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Fonds de garantie, quelle cohérence ?

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par Kuitche Takoudoum Florent et Hermine Kugler
Université de Nice Sophia Antipolis - Master II recherche droit économique des affaires 2007
  

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SECTION II : fonds de garantie : personne morale de droit public ou de droit privé ?

La nature juridique de la fonction accomplie par les fonds de garantie regorge un certain intérêt. Les fonds sont en effet dotés de la personnalité morale et doivent en principe trouver leur place dans la summa divisio qui distingue entre personne morale de droit public et organisme de droit privé11(*). Cette recherche n'a rien de théorique, car les intérêts à distinguer l'une de l'autre sont nombreux12(*).

Ainsi les voies d'exécutions13(*) sont inapplicables aux personnes morales de droit public auxquelles la loi du 25 janvier 1985 sur le redressement et la liquidation judiciaires ne s'applique pas14(*). De plus les agents des organismes publics ont la qualité d'agents publics et les décisions prises par les personnes morales de droit public sont des décisions administratives. Dans l'un et l'autre cas, le contentieux relève de la compétence du juge administratif. Enfin, l'exercice de recours subrogatoires ou d'actions récursoires s'effectuent selon des modalités qui varient en fonction de la qualité de leur auteur15(*). Bien entendu, ces règles spécifiques ne s'appliquent pas aux personnes morales de droit privé.

Certes le législateur, s'il a bien précisé un certain nombre de points, a omis de prendre position sur cette difficulté essentielle de leur nature juridique, ce qui laisse l'interprète dans l'incertitude quant aux règles à adopter dans le silence des textes. En réalité, la détermination de la nature juridique des fonds peut laisser perplexe tant les critères utilisables s'avèrent fluctuants. Certains auteurs optent alors pour une qualification suis généris 16(*)des fonds ou bien encore, s'intéressent à la solidarité comme fondement de ces mécanismes de réparation, ou, enfin, caractérisent leur mission sans prendre position sur leur nature. Cependant, la doctrine réfute ou adopte le caractère public ou privé des fonds.

Les auteurs favorables au caractère privé des fonds procèdent bien souvent d'une astuce. C'est l'assimilation de ces organismes à des institutions existantes qui leur permet d'en déduire la nature juridique. Ainsi le fonds de garantie contre les accidents de la circulation et de chasse a-t-il été assimilé à une caution qui s'engage envers un créancier à payer la dette de son débiteur au cas où celui-ci n'y satisferait pas lui-même. Le fonds cautionnerait ainsi la dette indemnitaire du responsable vis-à-vis17(*) de la victime et il conviendrait de lui appliquer les dispositions du code civil qui régissent ce contrat. Cette qualification, qui intègre le fonds de garantie parmi les personnes morales de droit privé, avait eu un précédent avec le fonds de garantie des accidents de travail, créé par la loi du 9 avril 1898, qui garantissait le paiement aux salariés victimes d'un accident du travail, des indemnités dues par l'employeur en cas de défaillance de ce dernier. Les auteurs et la jurisprudence appréhendaient ce mécanisme comme une caution bien qu'il n'ait jamais acquis la personnalité morale et constituait un simple compte géré par la caisse des dépôts et consignation18(*).

Cette assimilation du fonds à une caution a été justement critiquée, car le cautionnement, qu'il soit conventionnel, légal ou judiciaire, est avant toute chose un contrat qui suppose, pour exister qu'un accord de volonté existe entre les parties contractantes, le droit positif ignorant la notion de cautionnement légal stricto sensu19(*). Or le fonds de garantie n'intervient pas en vertu d'un accord conclu avec la victime, mais par la volonté de la loi qui met à sa charge une obligation qui ne correspond pas toujours à celle de responsable et qui, dans une certaine mesure lui est propre20(*). Ces arguments sont transposables aux autres fonds qui ne peuvent pas d'avantage être assimilés à des cautions, faute de volonté de s'engager de leur part.

De même, assimiler le fonds à un assureur ne paraît pas d'avantage pertinent21(*). En effet, l'assureur est tenu vis-à-vis de son assuré, en vertu d'un contrat dont les stipulations peuvent être adaptées aux besoins de celui-ci alors que l'intervention des fonds est commandée par la loi selon des règles impératives. Par ailleurs, l'assureur verse une indemnité en cas de sinistre, en contrepartie du paiement d'une prime. Or cette corrélation n'existe pas en ce qui concerne les fonds, d'une part parce que la participation des responsables au financement des fonds reste minime. Quant à l'obligation de couverture de l'assureur, celle-ci est interprétée extensivement par la jurisprudence alors que les obligations de fonds sont entendues restrictivement22(*). De même, l'assureur qui ne garantit pas les conséquences de la faute intentionnelle, contrairement à certains fonds, supporte une obligation principale, mais jamais subsidiaire23(*). En fait la dette de l'assureur correspond en tout point à celle de l'assuré alors que l'engagement des fonds leur est propre en grande partie. En fin l'assureur de responsabilité ne dispose d'aucun recours contre son assuré alors que les fonds jouissent systématiquement de la subrogation dans les droits des victimes contre les responsables.

Un rapprochement avec la sécurité sociale dont les organismes locaux sont des personnes morales de droit privé chargés d'une mission de service public est à proscrire, car l'affilié social est remboursé en tant que cotisant alors que les victimes sont indemnisées en tant que telles par les fonds. De plus l'intervention du fonds de garantie contre les accidents de la circulation et de chasse par exemple suppose établie la responsabilité de l'auteur connu ou inconnu alors qu' en matière de protection sociale, une telle condition n'est pas requise. En désespoir de cause, les auteurs se bornent finalement à qualifier les fonds d'organismes de droit privé chargés d'une mission de service public.

Quant aux auteurs favorables au caractère public du fonds de garantie, ils sont nombreux. Ainsi, une partie importante de la doctrine présente les mécanismes de violence ou de la contamination par le VIH comme les régimes particuliers de la responsabilité de la puissance publique24(*). Il faut noter que c'est cette conception de la chose qui semble l'emporter sur le reste. On est de plus en plus convaincu au sein de la doctrine de la qualification de personne morale de droit public. Néanmoins, cette option laisse en réserve la qualification juridique exacte des organismes gestionnaires. Seul, semble-t-il un auteur a proposé de retenir à propos du fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme, celle d'établissement public administratif, en vertu des critères traditionnels utilisés par la jurisprudence pour distinguer ces organismes des personnes morales de droit privé25(*).

Somme toute, la difficulté de construire une définition générale englobant tous les fonds de garantie, ajouté aux débats incessants sur le caractère public ou privé de cette institution, nous prouve que la notion de fonds de garantie demeure encore une notion aux contours flous. Ce n'est pas la constellation de régimes juridiques en la matière qui viendra battre en brèche se constat.

* 11. V. à propos du fonds d'indemnisation des transfusés et hémophile contaminés par le Sida, PONTIER (J-M), «  L'indemnisation des victimes contaminées par le virus du Sida », Act lég. Dalloz, 1992, Comm. Légis. p. 35 s ; spéc. p. 41.

* 12. V. CHAPUS (R), Droit administratif général, t. 1, 7e éd., Paris Montchrestien, 1993 ; n° 155, p. 123 s.

* 13. V. à ce propos, VINCENT (J) et PREVAULT, Voies d'exécution, 17e éd. ; Paris, Montchrestien, 1993, n° 169, p. 133 et s.

* 14. Paris 15 février 1991, Act. Jur. Dr. Adm. 1991, p. 568, note BROUSSOLE (D), Rev. Fr. DR. Adm. 1991.

* 15. DE FORGES (J.M), « Sida : responsabilité et indemnisation des préjudices résultant de contamination par transfusion sanguine »,  rev. Trim. Dr. San. Soc. 1992, p. 555 s., spéc. p. 568 s.

* 16BIGOT (J) et autres, traité de droit des assurances, entreprises et organismes d'assurance, 2e éd. Paris, LGDJ, 1996, n° 354, p. 237. (Caractère suis generis du fonds de garantie contre les accidents de circulation et de chasse) ; RENOUX (TH), «  l'indemnisation des victimes d'acte de terrorisme », Rev. fr. Dr. Adm. 1987, p. 909 (solidarité). GROUTEL (H), notes sous Cass. Civ. 2e, 2 février et 10 mars 1977, D. 1977, p. 523.

* 17. V. en doctrine, FORTIN-TUNC (S), Les fonds de garantie en matière d'accident automobile, Thèse droit paris 1943, paris, Jouve, 1943 n° 226 et s. p ; 148 s. ; PICART (M), «  les fonds de garantie pour les victimes d'accidents automobiles, D. 1952, chron. P.97.

* 18. ARGENCE (V.P), « Les fonds de garantie des accidents de travail », Rev. Gén. Ass. Terr. 1993, p. 52 ; Req. 23 avr. 1909, S. 1912. 1. 156.

* 19. SIMLER (P.H), Cautionnement et garanties autonomes, 2e éd., Paris, Litec, 1991, n° 66 et s. P. 61 et s.

* 20. CASSON (P), Les fonds de garantie, accidents de la circulation et de chasse, infractions pénales, actes de terrorisme et contamination par le VIH. Thèse paris I, 1999, n° 2002, p ; 196.

* 21. LAMBERT-FAIVRE (Y), « le sinistre en assurance de responsabilité et la garantie de l'indemnisation des victimes », Rev. Gén. Ass. Terr. 1987, p. 193, spéc. p. 222 s.

* 22 . V. par exemple, Cass. Civ 2e, 22 avril 1992, Bull. civ. II, n°131, p. 64 (en matière d'infractions pénales).

* 23. Dans ce sens, MALAURIE (P) et AYNES, Droit civil, les obligations, 4e éd., Paris, Cujas, 1993, n° 256, p. 145.

* 24. MAESTRE (J.C), « Un nouveau cas de responsabilité publique : l'indemnisation de certaines victimes de dommages corporels résultant d'une infraction », D. 1977, chron. P. 145 ; DE LAUBADERE (A), « Indemnisation par l'Etat de dommages corporels résultant d'une infraction pénale », Act. Jur. Dr. Adm.1977, p. 306. VEDEL (G) et DEVOLVE (P), Droit administratif, 1, 12e éd. ; paris, PUF 1992, p. 599 s.

* 25. QUEYROL (F), «  le financement du fonds de garantie », Rev fr. de dr. Adm. 1977, p. 336.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci