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Devenir professionnel des diplômés du système universitaire guinéen : étude exploratoire à partir des diplômés de l'Université de Conakry

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par Mamadou Gando BARRY
Université de Montréal - Maîtrise en Sociologie 2003
  

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PREMIÈRE PARTIE : EMPLOI, CHÔMAGE ET INSERTION SOCIOPROFESSIONNELLE

La première partie de ce mémoire recense et expose la littérature sur l'insertion (chapitre I). La problématique de l'emploi, du chômage et de l'insertion socioprofessionnelle présentée de façon diachronique et en rapport avec des réalités territoriales multiples (Occident, Afrique et Guinée) et l'analyse conceptuelle sont exposées dans le chapitre II. Le contexte et le cadre de l'étude sont abordés dans le chapitre III. Enfin, le chapitre IV présente la démarche de recherche utilisée pour la collecte des données.

CHAPITRE I : L'INSERTION DANS LA LITTÉRATURE

Dans le domaine de la sociologie, l'insertion des diplômés se rattache à celui plus globale de la mobilité sociale. Les recherches qui ont pris pour base les sorties du système éducatif et l'emploi remontent au début des années 70. Elles ont été axées principalement sur :

· les trajectoires suivies par les sortants du système éducatif lors de leur entrée dans la vie active;

· leur insertion professionnelle;

· la relation formation/emploi.

Cette revue de la littérature se subdivise en deux sections qui correspondent grosso modo aux courants de la littérature sur la question. La première section porte sur le courant descriptif et la seconde sur les théories factorielles de l'insertion.

1.1 LE COURANT DESCRIPTIF

En France, les travaux du Centre d'études et de recherche sur les qualifications (CEREQ) réalisés depuis les années 70 font école à ce sujet, qu'il s'agisse des enquêtes d'insertion, des enquêtes de cheminement et des bilans formation/emploi (Teichler, 1989). Au Canada, on aura reconnu les enquêtes Statistiques Canada (Clark, Laing et Rechnitzer, 1986), et au Québec, les relances du Ministère de l'éducation et du Ministère de l'enseignement supérieur et de la science (Audet, 1991, 1993a, 1993b, 1994, Trottier, 1991), de même que celles d'établissements universitaires (Hamel et al., 1992; Sales et al., 1996).

En Afrique, la situation du chômage des diplômés de l'enseignement supérieur remonte à la décennie 1980-1990 avec une profonde crise économique et sociale. Tandis que les systèmes éducatifs des pays africains continuent à produire des diplômés dans des spécialités relativement saturées (Lachaud, 1994).

Dans le cas de la Guinée, on aurait pu espérer que l'accroissement du chômage génère une abondante littérature sur la question. Force est de constater que les recherches

sociologiques sur ce sujet sont rares. Les quelques études sur le sujet en Guinée, que nous avons pu consulter, sont essentiellement descriptives (N'DRI, 1993 ; PADES, 1997, 1998 ; Ministère de l'Économie et des Finances, 1996; The Economist Intelligence Unit, 1997-1998; Direction Nationale de la Statistique Guinée, 1996).

La plus volumineuse de ces études, en rapport avec l'emploi des diplômés du système universitaire, est celle portant sur l'efficacité externe des institutions d'enseignement supérieur. Cette étude avait pour cible les sortants des institutions d'enseignements supérieurs (IES) des 12 dernières années (1984-1996) qui ont précédé l'étude en question. C'est dans les années de sortie 1983-1984, 1984-1985 et 1985-1986 que se retrouve le plus fort contingent de répondants de cette étude, soit 36 %.

Au total, 1 139 sujets ont été interrogés, soit 1 026 hommes (90%) et 113 femmes (10%). Majoritairement, les répondants se retrouvent dans le groupe d'âge 26-30 ans, soit 61%, et 33% se retrouvent dans le groupe de 34 à 41 ans, les autres soit 6%, se retrouvent dans le groupe des 18 à 25 ans. Les auteurs de cette étude indiquent que 41% des répondants sont d'origine paysanne, 30% ont des pères fonctionnaires, 12% sont fils de commerçants et 17% déclarent avoir un père pratiquant une fonction libérale ou autre.

Au niveau des enseignements de cette étude, il faut signaler l'écart constaté entre la sortie de l'Université et la soutenance du mémoire2. Pour la majorité des répondants, il s'écoule plus d'une année avant d'accéder au premier emploi et 41% des répondants n'ont accédé au premier emploi que 24 mois après la soutenance. La participation à un stage semble (60% des répondants), pour les auteurs de cette étude, la voie royale pour obtenir un emploi même si certains (20%) ont accédé à un emploi par voie de concours.

Dans l'ensemble, les diplômés des institutions d'enseignement supérieur en situation de chômage ou pas, jugent assez positivement la formation. Cette appréciation de la formation reçue, les répondants la confirment en portant un regard positif sur la préparation des cours par les enseignants même si la majorité trouvait la pédagogie mise

en oeuvre peu dynamique et ennuyante. Toutefois, les répondants à 77% gardent un bon souvenir de leur séjour sur le campus.

