7.6 LE RÔLE DES FORMATIONS DANS L'ACCÈS
À L'EMPLOI
Sur la base des données colligées, les
répondants, qu'ils soient en emploi ou au chômage, indiquent le
rôle important des formations complémentaires dans l'accès
à l'emploi en Guinée. C'est pourquoi à la fin de leurs
études, ils se voient dans l'obligation de faire des formations
additionnelles pour accéder au marché de travail, du moins
prétendre accéder à ce dernier. Or, tous les
répondants ayant obtenu un emploi sans une longue période de
chômage, affirment que leur atout a été d'avoir suivi une
formation supplémentaire pendant le cursus universitaire comme
l'illustre l'extrait cidessous :
« Moi, l 'inform atique m 'a beaucoup aidé
pour le boulot que je cherchais. On chercha it quelqu 'un pour la saisie inform
atique des données des agences de la société qui m 'a
employé et comme à ce moment j 'avais fait l 'inform atique, j
'avais un diplôme, c 'était un atout pour moi. Ça m 'a
beaucoup aidé dans l 'obtention de mon emploi » (FSE30).
Selon les répondants, indépendamment de la
formation principale universitaire et des relations dont ils peuvent disposer,
sans les formations complémentaires, il serait très difficile,
voire impossible de décrocher un emploi dans le contexte actuel de la
Guinée. Il s'agit de la maîtrise de l'anglais (et du
français évidement), la maîtrise minimale de l'utilisation
des logiciels (traitement de texte, tableur, base de données etc.).
Cela dénote combien de fois ces formations ont un
rôle très important dans la recherche de l'emploi pour un
diplômé et d'ailleurs, le plus souvent quand il y a par exemple
des appels d'offre d'emploi, il est question que les diplômés
présentent des dossiers ayant trait à une autre formation qu'ils
ont faite ailleurs. C'est pourquoi, bon nombre d'étudiants
s'intéressent davantage à l'informatique, à l'anglais
comme c'est le cas
aujourd'hui en Guinée partout où on demande des
candidats, il y a ces deux compétences qui sont demandées
indépendamment de la formation universitaire.
Même les répondants qui n'ont pas encore
bénéficié des formations complémentaires pensent le
faire dès que possible dans la mesure où elles constituent une
alternative inévitable pour les diplômés en emploi ou en
quête du premier emploi comme le précise HLE1 5 : «
Pratiquement je n 'ai pas fait de formations complémentaires mais je
pense faire une, surtout, je mise précisément sur la
comptabilité-gestion car mon emploi actuel est lié aux finances
».
Dans une certaine me sure, les répondants s'accordent
à admettre que le manque de formations supplémentaires constitue
un frein dans l'accès à l'emploi notamment au niveau des ONG
présentes en Guinée. En effet, la plupart de ces ONG
privilégient dans leurs critères d'embauche la maîtrise de
l'anglais et/ou de l'informatique, d'où la nécessité de
faire ces formations comme l'explique l'extrait suivant:
« Le man que de maîtrise de l 'informatique, le
man que de maîtrise de la langue anglaise constitue un handicap pour moi.
Puisqu 'on est pas sans savoir que les produits scientifiques aujourd'hui sont
en anglais. Quand bien même chez nous ici (la Guinée) c 'est un
pays francophone, mais l 'apprentissage de l 'anglais peut conduire à
une réussite de 60% sur le marché de l 'emploi
particulièrement dans les ONG » (HLC 13).
En somme, il faut rappeler que si tous les répondants
s'accordent de façon générale sur le rôle des
formations complémentaires dans l'accès à l'emploi en
Guinée, cependant, dans leur majorité, ils focalisent leur
apprentissage sur l'informatique et l'anglais qui sont les plus
sollicités par les employeurs. Ce qui suppose que les
diplômés font ces formations en fonction de leurs objectifs de
recherche d'emploi.
L'interprétation des données relatives à
cette section permet de comprendre que les points de vue des interviewés
sont similaires au niveau des deux Facultés quant à la
nécessité des formations complémentaires afin de
s'insérer sur le marché de l'emploi. Ainsi, le fait d'avoir une
possibilité de faire une autre formation que la principale, donne des
chances d'insertion. Autant chez les répondants de la Faculté des
Lettres et Sciences Humaines que ceux de la Faculté des Sciences, on
s'accorde sur le fait que les
formations constituent une étape inévitable.
Nous l'avons dit plus haut la majorité des interviewés ont en
effet fait une formation complémentaire dans le but d'accroître
les possibilités d'accès à l'emploi.
Si on tente d'approfondir les démarches des
diplômés en ce qui concerne leurs formations et l'implication de
leurs réseaux relationnels dans celles-ci, on doit se
référer à l'ensemble des propos des diplômés
ayant fait une formation complémentaire. En premier lieu, on constate
que les diplômés, au cours des premiers mois de leur sortie,
gardent l'espoir de trouver un emploi. Ainsi, un diplômé va
commencer à s'intéresser davantage aux formations quand il va
rencontrer des difficultés (exigences de connaissances des langages de
base de l'informatique ou de l'anglais imposées par les employeurs) sur
le marché de travail. C'est en ce moment qu'il fait intervenir les
réseaux relationnels, en même temps il exploite son statut
d'appartenir à une famille à statut élevé.
Cependant, aujourd'hui, certains diplômés
prennent de plus en plus conscience de cette situation et n'attendent plus de
rencontrer des difficultés sur le marché du travail pour suivre
ces formations complémentaires. En exemple, les diplômés
sortis entre 1997 et 1999 ayant fait une formation complémentaire ne
représentaient que 10 %. Par contre, depuis 2000, quarante pour cent des
diplômés ont fait une formation complémentaire en
prévision des difficultés d'insertion sur le marché du
travail (SPS, 2000). Concernant cette attitude des diplômés dans
le processus permettant l'acquisition de la formation, nous donnons
différentes raisons sur ce comportement prévalant en
Guinée.
La période des tout premiers mois de la fin des
études est foncièrement une période d'angoisse. En fait,
le diplômé peut se voir le plus souvent refuser un emploi à
cause de son inexpérience de travail ou de son manque de maîtrise
de l'outil informatique. Par conséquent, il ne peut se prévaloir
d'une garantie d'emploi aussitôt après la sortie de
l'université. De plus, cette situation d'inquiétude met le
diplômé dans une position de faiblesse car il peut être
victime d'exploitation (sous-emploi, droits sociaux, etc.) : par exemple,
l'employeur peut exiger une reconversion ou un stage non payant pendant
plusieurs mois, voire des années. L'exemple le plus frappant en
Guinée c'est la Radio
Télévision Guinéenne, il y a des
diplômés qui ont fait déjà plus de deux ans de
stage, ils ne sont pas employés.
Les données recueillies au cours des entrevues montrent
qu'à l'Université de Conakry, dans le cas des
diplômés dont les parents n'ont pas les possibilités
financières, ils utilisent leur réseau relationnel (amis,
professeurs, cousins, tantes, oncles etc.) pour bénéficier des
formations complémentaires. Cette réalité du marché
de travail guinéen n'est pas unique en son genre. Si on se rapporte par
exemple aux écrits de Granovetter (1995) in "The Strength of
Weak Ties", cet auteur précise que, le plus souvent, l'accès au
marché de travail se passe beaucoup plus par des relations lointaines
que des relations issues directement des parents. Par contre les
répondants ne possédant pas un réseau relationnel ou non
issus d'une famille à statut élevé, ont deux
possibilités: la première consisterait à faire du
sous-emploi afin d'épargner et faire ses propres financements. La
deuxième quant à elle consisterait à renoncer aux
formations complémentaires, conduisant généralement
à un chômage chronique et/ou à l'exclusion du marché
de travail.
Par ailleurs, après l'étape transitoire de
trois, six ou neuf mois de formations supplémentaires, le
diplômé cherche véritablement à confirmer ses
compétences soit en informatique ou en anglais. En effet, c'est lorsque
le diplômé sait faire du traitement de texte, saisir et analyser
des données d'enquête que la plupart des employeurs songent
à l'embaucher. De plus, la maîtrise d'Access et/ou de l'anglais
fait l'objet d'une appréciation positive de la part des employeurs qui
privilégient la gestion des bases de données et la
compréhension de l'anglais.
Pour saisir cette situation, on doit dire que les entreprises
guinéennes disposent de très rares analystes programmeurs. Ce qui
explique en partie leur exigence de la connaissance des logiciels de gestion de
bases de données. L'apprentissage de l'informatique et de l'anglais est
donc une démarche importante pour le diplômé car
l'acquisition de compétences entraîne des modifications
importantes dans sa vie d'insertion professionnelle.
Cette situation présente en Guinée existe aussi
dans d'autres pays comme le Canada où l'étude
réalisée par Audet (1995 : 484) dans "Relance de
l'Université de Montréal" montre que l'informatique occupe une
place de choix car, d'après cette étude, les
diplômés de la filière informatique, après 12
semaines de leur sortie ont une insertion de 100%. Cependant, il faut nuancer,
qu'il s'agit ici des spécialistes de l'informatique, tandis qu'en
Guinée il s'agit d'apprentissage de logiciels de base. Une autre
étude réalisée par Piché et Ouédraogo (1995)
au Mali, et au Sénégal confirme nos recherches faites en
Guinée en montrant que, de manière globale, la maîtrise de
l'informatique comme formation complémentaire constitue un atout
d'insertion sur le marché de l'emploi.
En Guinée, les employeurs potentiels valorisent
également d'autres formations (comptabilité-gestion, la recherche
à partir du Net) lorsqu'il s'agit d'un domaine en rapport avec leurs
entreprises. Toutefois, leurs points de vue divergent par rapport à
internet. En effet, chez certains employeurs, la maîtrise d'Internet est
une manière d'intégrer à long terme leurs activités
à la mondialisation de l'information. Pour d'autres, une telle formation
n'a rien à voir avec leurs entreprises.
Un autre point non moins important à souligner, c'est
l'écart constaté entre la sortie de l'Université et la
soutenance du mémoire. En fait, sans le diplôme, pas de
possibilité de postuler à un emploi donc l'étudiant reste
dans le chômage. Même après la soutenance de son
mémoire, le diplômé est confronté à des
lenteurs administratives pour l'acquisition de celui-ci. Ensuite, pour ces
répondants, ils préfèrent se consacrer à des
"stages pratiques" dans des entreprises afin d'obtenir une certaine
expérience professionnelle. Cette «fameuse» expérience
est régulièrement mise en avant dans les offres d'emploi.
Globalement dans cette partie consacrée à la
présentation et l'interprétation des données, nous avons
montré que les hypothèses de notre recherche se vérifient
par rapport au rôle des formations complémentaires et au poids des
réseaux de relation dans l'accès à l'emploi en
Guinée. Par contre, à propos de l'origine sociale, les
résultats de nos données montrent qu'elle a peu d'effet
observable après l'entrée à l'Université.
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