II. La délinquance juvénile :
côtéjuvénile:
Le fait qu'une telle ou telle catégorie d'acte
anti-sociale est commise par une telle ou telle catégorie d'auteur, nous
oblige de s'arrêter un moment pour observer la variation de ces actes
selon divers variables.
A. Variation selon la tranche d'age:
L'analyse de la délinquance par rapport à
l'âge des délinquants nous amène inévitablement
à aborder le problème de la majorité pénale,
à comparer les délinquances juvénile et adulte et de
rechercher des éléments qui pourraient les différencier ou
les apparenter.
Avant de foncer sur l'analyse de la délinquance
juvénile par rapport à l'âge, il serait nécessaire
de représenter certaines statistiques sur le sujet:
AGES
|
|
1975
|
1976
|
1977
|
1978
|
1979
|
1980
|
1981
|
1982
|
1983
|
1984
|
- de 15 ans
|
H
|
19
|
4
|
5
|
9
|
4
|
8
|
9
|
9
|
14
|
5
|
|
F
|
2
|
2
|
-
|
1
|
-
|
0
|
-
|
2
|
3
|
-
|
15-19 ans
|
H
|
792
|
758
|
947
|
1010
|
869
|
987
|
1062
|
959
|
1047
|
1120
|
|
F
|
51
|
50
|
41
|
72
|
47
|
58
|
85
|
62
|
78
|
54
|
20 à 24 ans
|
H
|
2361
|
2408
|
2417
|
2806
|
2485
|
2799
|
2911
|
3101
|
3096
|
3497
|
|
F
|
75
|
71
|
92
|
122
|
74
|
115
|
150
|
146
|
135
|
139
|
|
Effectif moyen des condamnations selon l'age et le sexe entre
1975 et 1984.
Le grand écart constaté entre le nombre des
prévenus et condamnés âgés de moins de 15 ans,
reflète d'une part l'indulgence des juges qui ne condamnent pas
systématiquement ces enfants à une peine privative de
liberté et d'autre part certains abus de la détention provisoire
au delà de 4 mois.
Ces chiffres, relevés périodiquement au 31
décembre de chaque année et qui sont sujets à des
variations fréquents et rapides ne peuvent pas, vu leur faible
pourcentage dans la population pénale fournir une information
exploitable. Aussi, les autorités compétentes se contentent de
les reproduire à titre d'illustration sans en faire d'analyse qui serait
d'ailleurs fragile dans son fondement.
B. Variation selon le sexe:
Lorsqu'on étudie la population totale d'un pays en
situation normale, on constate toujours une égalité en nombre des
hommes et des femmes, ces dernières ayant tendance à
représenter une très courte majorité. Cependant, ce sont
les hommes qui peuplent les box des accusés ou les cellules des prisons
! La population pénale féminine ne dépasse jamais dans le
pire des cas 10 % de la population pénale.
Ce déséquilibre qui ne trouve pas sa
causalité dans la démographie ne peut pas non plus trouver son
explication dans les dispositions des lois pénales qui ne font point de
différence entre l'homme et la femme quant à la poursuite et
à la répression de la criminalité.
La constatation de cette quasi exclusivité masculine de
la criminalité légale et apparente ne date pas d'aujourd'hui.
Déjà en 1896, Louis BERTILLON estimait que la
criminalité féminine était sept fois
moins forte que son homologue masculin. Les écarts varient selon les
époques, les pays ou les catégories sociales, mais dans tous les
cas, cette disproportion constitue l'une des observations les plus constantes
qu'en ait pu faire sur la criminalité.
On a pu penser que la constitution physique de la femme lui
interdisait certaines infractions faisant appel à la violence et que son
activité délictueuse s'en trouvait réduite. Certains
criminologues n'ont pas hésité à avancer l'idée que
le déroulement des grossesses contribuait à réduire le
temps matériel qu'elle pourrait consacrer à la
délinquance!
Or, s'il est vérifiable que la femme ne participe que
faiblement dans toutes les manifestations délictueuses
génératrices de violence. Aucune corrélation statistique
ni aucune observation scientifique ne sont venues établir que sa
constitution physique en était la cause.
Toujours pour expliquer ce phénomène, on a
également avancé l'idée que le statut social longtemps
réservé à la femme, constituait un obstacle à la
criminalité. Le fait de sa faible participation à la vie sociale
conduisait à lui éviter de multiples contacts
générateurs de délinquance, auxquels l'homme se trouvait
exposé.
Longtemps considérée comme pertinente, cette
observation se trouve aujourd'hui battue en brèche. Si la femme
participe de plus en plus à la vie active dans tous les domaines
réservés jadis, aux hommes, et malgré la conquête
par les femmes d'un égal accès aux différentes
professions, la proportion féminine dans la délinquance connue
n'a pas varié en conséquence. La percée foudroyante de la
femme dans la vie active Marocaine a démenti tous les pronostics, comme
celle, bien avant elle, de la femme Européenne n'a pas modifié la
carte sexo-criminelle.
Mais, si le statut social, la loi ou la constitution physique
n'expliquent pas cette disproportion, il faut en chercher l'explication
ailleurs.
Une première observation nous amène à
constater que les femmes condamnées définitives,
représentent le tiers de l'ensemble des femmes détenues, alors
que cette proportion est de 50% chez les hommes.
