III Les institutions de microfinance (IMF)
Le secteur de la microfinance a connu depuis le début
des années 90 et sa règlemantation par la loi Parmec17
une expansion importante dans les pays de l'UEMOA. Le nombre des IMF
agréées est passé de 555 en 2001 à 652 en 2005
(figure 3) et le nombre de points de services a atteint 3.500. Il en
découle une pénétration géographique de 24.286
habitants/guichet.
Figure 3: Evolution du nombre d'institutions de
microfinance
2001 2002 2003 2004 2005
650 600 550 500 450 400 350 300 250 200 150 100 50
0
Evolution du nombre d'IMF
700
Année
Source: BCEAO (2006a)
Pendant la même période (2001 à 2005), le
nombre de bénéficiaires (hormis les membres des groupements) a
progressé avec une forte croissance en 2005 pour atteindre 5,8 millions
(figure 4). En considérant une population active de 40.300.000
(estimation sur WDI 2005), cela correspond à 14,4% des actifs
touchés par le microcrédit.
En dépit de ses limites à la contribution au
financement de l'économie de l'Union (Kamalan, 2006), la microfinance
demeure très utile pour deux raisons principales. La première
17 La loi Parmec est la loi portant réglementation des
institutions mutualistes ou coopératives d'épargne et de
crédit. Elle a été adoptée par le Conseil des
ministres de l'UMOA le 17 décembre 2007 (Lhériau, 2003)
est qu'elle permet d'alléger la souffrance des
ménages très pauvres qui sont progressivement
insérés dans le tissu économique. La deuxième
raison est qu'elle constitue une ''extension'' de la bancarisation des
populations (Lhériau, 2005).
Figure 4: Evolution du nombre de
bénéficiaires de microcrédit
Evolution du nombre de bénéficiaires
|
6000000 5500000 5000000 4500000 4000000 3500000 3000000 2500000 2000000 1500000 1000000 500000 0
|
|
|
|
2001 2002 2003 2004 2005
Année
Source: BCEAO (2006a)
IV Les barrières et les frontières des
possibilités d'accès 1 Les barrières à
l'accès
Nous déterminons les barrières au niveau de
l'environnement global, du secteur bancaire et de la microfinance.
1.1 Environnement global
Le niveau de développement est le plus important
facteur selon Beck et al. (2004) qui estiment que, d'un pays à un autre,
le taux d'utilisation des services bancaires et financiers varie
fondamentalement selon le niveau de développement économique et
institutionnel. Il est déterminé par des facteurs qui sont hors
du champ d'action des établissements de crédit.
En effet, le prix (barrière financière) et le
coût de transport vers l'agence bancaire la plus proche (barrière
physique à l'accès) sont des facteurs discriminants. Ils sont
évalués en terme de revenu des populations. Un indicateur
estimatif du revenu est le PIB par habitant qui, comme nous l'avons vu ci-haut,
n'est pas particulièrement élevé dans l'UEMOA. Le niveau
de revenu constitue donc un obstacle, une barrière à la demande
des services bancaires dans l'Union.
Quant au cadre juridique, il est inadapté à
toute politique d'investissement car peu protecteur des intérêts
privés. Il a un impact néfaste sur la bancarisation.
La qualité des infrastructures de base (transport,
communication, énergie, etc) et le déficit technologique
créent des barrières physiques d'accès, et des
barrières de l'information.
Enfin, concernant l'aspect social, il est important de
souligner l'obstacle que constitue le taux élevé
d'analphabétisme dans les pays de l'Union. Il est difficile pour des
populations non lettrées d'entamer et surtout d'entretenir une relation
bancaire équitable. Il s'agit là d'un facteur non
économique de contrainte à la demande.
En résumé, l'environnement global dans l'UEMOA
ne favorise pas la démocratisation des services bancaires et
financiers.
1.2 Le secteur bancaire
Depuis les réformes des années 90, le nombre de
banques, d'agences et points de services est en augmentation. Les cartes
bancaires privatives sont en plein essor avec l'installation croissante des
distributeurs automatiques de billets (DAB). Il en découle une
réduction de la barrière physique à l'accès.
