INTRODUCTION
Cette recherche exploratoire se situe dans le champ de la
sociologie de l'insertion et porte de manière précise sur
l'insertion professionnelle des diplômés sur le marché du
travail dans le contexte africain (guinéen). De nombreux auteurs
(Boudon, 1974 ; Vincens, 1984, 1986, 1996 ; Lachaud, 1986 ; Bocquier, 1996 ;
Dubar, 1996 ; Trottier, Diambomba et Perron, 1995 ; Fournier et Monette, 2000),
avant nous, se sont déjà intéressés à cette
question dans diverses sociétés et pour diverses
catégories sociales aussi bien en Occident que dans les pays du Sud.
Leur objectif était de comprendre les divers mécanismes d'ordre
social, économique, culturel et familial susceptible d'influencer des
individus lorsqu'ils sont dans une situation de recherche d'emploi. Le
présent mémoire s'inscrit dans la même trajectoire et
s'intéresse de façon particulière au processus d'insertion
des diplômés du système universitaire guinéen
à travers le cas des diplômés de l'Université de
Conakry qui est la plus ancienne et la plus grande institution d'enseignement
supérieur de la République de Guinée.
Nous avons retenu dans ce mémoire l'approche de type
interactionniste qui utilise à la fois l'acteur et le contexte pour bien
comprendre les phénomènes sociaux. L'analyse qualitative permet
dans notre cas, à partir d'entrevues effectuées auprès des
diplômés, d'analyser leur insertion et de connaître,
à travers leurs discours, les caractéristiques des
stratégies d'insertion professionnelle. Cette recherche exploratoire
auprès de 40 diplômés âgés entre 23 - 30 ans
nous a permis de comprendre ce qui pousse certains diplômés
à réaliser des formations complémentaires et des stages.
Nous montrerons à cet égard le rôle de ces derniers lors de
la recherche de l'emploi.
L'idée générale de cette étude est
que les types de formations complémentaires influencent les
stratégies individuelles d'insertion sur le marché du travail
guinéen. Cette étude a pour but de comprendre cette situation.
Soulignons que si les conditions d'entrée sur le
marché de travail sont devenues moins contraignantes dans les pays
développés, dans les pays en développement, il y a une
détérioration de la position entre les diplômés des
années 1970 et ceux de la décennie 1990- 2000. Cette situation
pousse un nombre grandissant de diplômés universitaires
à
entreprendre des formations complémentaires et des
stages d'insertion après celle de la formation universitaire initiale.
Ainsi, dans le contexte guinéen, les études sur l'insertion
professionnelle, et en particulier sur celle des diplômés du
système universitaire guinéen, sont rares. De surcroît, ces
études sont pour la plupart effectuées par des planificateurs et
rarement par des anthropologues ou des sociologues locaux. Ces études
sont aussi, le plus souvent, le fait de chercheurs étrangers.
Généralement, elles se présentent sous forme de travaux de
consultation pour le compte d'organismes internationaux ou encore d'ONG
étrangères oeuvrant dans le secteur de l'éducation. Aussi,
nombre d'entre elles sont réalisées de façon non
exhaustive selon une approche quantitative et visent, entre autres, à
établir une évaluation de l'efficacité des programmes mis
en place par des institutions internationales (Banque Mondiale, BIT) ou
nationales (PADES).
En effet, depuis 19861, la Guinée a connu
une hausse générale de la scolarisation à tous les
niveaux. Par exemple à l'Université de Conakry cadre de notre
étude, les effectifs sont passés de 2000 étudiants en 1986
à 9 722 en 1998 (SPS, 2000). Cette hausse des effectifs combinée
avec le changement de politique économique (restructurations et
liquidations des entreprises publiques du fait des exigences des programmes
d'ajustement structurels ; désengagement de l'État,
assainissement des finances publiques) a entraîné la suppression
de l'embauche automatique par l'État, et par conséquent, le
blocage du recrutement des jeunes diplômés. Ainsi, la garantie
d'un emploi à la fin des études ayant été abolie en
1985, des milliers de jeunes diplômés sont au chômage. En
exemple sur 75 000 demandeurs d'emplois du système éducatif
guinéen, 25 000 seraient titulaires d'un diplôme d'études
supérieures (Barry, 1999).