Les juges seraient peut être plus indulgents envers les
femmes en égard à une certaine image, faite de la femme dans le
subconscient collectif? Ou bien les femmes, habiles criminelles, parviennent
à semer le doute sur leur culpabilité devant les cours?
Loin d'être à l'abri de la délinquance, la
femme en représenterait souvent un personnage décisif, mais
discret. Sa criminalité ne serait pas moins dangereuse que celle de
l'homme, mais plus difficile à découvrir et de ce fait
contribuerait à grossir le chiffre noir de la délinquance
inconnue!
Cependant, la criminalité féminine
présente des caractères particuliers qui témoignent
à la fois des servitudes de son sexe et du milieu social dans lequel
elle évolue.
Certaines infractions lui appartiennent presque en
exclusivité telles que l'infanticide, l'avortement ou la prostitution.
Mais de telles infractions témoignent souvent moins d'une
criminalité spécifique que des limites que les moeurs dominantes
et la législation pénale réservent à la
liberté sexuelle de la femme, et si elles sont toujours
réprimées au Maroc, elles ne le sont plus dans plusieurs pays
où la prostitution est reconnue comme profession légale et
où l'interruption volontaire de grossesse est reconnue comme un droit
inaliénable de la femme enceinte.
Indépendamment de ces "infractions" aussi
caractérisées, la délinquance féminine a ses
préférences car "il n'était pas nécessaire
d'expliquer que ce sont presque exclusivement les femmes qui volent dans les
grands magasins"35.
76%
24%
Taux de criminalité selon le sexe (1998)36.
C. Variation selon la classe sociale:
Nul ne peut exclure la situation sociale des variables qui
"manipulent" du près ou de loin les actes anti-sociaux.
1. de point de vue social:
Les contrastes offerts par les grandes villes entre
l'étalage de la richesse des uns et la misère noire vécue
par les autres constitue une incitation permanente à la
délinquance, de même que les ghettos que constituent certains
quartiers périphériques dissuadent les policiers de s'y aventurer
isolement d'où un sentiment de sécurité et
d'impunité des délinquants qui y habitent et qui s'y retranchent
une fois leur infraction accompli. A ce stade, il faut souligner que tous les
rapports de police signalent un fait insolite: Les voleurs résidant dans
ces quartiers n'y opèrent jamais!
2. De point de vue économique:
Il faut entendre l'économie dans le sens large du terme
qui englobe toutes relations économiques et non seulement
l'économie dans son aspect limité à la production et
l'échange économique.
Une enquête relève que c'est dans les groupes les
plus faibles du point de vue socio-économique, que le risque de
délinquance systématisée est plus élevé.
L'accroissement du nombre d'infractions sexuelles chez les
jeunes, traduit un retard de maturité affective à un âge
où les intéressés ont atteint la maturité physique.
Ce décalage peut s'expliquer par plusieurs facteurs dont les principaux
sont l'insuffisance ou le relâchement de l'éducation qui leur est
donnée. Ainsi, le jeune délinquant, déjà
considéré par la société et ses institutions comme
adulte et responsable, continue lui de raisonner et de se comporter en
enfant.
L'observation permet d'avancer que tous les enfants ne sont
pas exposés aux risques de déviance au même degré.
Le risque est, en effet plus élevé dans certaines
catégories sociales que dans les autres. Les familles pauvres, les
sous-prolétaires, les foyers désunis où les couples
divorcés présentent une forte réceptivité aux
risques de
35 Henri JOPY, "le Crime", Editions « LE CERF» Paris
1888.
36 Journal statistique des établissements de sauvegarde de
l'enfance; Edition 1998.
délinquance. Les adultes confrontés au dur
combat de la survie, obligés de travailler de longues journées
rémunérées souvent et au meilleur des cas au SMIG, n'ont
nile temps ni les moyens matériels d'assurer une éducation
convenable à leur progéniture. Les enfants sont abandonnés
pendant toute la journée à eux mêmes, dans un univers qui
leur est extrêmement défavorable et qui dépasse leur petit
d iscernement.
Les enfants issus des familles aisées, riches ou
moyennes sont moins exposés à la délinquance. Ils sont
suivis par "papa" ou par "maman" qui est instruite. Ils sont continuellement
pris en charge par l'un de leurs aînés, guidés,
conseillés, assistés, orientés, suivis et remis
constamment sur la bonne voie. Ils ne connaissent par la privation et surtout
ils sont à l'abri de la tentation délictuelle par la satisfaction
de leurs besoins réels et même superflus.
Un autre courrant, soutenant une idée, publie dans une
étude sur la population pénale au 31 Décembre 1972, que
l'Administration pénitentiaire fait sienne cette thèse en
affirmant que "l'hypothèse selon laquelle la criminalité
marocaine serait essentiellement de nature économique, en raison
parait-il du niveau de vie moyen de la population marocaine, ne semble pas se
confirmer". Les rédacteurs de cette étude avancent une
explication de la délinquance, selon laquelle "en regard du facteur
économique notamment, chaque individu réagit diversement et selon
sa personnalité propre". La situation économique d'un individu ne
saurait être appréciée objectivement car "La
pauvreté et la misère n'existent pas comme réalité
objective" et en conséquence "elles ne peuvent constituer un
critère de référence en matière criminelle".
Mais, suivant la généralité, on peut dire
sans grand risque d'erreur que dans une large mesure, la criminalité est
un sous produit résiduel du système économique d'un pays
donné.
|