CHAPITRE III - TABLEAU CLINIQUE DES ATTEINTES
CARDIAQUES AU COURS DU SIDA
3.1. IMPORTANCE DU SUJET
L'invasion du péricarde par le virus VIH décrite
au chapitre II a retenu notre attention sur la place de la pathologie cardiaque
au cours du SIDA.
Dans la littérature, l'atteinte myocardique
associée au SIDA est devenue une réalité aujourd'hui sur
le plan histologique, et retrouvée dans 50% des cas au cours des
séries autopsiques (ANDERSON D.W. et al., 1988 ; REILLY J.M. et al.,
1988 ; BAROLDI G. et al., 1988 ; CAMMAROSANO C., LEWIS W., 1985 ; SILVER M.A.
et al., 1984). Son expression clinique est paucisymptomatique puisque une
dysfonction ventriculaire gauche prouvée n'est notée que dans 10%
des myocardites histologiques (REILLY J.M. et al., 1988 ; LASSAIGNE D. et al.,
1991 ; LAFONT A. et al., 1988). D'autres observations autopsiques ont
montré des lésions chez 28 à 72% des patients
décédés de SIDA, le coeur étant la cause du
décès dans 7% des cas (VULLIEMIN P., LEDUC D., 1993 ; MARTIN R.P.
et al., 1980 ; FINK L. et al., 1984 ; MONSUEZ J. et al., 1988).
Toutefois, les atteintes du coeur sont réelles et
regroupées en quatre rubriques : cardiomyopathies, localisations
cardiaques des cancers, localisations cardiaques des affections opportunistes
et diverses atteintes (péricardites, endocardites marastiques). Dans
l'ensemble, l'impression clinique est à la rareté de ces
complications cardiaques dont les unes sont bruyantes (embolies
périphériques, insuffisance cardiaque, tamponnade, troubles du
rythme ventriculaire) (ANDERSON D.W. et al., 1988 ; BEAUDET B. et al., 1988 ;
COHEN I.S. et al., 1986 ; FINK L. et al., 1984 ; KAMINSKY H.J. et al., 1988 ;
LEVY W.S. et al., 1988) mais les autres asymptomatiques (D'IVERNOIS C. et al.,
1991 ; VULLIEMIN P. et LEDUC D., 1993).
La fréquence des anomalies échocardiographiques
chez des patients infectés par le VIH (sérologie positive) et
présentant des signes cliniques d'immunodéficience peut
s'élever jusqu'à 55% des cas, atteintes dues à des
épanchements péricardiques, des masses intracavitaires, des
végétations ou l'altération de la contractibilité
(CORALLO S. et al., 1988 ; FINK L. et al., 1984 ; LEVY W.S. et al., 1989).
Cependant, il n'est pas facile d'attribuer à une cause cardiaque des
symptômes aussi vagues qu'une fièvre, une tachycardie et une
dyspnée rencontrées chez des patients sidéens aux
atteintes multiviscérales intriquées.
Chez les patients au stade de SIDA aux USA, la
mortalité d'origine exclusivement cardiaque s'élève
à 10% (ANDERSON D.W. et al., 1988 ; WELCH K. et al., 1984).
Ces données cliniques et autopsiques sont
observées dans des régions géographiques
différentes de l'Afrique noire et à différents stades ou
liées à différents modes de transmission du virus VIH.
Elles ne peuvent donc naïvement pas être comparées à
nos données. Il est donc urgent de passer en revue nos connaissances
sur les lésions cardiaques chez le noir infecté par le VIH.
L'absence d'une étude large visant un dépistage
systématique des atteintes cardiaques au cours de l'infection à
VIH chez 83 patients noirs nous a stimulé à décrire leurs
manifestations cardiaques et à déterminer la prévalence,
l'évolution naturelle, les différents aspects cliniques,
électrocardiographiques, échocardiographiques et radiologiques de
ces atteintes cardiaques.
L'hypothèse de travail est que l'excès
d'atteintes cardiaques serait attribué à l'infection par le VIH.
Elle a été testée en comparant les anomalies cardiaques de
166 patients infectés par le VIH à celles de 38 patients
séronégatifs pour le VIH et souffrant de cardiopathies non
athéromateuses (péricardites amibiennes chez 10 patients,
cardiopathies de 10 sicklanémiques et 18 cas de cardiomyopathie
dilatée idiopathique).
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