2.2. L'endettement comme variable de contrôle chez
les petites et moyennes entreprises
Dans le cadre de la théorie de l'agence, l'agent ne
fournira que peu d'effort en faveur du principal. Cette distorsion augmente
lorsque le dirigeant (l'agent) consacre tout son temps dans le travail, mais ne
bénéficie en revanche d'aucune, au mieux, d'une petite fraction
de la valeur qu'il a fait générer pour la firme. Ainsi, les
conflits d'intérêt entre dirigeants et propriétaires
doivent être énormes. Ces premiers essayeront à tout prix
d'augmenter leur consommation, chemin faisant, ils tenteront d'élargir
leur espace discrétionnaire et/ou pratiquer une politique d'enracinement
préjudiciable aux actionnaires (Shleifer et Vishny, 1989 ; Morck et
al, 1990). Conscients de l'ampleur de l'expropriation à
laquelle ils seront exposés, les actionnaires ne garderont pas les bras
croisés. Outre le rôle joué par le conseil
d'administration, et pour intensifier d'avantage le contrôle sur le
dirigeant, ils peuvent lui imposer l'octroi de dette. Le choix de la dette
comme variable de contrôle en présence d'un montant important de
free cash-flows est confirmé par Jensen (1986).
H2 : Dans le cadre d'une
rémunération par les salaires et les primes, les actionnaires
peuvent utiliser l'endettement comme moyen de contrôle.
Même, si l'octroi de dettes dans une situation pareille
traduit le vrai pouvoir qu'exercent les actionnaires sur les dirigeants ;
ces premiers seront incapables d'éviter les distorsions liées aux
décisions d'investissement et « ignorent » le
coût associé à l'émission de nouvelles dettes (la
dette peut entraîner un effet de levier ou un effet de massue, selon le
cas).
2.3. Le choix de la dette pour les petites et moyennes
entreprises
La dette privée entraîne souvent des coûts
d'émission élevés (Blackwell et Kidwell, 1988).Toutefois,
elle permet de limiter l'espace discrétionnaire du dirigeant (Petersen
et Rajan, 1994 ; Berger et Udell, 1995 ; Cole, 1998) et offre plus de
flexibilité si la firme rencontre des difficultés
financières. Selon Fama (1985), les firmes de petites tailles
poursuivant un objectif de croissance choisiront la dette bancaire.
Sous l'optique de Myers (1977) et en présence de dettes
risquées, une situation de risque moral peut se produire. Afin de ne pas
faire bénéficier les créanciers, le dirigeant peut rejeter
certains projets a valeur actuelle nette positive mais faible. Comme
remède, Myers recommande l'usage de dettes à court terme qui
atteignent leur échéance avant que l'option de croissance ne soit
exercée. Toutefois, cette solution ignore les coûts
associés à une émission cyclique des dettes à court
terme.
La solution proposée par Myers (1977) est
vérifiée par Barclay et Smith (1995), qui montrent qu'en
présence d'opportunités de croissance rentables, les firmes
émettent des dettes à court terme. Le problème se pose
lorsque la firme fait face à un déclin de ses opportunités
d'investissement.
Dans une optique de signalisation, Diamond (1993)
considère que les firmes qui contractent continuellement des dettes
bancaires à court terme se construisent une bonne réputation. Ce
comportement permet, selon Flannery (1986) d'éviter le mimétisme
des firmes rivales. Selon Ross (1973), le mauvais usage de la dette comme moyen
de signalisation engendre des coûts élevés.
La volatilité des actifs de la firme n'est pas sans
incidence sur le choix du montant et de la maturité de la dette. Au sens
de Black et Scholes (1973) et Jensen et Meckling (1976), les fonds propres sont
assimilés à une option d'achat, détenue par les
propriétaires, sur la valeur de la firme. L'augmentation du risque des
activités de la firme, qui est bénéfiques pour les
actionnaires, permet un transfert de richesses vers ces derniers au
détriment des créanciers : c'est le problème de
substitution d'actif.
Pour Leland et Toft (1996), les fonds propres ne sont pas
considérés comme une option d'achat ordinaire. La faillite peut
survenir à tout moment, selon la valeur des actifs en place. Pour une
valeur des actifs égale à la valeur endogène de faillite
(VB) - qui constitue le prix d `exercice de l'option- la faillite est
déclenchée. En présence de coûts d'agence importants
liés au problème de substitution d'actif, et lorsque le risque
d'actif de la firme est élevé, lesdits auteurs recommandent
l'usage de dettes à maturité courte et à montant
faible.
H3 : En présence de coûts
d'agence importants, liés au problème de substitution d'actif, et
lorsque le risque des actifs de la firme est élevé, des dettes
à montant élevé et à maturité longue peuvent
conduire la firme à la faillite.
Leland et Toft (1996), considèrent aussi le cas
où le coût de faillite est élevé, et recommandent,
en présence de coûts d'agence liés au problème de
substitution d'actif, l'usage de dettes à montant faible mais à
maturité longue.
Le degré de liquidité des actifs de la firme
influence aussi le choix de la dette comme moyen de contrôle. L'existence
d'un montant important d'actif facilement convertible en liquidité,
permet, en cas où les opportunités de croissance de la firme
connaissent une baisse, au dirigeant de détenir un montant important de
liquidité non indispensable au maintien des activités courantes
de la firme. DeAngelo et al (2002) considèrent que les
dirigeants des firmes en difficultés, peuvent utiliser cet
excédent pour financer des investissements perdants.
H4 : En présence d'un montant important
d'actifs liquides, l'usage de la dette comme variable de contrôle n'a
aucun effet.
Opler et al (1999) corroborent ces derniers
résultats. Ils considèrent que lorsque la firme se jette dans des
difficultés, l'excédent de liquidité permet aux
gestionnaires d'échapper à faire les changements
nécessaires, en consommant entièrement la liquidité de la
firme pour financer des projets déficitaires.
Afin de limiter l'habilité du dirigeant à
émettre de nouveaux fonds propres, et donc à accroître le
niveau de cash-flows, Hart (1993) ainsi que Shleifer et Vishny (1992),
considèrent que la structure du capital de la firme doit inclure les
engagements futurs de cette dernière envers ses créanciers
(debt obligation). La prise en compte des créanciers, autres
que les créanciers institutionnels ou obligataires, permet
d'apprécier le niveau d'endettement réel de la firme et
d'éviter ipso facto une émission éventuelle de
nouveaux fonds propres par le dirigeant.
Il y'a lieu, ainsi, de se demander si ce type de dettes
permet, en soi, de discipliner le dirigeant. Selon Jensen (1986), les
engagements au comptant pour le compte des créditeurs permettent
d'exercer une pression sur le dirigeant et l'inciter à améliorer
son rendement. L'illustration du cas de L.A. Gear, faite par De Angelo et
al (2002) prouve, au contraire, que ces dettes permettent à
cause du décalage des flux, de générer un niveau assez
élevé de fond de roulement pour financer des projets perdants,
tout en s'acquittant des créances de la firme.
H5 : Les dettes fournisseurs ou
interentreprises n'exercent aucun rôle disciplinaire. Au contraire, le
décalage des flux peut faire bénéficier au dirigeant.
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