De la contribution de la jurisprudence du TPIR à l'incrimination du crime de génocide( Télécharger le fichier original )par Jean de Dieu SIKULIBO Université nationale du Rwanda - Licence 2007 |
§ III : Le crime de génocide et les notions connexesA. Le crime de génocide et le crime contre l'humanitéGénocide et crimes contre l'humanité ont été associés en raison de leur gravité extrême intrinsèque. Dans les mots de la Chambre de première instance I du TPIR, ces deux crimes «choquent particulièrement la conscience de l'humanité»30(*). De façon générale, les normes condamnant les crimes contre l'humanité et le crime de génocide diffèrent dans les critères déterminants pour identifier chaque crime : les attaques généralisées ou systématiques contre la personne dans le premier cas, l'existence du groupe dans un autre31(*). Cette différence dans la ratio des normes est loin de rester abstraite : elle se reflète dans tous les éléments constitutifs de chacune des incriminations et peut avoir des conséquences concrètes dans la détermination de la peine32(*). Ainsi, le fait que le crime contre l'humanité vise une population civile alors que le crime de génocide tend à la destruction d'un groupe ciblé justifie de distinguer ces deux incriminations afin d'en assurer une répression effective. Dans le premier cas, il s'agit de démontrer une multiplicité des victimes réelles ou potentielles, dans l'autre, les qualités propres du groupe protégé ainsi que l'intention de le détruire doivent être prouvées33(*). B. Le crime de génocide et le crime de guerreLe génocide relève de la compétence des tribunaux pénaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda, établis en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies et habilités à juger les personnes présumées responsables de violations graves du DIH34(*). En ce sens, le génocide est identifié comme l'une des violations du DIH, lequel dans la conception traditionnelle est un corps de règles applicables en cas de conflit armé international ou interne. Toutefois, il est évident que la norme condamnant le génocide en droit international excède en réalité le domaine d'application du DIH : elle protège des groupes humains déterminés contre des atteintes commises en temps de guerre ou en temps de paix. Il importe de remarquer que contrairement aux crimes de guerre, le caractère civil, la nationalité ou la situation des victimes, qu'elles soient malades, blessées ou en pleine santé, prisonnières ou en liberté, qu'elles participent ou non à une action de combat, n'importent pas dans le cadre du génocide. Le génocide ne vise donc pas à limiter les méthodes ou moyens de guerre, mais plutôt à protéger de la destruction les groupes ciblés par la norme35(*). Il faut néanmoins préciser que rien n'empêche qu'un acte soit qualifié tant de crime de guerre que de génocide36(*). * 30 Procureur c. Jean Kambanda, Affaire no ICTR-97-23-S (Chambre de première instance I), Jugement portant condamnation, 4 septembre 1998, par. 14, Procureur c. Jean Paul Akayesu, supra note 8, note 27 du jugement, par. 8. * 31 Voy. Procureur c. J. Paul Akayesu, supra note 8, note 38 du Jugement, pars. 469 et 521. * 32 A. M. LA ROSA et S. VILLAPANDO, Le crime de génocide revisité, in K. BOUSTANY et D. DORMOY, op. cit., note 3, p. 66. * 33 M. BETTATI, Le crime contre l'humanité, in H. ASCENSIO, E. DECAUX et A. PELLET, op. cit., note 1, p. 300. * 34 Voy. Statut du TPIY, article premier, Statut du TPIR, article premier. * 35 Voy. Procureur c. Jean Paul Akayesu, supra note 8, par. 469. * 36 On rencontre cette double qualification dans plusieurs actes d'accusation dressés par les Procureurs des tribunaux pénaux internationaux. Voir à titre d'exemple, Idem, par. 469 in fine. |
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