En outre, sous l'effet de la concurrence, les conditions de
banque s'améliorent progressivement. Le montant minimal d'ouverture de
compte et le taux débiteur à la clientèle sont en
diminution dans l'Union (de 2003 à 2005). La barrière
financière est donc en régression. Cette régression serait
plus accentuée si la réglementation des conditions de banque
n'empêchait pas quelque peu la vérité des prix. En effet,
la fixation ou l'encadrement des coûts de certains services bancaires ne
favorise pas la répercussion des économies d'échelle
réalisées au niveau des banques de taille importante.
Mais les conséquences désastreuses de la crise
bancaire des années 80 continuent également de peser sur
l'activité du secteur. Elles expliquent quelque peu le
développement croissant de la microfinance et de la finance informelle
(Powo, 2000). Les faillites bancaires ont
créé des difficultés émotionnelles
au niveau des populations qui se sont auto-exclues du système bancaire
(théorie de Beck et De la Torre (2006)).
En plus, la barrière de l'éligibilité
demeure et risque d'être renforcée par une application rigide et
non contextuelle de la réglementation, notamment la loi anti-blanchiment
avec son principe du « know your customer ».
Par ailleurs, l'émiettement du secteur bancaire, avec
une grande proportion de banques de petite taille, n'est pas favorable à
l'offre de services bancaires. En effet, environ 53%18 des banques
ont un total bilan inférieur à 50 milliards CFA. Du fait de leur
taille, elles ne disposent pas des économies d'échelle
nécessaires pour assurer un meilleur prix à la clientèle.
Il s'agit d'un handicap très important.
Enfin, il existe des difficultés dans la mise en oeuvre
du cadre réglementaire de promotion de la bancarisation et des moyens
scripturaux de paiement qui empêchent quelque peu la vulgarisation du
compte bancaire.
En résumé, le secteur bancaire présente
des barrières importantes à la massification de la bancarisation
dans l'Union.
1.3 Le secteur de la microfinance
La microfinance revêt un caractère particulier
dans le dispositif de financement des économies de l'Union. Elle est
née pour pallier les insuffisances d'un secteur bancaire trop rigide et
distant des populations démunies.
Les barrières d'accès physique, de
l'éligibilité et de l'information se retrouvent amoindries dans
ce secteur. En effet, du fait de la multiplicité des points de services
des IMF et de leur couverture géographique plus étendue, elles
sont plus accessibles. De même, le nombre des documents administratifs
nécessaires pour un contrat est moins prohibitif qu'au niveau des
banques.
Bien que persistant, le problème de l'asymétrie
de l'information, de la sélection adverse et de l'impact de
l'analphabétisme pèsent moins sur la relation entre les
populations et les IMF du fait de la proximité de ces dernières
et de leur ancrage dans les réalités locales.
En dépit du coût relativement élevé
des services proposés, le secteur de la microfinance présente des
barrières moins fortes que le secteur bancaire et est plus favorable
à la
18 Calcul fait sur la base de BCEAO (2006a)
démocratisation des services bancaires et financiers.
2 Les frontières des possibilités
d'accès au compte bancaire
S'inspirant du schéma de Beck et De la Torre (2006),
nous nous proposons d'identifier de façon approximative les
frontières des possibilités d'accès au compte bancaire
dans l'UEMOA. Nous nous limitons à l'identification des
frontières extrêmes: la frontière optimale (A) et la
frontière minimale (D). Cette identification est expliquée pour
l'année 2005; le raisonnement étant le même pour les
années 2001 à 2004.
2.1 La frontière minimale
Le secteur bancaire de l'UEMOA est confronté à
plusieurs problèmes importants qui ont un impact négatif sur
l'offre et de la demande de services. En dehors des facteurs
économiques, la demande est minorée par des facteurs
socio-culturels qui engendrent l'auto-exclusion. L'environnement global et la
réglementation bancaire parfois contraignante pèsent sur l'offre
de services. Le taux moyen de bancarisation de l'Union est évalué
en 2005 à 5,84 % (annexes 2 et 8). Il est le fruit d'une conjonction de
facteurs limitatifs de l'offre et de la demande. Ce taux correspond à
une population active bancarisée de 2.358.951 habitants19.
Nous considérons ce nombre comme la frontière minimale (D) en
2005.
2.2 La frontière optimale
En dépit des difficultés liées à
l'environnement macroéconomique, il existe une part importante de la
population capable d'utiliser les services bancaires mais qui n'y ont pas
accès pour diverses raisons. Il existe donc un potentiel latent de
population bancarisable. Pour déterminer ce potentiel, nous nous basons
sur les données relatives au secteur de la microfinance et faisons deux
hypothèses20:
H4: Tout bénéficiaire de microcrédit est
bancarisable;
H5: Aucun bénéficiaire de microcrédit ne
dispose d'un compte bancaire.
Nous déduisons de ces hypothèses que le potentiel
latent de bancarisation équivaut au
19 La taille de la population active de l'UEMOA est en 2005 de
40373250 habitants (estimation sur la base du WDI 2005)
20 La numérotation des hypothèses commence par 4
pour tenir compte des trois hypothèses de Beck et de la Torre (2006) qui
sont implicitement reprises.
taux moyen de pénétration démographique
du microcrédit qui est de 9,04 % en 200521. Cela correspond
à une population active de 3.643.974 habitants. Nous définissons
la frontière optimale comme étant la somme de la frontière
minimale et du potentiel latent de bancarisation. La frontière optimale
(A) est ainsi représentée en 2005 par une population active de
6.002.925 habitants (2.358.951 + 3.643.974 ).
2.3 Evolution des frontières des
possibilités
Le tableau ci-après retrace les frontières
minimales et optimales de 2001 à 2005. Tableau 3:
Frontières des possibilités de bancarisation
Année
|
Frontière minimale (1)
|
Potentiel de bancarisation (2)
|
Frontière optimale (3) = (1) +
(2)
|
2001
|
1.577.133
|
3.338.841
|
4.915.974
|
2002
|
1.819.952
|
3.430.683
|
5.250.635
|
2003
|
2.121.909
|
3.873.845
|
5.995.754
|
2004
|
2.043.429
|
4.128.208
|
6.171.637
|
2005
|
2.358.951
|
3.643.975
|
6.002.926
|
La représentation graphique de l'évolution des
frontières donne le graphe ci-dessous.
2005
2004
2003
2002
2001
0 1000000 2000000 3000000 4000000 5000000 6000000 7000000
Frontière des possibilités d'accès
au compte bancaire dans l'UEMOA
Frontière minimale Potentiel de bancarisation
Population
Figure 5 : Frontières des possibilités
d'accès au compte bancaire dans l'UEMOA
21 Selon des calculs faits sur la base des statistiques de
microcrédit des monographies SFD (www.bceao.int) et de la
population active du WDI 2005
La figure 5 fait apparaître chaque année
l'existence d'un important potentiel de bancarisation dans l'Union.
Toutefois, il nous paraît nécessaire de souligner
le caractère relativement imprécis de ces potentiels. En effet,
l'hypothèse H5 établit un cloisonnement entre la clientèle
bancaire et la clientèle des IMF qui est inexistant dans la
réalité. Plusieurs personnes sont à la fois clientes des
banques et des IMF. Les résultats obtenus doivent donc être
corrigés de la double comptabilisation de cette partie commune aux deux
secteurs.
Par ailleurs, l'hypothèse H4 est difficilement
soutenable au niveau économique compte tenu des montants parfois
très faibles des microcrédits et des coûts énormes
de gestion qu'induirait une prise en compte de toute la clientèle des
IMF par les Banques.
Enfin, notre approche écarte la partie de la population
qui n'est ni détentrice d'un compte bancaire ni
bénéficiaire d'un microcrédit mais qui n'en est pas moins
bancarisable. Une correction pourrait être faite à ce niveau
également.
Malgré les imperfections, les frontières ainsi
déterminées permettent d'apprécier les possibilités
importantes qui existent pour la démocratisation du compte bancaire dans
l'Union.
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