Sur la question de la formation continue, les répondants font de la maîtrise de l'outil informatique (25%), de l'anglais (15%) et de l'économie (5%) des priorités. Cependant, la préférence des répondants semble être la poursuite des formations complémentaires et le changement de profil disciplinaire avec un score de 61%. Les auteurs de l'étude en arrivent, avec ces données, à estimer que la formation continue serait une avenue intéressante pour les institutions d'enseignement supérieur de Guinée en raison de la demande et des revenus qu'une telle formation pourrait générer.

Pour les employeurs, la formation des diplômés du système universitaire est satisfaisante. Ils sont, en revanche, plus critiques envers les diplômés de la gestion, des lettres, des polytechniques et des ingénieurs ruraux. En outre, les employeurs ont noté certaines faiblesses individuelles de leurs employés, notamment au plan de la rédaction française, de l'informatique, de la gestion des ressources humaines, du management, de la gestion d'unité de travail et autres.

A la suite de cette étude, le programme d'appui au développement de l'enseignement supérieur (PADES) en a financé une autre étude en 1998 portant exclusivement sur le chômage des diplômés des institutions d'enseignement supérieur. Dans cette étude, il ressort, par exemple, que la situation du marché de l'emploi en Guinée conduit plusieurs vagues de diplômés de l'enseignement supérieur à accepter des emplois et des rémunérations inférieures à leurs qualifications. Pour les auteurs de cette étude, les diplômés des quinze dernières années, lorsqu'ils trouvent un emploi, restent dans une situation précaire et reçoivent une rémunération nettement inférieure à celle des employés ayant un niveau de qualification amoindri, mais plus anciens dans l'entreprise. Cette situation suscite chez les diplômés un sentiment d'injustice et une exaspération croissante. Les diplômés sortis des institutions d'enseignement supérieur ces quinze dernières années ont le sentiment «d'appartenir> à une «génération abandonnée>. Les chances d'intégration à la fonction publique sont quasiment nulles. Les tentatives de création d'entreprise se heurtent à des obstacles financiers. Les banques exigeant

toujours 30% du capital de la part du promoteur n'arrivent pas à appuyer les jeunes diplômés.

L'étude du PADES sur l'évaluation de la situation des diplômés sans emploi (1998), suggère de façon générale que les causes du chômage des diplômés du système universitaire guinéen soient intra et extra. Les causes les plus citées, au niveau intra, sont les lacunes dans des disciplines majeures comme le français, la communication écrite (exposé des idées), l'anglais, l'informatique, l'insuffisance de la diversification des compétences, la sous-information des diplômés sur les réalités du marché du travail et la façon de l'aborder. A cela il faut ajouter le problème de l'orientation généralisante dans le système éducatif guinéen. Par exemple les diplômés ayant une formation en littérature, en histoire, ou en mathématiques, en physique, en chimie etc., se voient limités à des emplois d'enseignement. Au niveau extra, les contraintes sont l'interruption du recrutement dans la fonction publique et le faible nombre d'entreprises privées ou publiques offrant des emplois aux cadres supérieurs.

Évoquant les causes du chômage des diplômés du système universitaire guinéen, l'Agence Guinéenne pour la Promotion de l'Emploi (AGUIPE, 1999), fait remarquer que l'environnement socio-économique guinéen est caractérisé, d'une façon générale, par une détérioration du secteur de l'emploi; les possibilités de marché de l'emploi en matière d'insertion sont de plus en plus réduites.

L'étude de Barry (1997), indique que les diplômés sans emploi issus des institutions d'enseignement supérieur (IES) ont un âge compris entre 27 et 39 ans. Ce qui correspond à «l'âge critique» de l'intégration sociale et de l'insertion professionnelle. L'une des difficultés d'obtention d'emploi indiquée par cette étude reste liée au temps mis par les sortants des IES pour faire le mémoire de fin d'études supérieures. Le manque de moyens financiers suffisant pour financer leur recherche en est une des causes. Or, l'obtention du diplôme apparaît très souvent comme un préalable non moins important à l'acquisition d'un emploi. Aussi, cette étude révèle-t-elle qu'une fraction importante des répondants, qui résident tous à Conakry, était constituée de chômeurs de longue durée. En effet, 36 % d'entre eux avaient 5 ans et plus de chômage à compter de

la fin de leurs études. Tandis que pour 40 % de l'échantillon, la durée du chômage varie entre 1 et 4 ans.

Dans l'ensemble, l'interprétation théorique explicite de l'insertion des diplômés est pratiquement absente de ces études. Cependant, une lecture poussée de celle-ci permet de déceler en filigrane l'influence d'une théorie factorielle, c'est-à-dire des études qui cherchent à identifier des facteurs affectant l'insertion et donc la mobilité. Cette lecture de l'insertion s'inspire d'une tradition ancienne dans la littérature occidentale comme nous allons le voir dans les lignes qui suivent.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote