Chapitre 4 Etude économétrique de la
faible bancarisation
Le chapitre précédent a permis d'identifier les
principaux facteurs susceptibles de contribuer à l'amélioration
de la bancarisation dans l'espace UEMOA. Ces facteurs existent tant au niveau
économique, social, juridique, bancaire que financier. Mais quelle est
leur contribution réelle à l'édification des
barrières et frontières d'accès aux services bancaires?
Quelle est la contribution particulière de la microfinance ? Ce sont
là des préoccupations auxquelles cette étude tente de
répondre.
Ce chapitre est constitué de quatre points. Le premier
point sert à spécifier le modèle. Le deuxième point
permet de faire une régression multiple pour estimer les facteurs
explicatifs les plus pertinents. Le troisième point permet de valider
l'estimation du modèle à travers différents tests. Le
quatrième et dernier point fait ressortir les résultats de
l'investigation.
I Spécification du modèle
La modélisation consiste à choisir un modèle
adapté aux informations à traiter sur la base d'un ou de
plusieurs modèles théoriques et des variables explicatives
retenues.
1 Modèle théorique
Beck, Demirguc-Kunt et Peria (2006) ont étudié
la relation entre les barrières à l'accès aux services
bancaires et les caractéristiques des banques dans différents
pays du monde. Ils ont pour cela constitué un échantillon de 193
banques réparties dans 58 pays du monde entier. Le modèle de
régression suivant a été spécifié:
Fi,k = á + Bi*â + Ck*ã + åi,k
où
· Fi,k est la variable endogène qui
mesure les difficultés d'accès aux services de la banque i du
pays k;
· Bi est un vecteur de variables
explicatives de la banque i ;
· Ck est un vecteur de variables
caractéristique du pays k ;
· åi,k représente le
résidu d'explication pour la banque i du pays k ;
· â est le coefficient permettant de
mesurer la contribution des caractéristiques bancaires ;
· ã est le coefficient permettant
de mesurer la contribution du facteur pays ;
· á est la constance
homogène du modèle.
L'objectif de cette étude est de déterminer les
principaux facteurs qui contribuent à l'édification d'obstacles
à l'accès aux services financiers. En utilisation des techniques
variées d'estimation suivant la nature des variables, les auteurs ont pu
tester ce modèle et en ont déduit que :
· La taille des banques est la caractéristique
principale dans la création des barrières. Les banques de taille
modeste confrontées à des coûts de gestion
élevés de la clientèle offrent des services assez chers .
Par contre les grandes banques, bénéficiant des économies
d'échelle baissent leurs tarifs et rendent les services plus abordables
;
· Les pays ayant des infrastructures de base (transport,
communication , énergie, ...), un cadre juridique et contractuel
assaini, un secteur bancaire concurrentiel et transparent et une dominance de
banques étatiques présentent moins d'obstacles à
l'accès aux services bancaires et financiers.
2 Modèle empirique
2.1 Une approche différente
Bien que s'inscrivant dans la dynamique de massification et
de démocratisation des services bancaires et financiers, notre
étude diffère de celle précédemment décrite
en deux points essentiels.
La première différence est relative à
l'objectif principal de l'étude. Notre objectif est de déterminer
les facteurs qui contribuent à la faible bancarisation. Il s'agit d'une
problématique nationale ou sous-régionale. Même si les
banques en sont les principaux acteurs, la faible bancarisation ne saurait
être définie et étudiée à leur niveau. De
part sa définition, la faible bancarisation ne peut être
mesurée qu'à l'échelle d'un Etat ou d'une région.
Il n'est donc pas possible de construire des variables sur la base des
informations propres à une banque. Les variables doivent être
définies pour le secteur bancaire national pris dans son ensemble.
La deuxième différence concerne la
qualité et l'exhaustivité des données disponibles dans les
pays constituant notre échantillon. Beck, Demirguc-Kunt et Peria (2006)
ont disposé de 193 observations. Notre étude est basée sur
35 observations (annexe 2). Cela a un impact direct sur le choix du
modèle.
2.2 Modèle retenu
En nous inspirant du modèle théorique et tenant
compte de la particularité des informations à traiter, nous avons
fait le choix d'un modèle de panel formulé comme suit:
Mi,t = ui + Xi,t*â + ei,t avec 1 <= i <= 7 indice
pays, 2001 <= t <= 2005 indice année et où :
· Mi,t marge de bancarisation22
du pays i à l'année t ;
· Xi,t la matrice des variables
explicatives du pays i au temps t ;
· â coefficients de contribution
uniformes des variables explicatives ;
· ui constance individuelle
destinée à capter l'effet pays;
· ei,t erreur ou résidu
d'explication pour le pays i au temps t.
Cette formulation suppose d'une part un comportement
globalement uniforme des pays par rapport aux variables qui tient au fait
qu'ils appartiennent tous à une même union économique et
monétaire et d'autre part la présence d'effets individuels qui
sera prouvée par des tests de spécification.
Le modèle de panel (annexe 1) gère des
données à deux dimensions (individu, période). Nous avons
constitué un échantillon de 7 pays (N= 7). La
Guinée-Bissau est écartée pour des raisons
d'indisponibilité de certaines informations et pour le caractère
particulier de son secteur bancaire et financier (un seul établissement)
dans la période de l'étude. Les observations sont
étalées sur 5 années (T = 5): de 2001 à 2005. Cela
donne au total 35 observations. Le modèle est cylindré;
c'est-à-dire qu'il n'y a pas de donnée manquant pour un pays ou
pour une année.
3 Choix et définition des variables 3.1 Choix des
variables
Tenant compte des facteurs explicatifs potentiels
identifiés précédemment, nous avons choisi de tester la
contribution de plusieurs facteurs à la détermination de la
faible bancarisation. La liste des variables initiales figure en annexe 5.
Le choix définitif des variables a été
fait par la méthode dite de « régression pas à pas
» (Bourbonnais, 2003). Il s'agit d'une technique qui, à partir de
la variable exogène la plus fortement corrélée à la
variable endogène permet de construire progressivement un modèle
optimal en éliminant systématiquement les variables pour
lesquelles le t-student est inférieur au
22 Marge de bancarisation = 100% - taux de bancarisation
seuil pré-fixé.
3.2 Définition des variables
Plus que l'optimisation des résultats significatifs du
modèle, le choix des variables explicatives répond
prioritairement à une préoccupation économique. Chaque
variable doit apporter une contribution positive ou négative au
phénomène observé. Le tableau 4 ci-dessous retrace les
signes prévus. Une description plus détaillée des
variables est en annexe 6.
Tableau 4: Définition des variables
Type de variable
|
Variables
|
Libellé
|
Signe attendu
|
Explication
|
Variable à expliquer
|
|
m_banc
|
Marge de bancarisation
|
|
100% - taux de bancarisation
|
Variables explica- tives
|
Variable d'état
|
pib_hbt
|
Produit intérieur Brut par habitant
|
-
|
Plus il y a de création de richesse, plus il y a de
création de comptes et plus la marge diminue.
|
|
t_pgr_b
|
Taux de progression du nombre de banques
|
-
|
Plus il y a de nouvelles banques, plus il y a de
création de comptes et plus la marge diminue.
|
|
Volume de crédit bancaire
|
-
|
Plus le volume augmente, plus l'activité
économique est florissante, plus il y a de création
de comptes et plus la marge diminue.
|
|
Banque de petite taille
|
+
|
Du fait du manque d'économie d'échelle, les
coûts d'ouverture et de fermeture des comptes sont élevés
et découragent la création de compte. Ce qui entraîne un
accroissement de la marge de bancarisation..
|
|
v_crimf
|
Volume de microcrédit
|
-
|
Plus le volume de microcrédit augmente, plus les
revenus générés
par les activités économiques
financées sont importants
permettant la contitution d'une épargne
bancarisable.
|
|
4 Existence et nature des effets
individuels
4.1 Existence des effets individuels
Une fois les variables choisies, il est important de
vérifier l'existence effective des effets individuels dans le
modèle. Pour ce faire, nous utilisons la statistique F avec (N-1,
NT-N-K-1) degrés de liberté (annexe 3 au point 3).
Hypothèse et mode de décision
H0: ui = 0
Si (Prob>F) < (seuil = 5%) alors l'hypothèse H0 est
rejetée. L'introduction des effets individuels est nécessaire.
Résultat du test
Prob> F = 0,0000. Nous rejetons l'hypothèse H0.
Les effets individuels sont nécessaires pour capter
l'hétérogénéité des pays
étudiés.
4.2 Nature des effets individuels : fixes versus
aléatoires
Les effets individuels engendrés par notre
modèle peuvent être à effets fixes ou à effets
aléatoires (annexe 1). Pour avoir la précision, nous utilisons le
test de spécification de Hausman (annexe 3 au point 4)
Hypothèse et mode de décision
H0 : Pas de différence systématique dans les
coefficients;
Si (Prob > chi2 ) < (seuil = 5%) alors l'hypothèse
H0 est rejetée et les effets sont plutôt fixes. Résultat
du test de Hausman
chi2(7) = 19,13
Prob>chi2 = 0,001 8
L'hypothèse H0 est rejetée et le modèle est
à effets fixes.
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