricardite le meilleur facteur de pronostic de survie des patients zaïrois au stade de SIDA et maintenant sa signification statistique très haute. Le risque de décéder au stade SIDA est 3,4 fois plus élevé chez les Zaïrois avec CD4 < 400/mm3 que chez celui avec CD4 > 400/mm3 (p = 0,0000). Comparée à la cardiomyopathie dilatée, la péricardite présente un risque relatif de décès égale à 2.

Le bénéfice du modèle de régression de Cox réside dans l'utilisation adéquate de l'information sur la survie de chaque patient, même les patients restés en vie et dans la possibilité du calcul simultané de l'effet de tous les facteurs potentiels de risque tout en contrôlant la covariance entre les variables.

Plusieurs facteurs pronostiques ont été retrouvés chez les patients sidéens des pays industrialisés du Nord. Il s'agit entre autres du nombre absolu de lymphocytes CD4 inférieur à 400/mm3 comme mauvais pronostic. Quelques publications ont démontré une corrélation entre le stade du SIDA et la probabilité de trouver une atteinte cardiaque (LASSAIGNE D. et al., 1991). Le comptage des CD4 a servi de paramètre dans l'étude de la survie (DE JONG M.S., 1992 ; LEVY W.S. et al., 1989 ; MONSUEZ J. et al., 1988).

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