2.4. La concentration de propriété et le
choix du mode de financement
Ang et al (2000) ont testé le problème
de cavalier clandestin du à l'addition de nouveaux actionnaires. Ils
montrent que les coûts d'agence augmentent avec le nombre d'actionnaires
non manager, du fait qu'ils détiennent la part la plus large du
capital de la firme et du fait qu'ils supportent seuls la charge de
contrôle. Les actionnaires majoritaires préfèrent de ce
fait le non recours à l'émission de nouveaux fonds propres
(Demsetz, 1983 ; Shleifer et Vishny, 1986 ; Agrawal et Mandelker,
1987 ; Jensen, 1990 ; Agrawal et Knoeber, 1996).
H6 : Le choix de la dette comme mode de
financement permet de préserver la concentration de
propriété et évite le problème de cavalier
clandestin du à l'addition de nouveaux actionnaires.
La concentration de propriété représente,
selon la théorie de l'agence, un gage pour l'efficacité du
contrôle au sein de la firme. Selon La Porta et al (1999), les
lois de protection des investisseurs ne permettent pas une séparation
effective entre la propriété et le contrôle. Ceci
entraîne des coûts d'agence élevés entre les deux
types d'actionnaires, Bebchuk (1999). Johnson et al (2000) appellent
cette forme de problème d'agence le
«Tunneling ».
D'autre part, l'étude de Denis et Denis (1994) montre
que les actionnaires majoritaires sont situés au plus haut niveau
pyramidal de la firme. Ces derniers sont supposés être très
averse au risque (Alexandre et Paquerot, 2000). Selon Bens (2002)
l'amélioration de la gouvernance au sein de l'entreprise dépend
du déterminisme des actionnaires.
2.5. Le choix de la dette comme mode de financement et
les distorsions en matière d'investissement.
En cas ou le mode de financement choisi est la dette,
l'ampleur des distorsions en matière d'investissement dépend du
risque d'activité de la firme, ainsi que de son niveau d'endettement
actuel. Myers (1977) prouve qu'en présence de dettes risquées,
les dirigeants (actionnaires) rejettent certains projets à valeur
actuelle nette positive mais faible. En effet, l'acceptation de projets
pareils, ne permet de dégager aucune valeur résiduelle du fait du
paiement des intérêts et du principal de la dette. Afin
d'éviter ce problème de sous investissement, ainsi que les
conflits d'intérêts et par suite les coûts d'agence qui
peuvent en résulter, Myers recommande l'usage de dettes à court
terme, qui atteignent leurs échéances avant que l'option de
croissance de la firme ne soit exercée.
Il convient, cependant, de signaler que ces formes
d'inefficience apparaissent si le dirigeant vise exclusivement la maximisation
de la valeur actionnariale, Becht et al (2002). Le non maintien de ce
type de projet même s'il évite, en apparence, un transfert de
richesse des actionnaires aux créanciers, entrave en
réalité, la possibilité d'alléger les charges
financières de la firme. Dans un horizon d'investissement de court
terme, les dirigeants seront plus en faveur de cette politique. Si on se place
dans une perspective de long terme, ce comportement discriminatoire de la part
des dirigeants (actionnaires) nuit aux intérêts des actionnaires.
Depuis les travaux de Black et Scholes (1973) et de Jensen et
Meckling (1976), la doctrine financière nous enseigne qu'après
l'émission de dettes, les détenteurs des fonds propres cherchent
souvent à augmenter le risque des activités de la firme. Ce
phénomène permet un transfert de richesse des créanciers
aux actionnaires et crée par de là un problème de
substitution d'actif. Le risque des activités de la firme se traduit par
une volatilité importante de ses actifs. Cette volatilité peut
traduire encore l'existence de bonnes opportunités de croissance. Dans
le cadre de ce paragraphe on peut supposer que le dirigeant (en l'occurrence
actionnaire) a plus d'intérêt à accroître le risque
d'activité de la firme pour augmenter sa richesse.
H7 : La participation du dirigeant au capital,
favorise un transfert de richesse des créanciers aux actionnaires par
une augmentation du risque d'activité de la firme.