Par ailleurs, d'autres bouleversements survenus à
l'échelle internationale et au niveau national, méritent de
retenir notre attention, et ce, dans le but de situer certains enjeux
politiques et économiques récents. Parmi ces changements, nous
pouvons mentionner: la fin de l'idéologie socialiste dans les pays de
l'Afrique subsaharienne, la mise en oeuvre des programmes d'ajustement
structurel sous l'égide du Fonds monétaire international et de la
Banque mondiale en Guinée à partir de 1986, sans oublier
l'introduction des nouvelles technologies. Enfin, ajoutons à ce tableau
le passage de la Guinée d'un régime
socialiste (garantissant l'emploi à tous les
diplômés) à celui d'une économie de marché en
1984. Ces récents bouleversements ont eu d'énormes
conséquences dans tous les domaines. Par exemple l'embauche par
l'État des diplômés des institutions a cessé
d'être automatique. Dans le cas des diplômés universitaires,
ces changements ont exigé de leur part la recherche de l'emploi, des
formations complémentaires, des stages et une plus grande
mobilité. Ce qui les a amené quelquefois à accepter de
postes de travail précaires ou à développer plus de
polyvalence et de compétences dans d'autres secteurs (informatique,
anglais par exemple).
La présente recherche s'intéresse à
l'insertion des diplômés du système universitaire
guinéen, du pont de vue du rôle des réseaux de relations et
du rôle des formations complémentaires dans l'accès au
marché du travail guinéen. Pour atteindre ces objectifs,
l'étude exploratoire pose les hypothèses suivantes :
premièrement, l'origine sociale influence l'insertion des
diplômés; deuxièmement les réseaux de relations
jouent un rôle important dans l'accès aux emplois et le recours
à ces réseaux peut revêtir plusieurs formes;
troisièmement, le renforcement du diplôme universitaire par une
formation complémentaire (en informatique, en anglais ou en gestion par
exemple) ou par un stage augmente notablement les chances d'insertion
professionnelle. Pour vérifier ces hypothèses, le présent
mémoire privilégie une démarche de type qualitatif
à travers la recherche documentaire et l'entretien semi-directif.
Ce mémoire est structuré en deux parties : la
première porte sur l'emploi, le chômage et l'insertion
professionnelle; la seconde porte sur l'origine sociale, le rôle des
réseaux de relations et les formations complémentaires et leur
rôle dans l'insertion. Le chapitre I fait le bilan de la
littérature consacrée à l'insertion. On y fait notamment
une revue de quelques théories relatives au processus d'insertion
(singulièrement le courant descriptif et les théories
factorielles). Dans les théories factorielles, nous nous appuyons sur
l'école, la famille, les réseaux et les classes sociales. Le
chapitre II traite de la problématique de l'emploi en rapport avec
différents contextes géographiques (Occident, Afrique et
Guinée), de l'objectif principal, des hypothèses et de l'analyse
conceptuelle. Dans cette dernière sous-section, on y discute les
définitions des concepts centraux utiles au mémoire soit : le
marché du travail, le chômage et l'insertion
professionnelle. Le chapitre III présente le contexte
et le cadre de l'étude. Le chapitre IV expose la démarche de
recherche, on y décrit le choix du lieu de l'enquête, le choix des
diplômés et le déroulement de la recherche documentaire, la
phase d'entretiens et les problèmes que nous avons rencontrés, et
enfin nous expliquons les modes d'analyse.
La seconde partie du mémoire présente l'analyse
et l'interprétation des données recueillies auprès des
diplômés. Le chapitre V commence par un bref profil des
répondants tout en interrogeant le rôle de l'origine sociale. Dans
le chapitre VI, nous traitons tout d'abord du rôle des stages dans
l'obtention de l'emploi, puis du poids des relations sociales dans le contexte
guinéen. Le chapitre VII est consacré aux formations
complémentaires à leur rôle dans l'accès à
l'emploi des diplômés.
Il est fort intéressant de constater dans nos
entrevues, que seulement deux répondants ont obtenu un emploi
directement, alors que les autres ont souvent utilisé des réseaux
relationnels, des formations complémentaires, ou ont fait des stages
pour accéder à un emploi. C'est pour cette raison que notre
travail sur le processus d'insertion est focalisé sur les réseaux
de relations et les formations complémentaires après l'obtention
d'un diplôme à l'Université.
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