La notion de réseau social fut d'abord
exploitée par l'anthropologue Barnes (1954) dans ses travaux au cours
des années 1950. Depuis, elle a été adoptée par des
chercheurs oeuvrant dans divers domaines. Récemment, elle a
été utilisée pour définir le support social fourni
aux individus vivant des situations difficiles. Les réseaux sociaux
désignent simplement les systèmes particuliers de liens unissant
des personnes
(Beausoleil et collaborateurs, 1988: 39). Les réseaux
sociaux forment donc une trame de base de la société et
constituent une voie importante d'intégration sociale. Plusieurs ont
ainsi choisi d'y avoir recours dans une foule de situations comme
l'intervention, la recherche de l'emploi ou la réinsertion sociale. Les
réseaux sont enfin des entités dont les frontières ne sont
jamais complètement délimitées; ils évoluent et
s'adaptent rapidement, et se rendent facilement indépendants des
institutions. Plusieurs auteurs ont démontré l'efficacité
des réseaux sociaux comme mode d'accès à l'emploi, comme
réponse au problème du chômage chez les jeunes. Pour
Vincent Lemieux (2000 : 18), les réseaux sociaux sont faits de liens,
généralement positifs, forts ou faibles, tels qu'il y a une
connexion directe ou indirecte de chacun des participants à chacun des
autres, permettant la mise en commun des ressources dans le milieu interne.
La plupart des thèses sur la théorie des liens
trouvent leur origine dans les travaux de Granovetter (1973) et
établissent simultanément les fondements théoriques de
modes de régulation informels comme les réseaux. Dans un article
The Strength of Weak Ties (1973, 1982), Granovetter distingue deux
sortes de liens : des liens forts et des liens faibles qui sont présents
dans la plupart des réseaux. Afin de pouvoir qualifier ces relations,
Granovetter (1973, 1982) classe les liens interpersonnels en fonction de leur
force. La force ou la faiblesse d'une relation s'évaluent à
partir de la durée de la relation, de l'intensité
émotionnelle, de l'intimité et finalement, des services
réciproques que se rendent les individus (1973: 1361). Des liens forts
prendront, par exemple, la forme de relations familiales ou de grandes
amitiés, tandis que des liens faibles se concrétiseront souvent
à travers des relations entre anciens collègues d'école ou
de travail. L'auteur arrive à la conclusion que plus le réseau
d'un individu est composé de gens avec lesquels il entretient des liens
forts et plus ce réseau a de chances de constituer un milieu clos. Les
liens faibles sont ceux qui peuvent jeter des ponts entre ces milieux. C'est
à travers eux que circulent les informations et que des individus
appartenant à des réseaux différents peuvent entrer en
contact. L'enquête de Granovetter (1973) démontre que ceux qui
obtiennent les meilleurs emplois sont ceux qui utilisent des contacts
professionnels plutôt que des liens familiaux ou d'amitié, des
liens faibles plutôt que des liens forts et des chaînes de
relations courtes.
Abordant la notion de recours aux réseaux sociaux pour
l'accès à l'emploi dans les pays en développement,
Bocquier et Fall (1992) font remarquer que si a priori, la compétence
détermine avant tout l'accès à l'emploi, la formation
scolaire est un critère d'embauche essentiel dans certaines entreprises,
en particulier dans le secteur public. Cependant, la mobilisation de la
main-d'oeuvre par les entreprises, mêmes modernes, s'insère de
fait dans un environnement relationnel, et on constate que le recours à
un tiers chez les diplômés n'est pas un phénomène
négligeable. Les auteurs de cette étude précisent que tout
d'abord la difficulté de l'accès à l'emploi pour les
jeunes générations s'est accompagnée d'un recours plus
systématique à la parenté ; ensuite, lorsqu'il y a recours
pour obtenir un emploi dans le secteur public, la personne ressource est plus
souvent un parent. Ainsi, les parents sont plus souvent sollicités
lorsque le service est difficile à rendre.
En effet, dans le contexte de raréfaction de l'offre
d'emploi pour les jeunes, il est de plus en plus difficile de trouver une
personne-ressource occupant une position privilégiée. Ainsi, le
champ des possibles se resserre et les diplômés sont maintenant
contraints de faire appel à des relations de plus en plus
variées. C'est pourquoi, dans un contexte de crise et de saturation des
filières d'embauche, les réseaux sociaux, du fait de leurs
caractéristiques à la fois informelle et transversale, sont
particulièrement mis à contribution pour l'accès à
l'emploi.
On a vu avec Bourdieu que l'origine sociale influence
l'insertion. En Afrique, ce sont les réseaux qui jouent ce rôle.
Cependant, il faut préciser que les réseaux sont divers (niveau
familial, amical et lointain) comme l'ont fait remarquer des auteurs comme
Bocquier et Fall (1992) ; Gérard, (1997).