Dans le Doing Business 200711, les pays de l'UEMOA
sont classés parmi les pays les moins favorables à
l'entrepereunariat privé. Le cadre global des affaires y est jugé
particulièrement mauvais. Le pays le mieux placé est le
Bénin au 137 ème rang mondial sur 178 et le plus mal
classé est le Burkina au 163 ème rang. Mais au delà de ces
chiffres bruts qui témoignent des problèmes de toutes sortes
auxquels sont confrontés ces pays, il est important de s'apesantir sur
certains axes clés pour mieux mesurer l'étendue des
difficultés à lever pour la création d'un meilleur
environnement à l'accès aux services bancaires et financiers.
Pour cela, nous étudierons successivement les problèmes
liés à la croissance économique, au cadre juridique, aux
infrastructures de base et à l'analphabétisme.
1 Une croissance économique
insuffisante
L'UEMOA connaît depuis plus d'une décennie une
croissance économique relativement instable qui se traduit par un taux
de croissance réel du PIB très variable selon les années.
Ce taux est passé de 6,4% en 1996 à 3,7% en 2005 (figure 2) avec
une baisse drastique à 0,5 % en 2000 due entre autres à la grave
crise socio-politique en Côte d'Ivoire. Ce rythme d'augmentation de la
richesse créée est insuffisant compte tenu des défis
importants à relever à tous les niveaux. Les objectifs du
millénaire pour le développement fixent à 7% le taux
minimal d'une croissance soutenue pour réduire la pauvreté de
moitié à l'horizon 201512. Parmi les pays de l'Union,
seul le
11 Le Doing Business est un projet de la Banque Mondiale qui
vise à donner une mesure de la réglementation et du renforcement
du cadre des affaires dans 178 pays. A cet effet, des rapports annuels sont
édités pour traduire l'évolution de la situation dans
chaque pays.
12
www.uneca.org/omd/MDGs_page.asp
Burkina Faso est cité par la Commission Economique pour
l'Afrique (CEA) des Nations Unies, comme pays pouvant atteindre cet
objectif.
Une caractéristique importante de l'économie de
l'UEMOA est la part prépondérante qu'occupe le secteur informel.
Dans les capitales des pays de l'UEMOA (à l'exception de la
Guinée-Bissau), entre 70,9% et 80% des emplois urbains sont
créés dans l'informel (Vescovo, Bosquier, et Torelli, 2007).
D'après les résultats d'une enquête13 faite au
niveau de l'Union, il existe une unité de production informelle par
ménage en zone urbaine.
Figure 2 : Croissance économique dans l'UMOA
La même enquête révèle que «
le secteur informel est caractérisé par l'absence ou la faiblesse
de capital dans le processus de production, ainsi que par un
sous-investissement chronique. La faiblesse des possibilités d'emprunt
inhibe la capacité d'accumulation du secteur ». Cela met en exergue
l'un des maux qui minent l'essor de nos économies :
l'inadéquation entre l'offre et la demande de ressources
financières. Les services offerts par le secteur bancaire et financier
de l'UEMOA ne permettent pas de couvrir les besoins de la majorité des
agents économiques.
13 Enquête 1-2-3 de 2001 à 2002
réalisés par les instituts nationaux de statistique des Etats
membres publiée par l'UEMOA
(www.uemoa.int/Publication/2004/RapSectInform2.pdf)
2 Une justice inefficace
A l'instar des pays francophones, le système
judiciaire de la plupart des pays de l'UEMOA est une émanation du
système colonial français. Certains textes de cette époque
demeurent en vigueur. Selon Bako Arifari repris par Tidjani (2005), les
dispositions du code pénal béninois datent de 1930. Le droit
coutumier reste une référence pour une grande majorité des
populations selon Tidjani (2005). Ce dernier évoque également la
faible couverture géographique des juridictions qui pour l'essentiel
sont dans les capitales et les grandes villes. Il existe donc un
problème d'accès physique à la justice.
En outre, la corruption qui gangrène l'administration
publique des pays de l'Union n'a pas épargné l'appareil
judiciaire (Transparency International, 2007). D'après Tidjani (2005),
le paiement de commissions indues, l'activation et l'utilisation de liens
personnels avec le juge ou le magistrat, le détournement de deniers
publics, la négociation illicite des peines sont autant de maux qui
minent la justice. Il met également en exergue l'existence d'une justice
parallèle animée par les agents de police dans les commissariats
au profit des plus offrants.
Toutes ces lacunes rendent la justice inefficace, inapte
à la création d'un cadre favorable à l'éclosion de
l'initiative privée. La sécurité des affaires n'est pas
véritablement assurée. A cet effet, des efforts louables sont
entrepris notamment dans le cadre de l'OHADA. Mais, au delà des textes,
il est important que chaque Etat de l'Union fasse un effort dans les
allocations budgétaires à la justice afin de doter l'appareil
judiciaire de moyens nécessaires pour un meilleur fonctionnement.
3 Des infrastructures de base
insuffisantes
Il s'agit de l'un des grands défis auxquels doivent
obligatoirement s'atteler les pays de l'UEMOA pour attirer les investissements
et rendre leurs économies compétitives. Les transports publics
sont inexistants ou en mauvais état. L'eau potable et
l'électricité sont des biens souvent difficiles à avoir
même dans les grandes villes. Plusieurs pays de la sous-région
sont d'ailleurs confrontés depuis plusieurs mois à une crise
aiguë du secteur énergétique qui se traduit par de longues
périodes de délestage journalier. En 2001 par exemple, la
consommation électrique était de 68,11 kwh par habitant pour le
Bénin et 132,67 kwh pour le Sénégal. En comparaison, la
France était pour la même année à 6.68 1,61 kwh par
habitant (WDI 2005).
Concernant les nouvelles technologies de l'information et de
la communication, les pays de l'UEMOA ont également un retard important
à combler. La téléphonie mobile a fait un pas important en
palliant les insuffisances du fixe mais sa pénétration
démographique demeure insuffisante. En 2001, le nombre de
téléphones mobiles était de 19 pour 1000 habitants au
Bénin et de 30,78 au Sénégal. En comparaison, ce nombre
était de 605,3 3 pour 1000 habitants en France dans la même
année (WDI 2005).
4 Une alphabétisation insuffisante et
inadaptée
Le problème de l'alphabétisation est une
préoccupation majeure dans le processus de développement des pays
membres de l'UEMOA. Le taux d'alphabétisation est estimé en 2001
à 38,59% pour le Bénin et à 16,5% pour le Niger (WDI
2005). Le Togo qui a le taux le plus élevé est à 58,41%.
Ce qui demeure insuffisant.
Mais le problème se complique lorsqu'on
s'intéresse à la langue dans laquelle les populations sont
alphabétisées. Dans la plupart des cas, ce travail se fait dans
les langues locales des pays concernés. Or, aucune de ces langues n'est
utilisée dans l'administration. Le contrat de création de compte
est rédigé en français (et en portugais pour la
Guinée-Bissau). Il se pose alors un vrai problème de lecture et
de compréhension au niveau des populations.
En plus de cela, même si l'on sait lire et écrire
dans une langue officielle, il n'est pas garanti qu'on puisse avoir une bonne
compréhension des termes et concepts utilisés dans les
différents documents des institutions bancaires. Une chose est de savoir
lire, une autre est de comprendre les opérations de
débit/crédit. Cela justifie le terme « illettrisme financier
» utilisé dans la littérature et évoqué
précédemment.