L'étude de Ju et al (2002) confirme la grande
sensibilité du niveau d'endettement optimal à la
volatilité de l'actif de la firme. Cette relation négative est
aussi confirmée par Leland et Toft (1996) ainsi que Barclay et Smith
(1995). Comme remède à ce problème d'agence, Leland et
Toft recommandent l'usage de dettes à montants faibles et à
maturité courte. Dans le cas ou les coûts de faillite sont
élevés, les dits auteurs proposent des maturités
longues.
H8 : Dans le cas ou le risque
d'activité de la firme est élevé, l'usage d'un montant
élevé de dettes dont la maturité est longue, accroît
les coûts d'agence liés aux problèmes de substitution
d'actifs. Si les coûts de faillite sont élevés, l'usage
d'un montant élevé de dettes à court terme expose la firme
au risque de faillite.
2.6. La propriété du dirigeant et
l'usage des free cash- flows
Afin de faire baisser les coûts d'agence qui peuvent se
produire entre dirigeants et actionnaires suite à l'existence de
cash-flows libres, Jensen (1986) recommande l'usage de la dette comme
moyen de contrôle. En forçant le dirigeant à s'endetter,
les actionnaires délèguent indirectement le contrôle aux
créanciers. Toutefois, forcer le dirigeant à s'endetter ne va pas
de soi, étant donné que ce dernier évitera de s'exposer au
contrôle de la banque. Sur ce point, Poincelot (1999) s'interroge :
si les actionnaires exercent déjà un contrôle important sur
le dirigeant alors pourquoi cherchent-ils à accroître
l'endettement ?
H9 : L'usage de la dette comme variable de
contrôle, doit traduire le faible pouvoir des actionnaires.
Dans le cadre où les dirigeants sont
rémunérés sous forme d'une partie des fonds propres de la
firme, les conflits d'intérêts entre dirigeants et actionnaires
doivent probablement être minimes. Selon Ang et al (2000) les
coûts d'agence varient inversement avec la propriété du
manager. Berle et Means (1932) considèrent que la participation
du dirigeant au capital de la firme, doit faire converger les
intérêts des deux parties en question.
H10 : Une participation élevée
du dirigeant au capital, doit faire éviter les conflits
d'intérêts dus à l'usage de free cash-flows.
Cependant, Jensen et Meckling (1976) ont fait remarquer que
l'alignement des intérêts des actionnaires et des
managers ne sera jamais parfait ; étant donné que
ces derniers ne disposent que d'une part et non pas de la totalité du
capital. Pour Hall et Liebman (1998), un alignement parfait accroît le
risque assumé par le dirigeant. Cet accroissement du niveau de risque de
ce dernier, fait qu'il agit souvent afin d'accroître son propre niveau
d'utilité. Il convient aussi de noter que les systèmes de
rémunération des dirigeants basés sur les fonds propres se
caractérisent par leur aspect illiquide.
David (2000) montrent que les options accordées dans
quarante entreprises durant une période de dix ans, ne sont
exercées qu'après un délai moyen de 5.8 années de
la date de leur attribution. Ce caractère coercitif très
saillant, que présente ces modes de rémunération, ne fait
ainsi qu'accroître davantage le risque assumé par le dirigeant
sans aucune récompense immédiate.
D'autre part, Holmstrom et Kaplan (2003) notent que certains
dirigeants qui détiennent de grandes parts de leurs entreprises, ont
fait recours à des manipulations comptables, afin de faire
accroître les résultats de leurs firmes ; ce qui a conduit
certaines d'entre elles à la faillite. Lesdits auteurs
considèrent que la seule explication à ce
phénomène, est que ces dirigeants utilisent leurs pouvoirs pour
extraire des rentes supplémentaires.
En ce qui concerne l'usage des free cash flows,
DeAngelo et al (2002) considèrent que les dirigeants des firmes
en difficultés utilisent l'excédent de liquidité pour
financer des investissements perdants. Pour Opler et al (1999),
l'excèdent de liquidité permet aux gestionnaires
d'échapper à faire les changements nécessaires, en
consommant entièrement la liquidité de la firme, pour financer
des projets déficitaires.
H11 : La participation du dirigeant au capital
de la firme n'est pas un gage pour l'efficacité de la gestion.
L'aversion de ce premier au risque, et la préférence qu'il
manifeste en faveur de la maximisation de sa propre utilité,
déterminent le degré de la discrétion
managériale.
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