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La délinquance juvénile: comparaison et synthèse

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par Taoufik Bouyablane
Université Hassane II - Mohammadia - Maroc - Licence en droit privé 2006
  

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II. La délinquance juvénile : côtéjuvénile:

Le fait qu'une telle ou telle catégorie d'acte anti-sociale est commise par une telle ou telle catégorie d'auteur, nous oblige de s'arrêter un moment pour observer la variation de ces actes selon divers variables.

A. Variation selon la tranche d'age:

L'analyse de la délinquance par rapport à l'âge des délinquants nous amène inévitablement à aborder le problème de la majorité pénale, à comparer les délinquances juvénile et adulte et de rechercher des éléments qui pourraient les différencier ou les apparenter.

Avant de foncer sur l'analyse de la délinquance juvénile par rapport à l'âge, il serait nécessaire de représenter certaines statistiques sur le sujet:

AGES

 

1975

1976

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

- de 15 ans

H

19

4

5

9

4

8

9

9

14

5

 

F

2

2

-

1

-

0

-

2

3

-

15-19 ans

H

792

758

947

1010

869

987

1062

959

1047

1120

 

F

51

50

41

72

47

58

85

62

78

54

20 à 24 ans

H

2361

2408

2417

2806

2485

2799

2911

3101

3096

3497

 

F

75

71

92

122

74

115

150

146

135

139

 

Effectif moyen des condamnations selon l'age et le sexe entre 1975 et 1984.

Le grand écart constaté entre le nombre des prévenus et condamnés âgés de moins de 15 ans, reflète d'une part l'indulgence des juges qui ne condamnent pas systématiquement ces enfants à une peine privative de liberté et d'autre part certains abus de la détention provisoire au delà de 4 mois.

Ces chiffres, relevés périodiquement au 31 décembre de chaque année et qui sont sujets à des variations fréquents et rapides ne peuvent pas, vu leur faible pourcentage dans la population pénale fournir une information exploitable. Aussi, les autorités compétentes se contentent de les reproduire à titre d'illustration sans en faire d'analyse qui serait d'ailleurs fragile dans son fondement.

B. Variation selon le sexe:

Lorsqu'on étudie la population totale d'un pays en situation normale, on constate toujours une égalité en nombre des hommes et des femmes, ces dernières ayant tendance à représenter une très courte majorité. Cependant, ce sont les hommes qui peuplent les box des accusés ou les cellules des prisons ! La population pénale féminine ne dépasse jamais dans le pire des cas 10 % de la population pénale.

Ce déséquilibre qui ne trouve pas sa causalité dans la démographie ne peut pas non plus trouver son explication dans les dispositions des lois pénales qui ne font point de différence entre l'homme et la femme quant à la poursuite et à la répression de la criminalité.

La constatation de cette quasi exclusivité masculine de la criminalité légale et apparente ne date pas d'aujourd'hui. Déjà en 1896, Louis BERTILLON estimait que la

criminalité féminine était sept fois moins forte que son homologue masculin. Les écarts varient selon les époques, les pays ou les catégories sociales, mais dans tous les cas, cette disproportion constitue l'une des observations les plus constantes qu'en ait pu faire sur la criminalité.

On a pu penser que la constitution physique de la femme lui interdisait certaines infractions faisant appel à la violence et que son activité délictueuse s'en trouvait réduite. Certains criminologues n'ont pas hésité à avancer l'idée que le déroulement des grossesses contribuait à réduire le temps matériel qu'elle pourrait consacrer à la délinquance!

Or, s'il est vérifiable que la femme ne participe que faiblement dans toutes les manifestations délictueuses génératrices de violence. Aucune corrélation statistique ni aucune observation scientifique ne sont venues établir que sa constitution physique en était la cause.

Toujours pour expliquer ce phénomène, on a également avancé l'idée que le statut social longtemps réservé à la femme, constituait un obstacle à la criminalité. Le fait de sa faible participation à la vie sociale conduisait à lui éviter de multiples contacts générateurs de délinquance, auxquels l'homme se trouvait exposé.

Longtemps considérée comme pertinente, cette observation se trouve aujourd'hui battue en brèche. Si la femme participe de plus en plus à la vie active dans tous les domaines réservés jadis, aux hommes, et malgré la conquête par les femmes d'un égal accès aux différentes professions, la proportion féminine dans la délinquance connue n'a pas varié en conséquence. La percée foudroyante de la femme dans la vie active Marocaine a démenti tous les pronostics, comme celle, bien avant elle, de la femme Européenne n'a pas modifié la carte sexo-criminelle.

Mais, si le statut social, la loi ou la constitution physique n'expliquent pas cette disproportion, il faut en chercher l'explication ailleurs.

Une première observation nous amène à constater que les femmes condamnées définitives, représentent le tiers de l'ensemble des femmes détenues, alors que cette proportion est de 50% chez les hommes.

Les juges seraient peut être plus indulgents envers les femmes en égard à une certaine image, faite de la femme dans le subconscient collectif? Ou bien les femmes, habiles criminelles, parviennent à semer le doute sur leur culpabilité devant les cours?

Loin d'être à l'abri de la délinquance, la femme en représenterait souvent un personnage décisif, mais discret. Sa criminalité ne serait pas moins dangereuse que celle de l'homme, mais plus difficile à découvrir et de ce fait contribuerait à grossir le chiffre noir de la délinquance inconnue!

Cependant, la criminalité féminine présente des caractères particuliers qui témoignent à la fois des servitudes de son sexe et du milieu social dans lequel elle évolue.

Certaines infractions lui appartiennent presque en exclusivité telles que l'infanticide, l'avortement ou la prostitution. Mais de telles infractions témoignent souvent moins d'une criminalité spécifique que des limites que les moeurs dominantes et la législation pénale réservent à la liberté sexuelle de la femme, et si elles sont toujours réprimées au Maroc, elles ne le sont plus dans plusieurs pays où la prostitution est reconnue comme profession légale et où l'interruption volontaire de grossesse est reconnue comme un droit inaliénable de la femme enceinte.

Indépendamment de ces "infractions" aussi caractérisées, la délinquance féminine a ses préférences car "il n'était pas nécessaire d'expliquer que ce sont presque exclusivement les femmes qui volent dans les grands magasins"35.

76%

24%

Taux de criminalité selon le sexe (1998)36.

C. Variation selon la classe sociale:

Nul ne peut exclure la situation sociale des variables qui "manipulent" du près ou de loin les actes anti-sociaux.

1. de point de vue social:

Les contrastes offerts par les grandes villes entre l'étalage de la richesse des uns et la misère noire vécue par les autres constitue une incitation permanente à la délinquance, de même que les ghettos que constituent certains quartiers périphériques dissuadent les policiers de s'y aventurer isolement d'où un sentiment de sécurité et d'impunité des délinquants qui y habitent et qui s'y retranchent une fois leur infraction accompli. A ce stade, il faut souligner que tous les rapports de police signalent un fait insolite: Les voleurs résidant dans ces quartiers n'y opèrent jamais!

2. De point de vue économique:

Il faut entendre l'économie dans le sens large du terme qui englobe toutes relations économiques et non seulement l'économie dans son aspect limité à la production et l'échange économique.

Une enquête relève que c'est dans les groupes les plus faibles du point de vue socio-économique, que le risque de délinquance systématisée est plus élevé.

L'accroissement du nombre d'infractions sexuelles chez les jeunes, traduit un retard de maturité affective à un âge où les intéressés ont atteint la maturité physique. Ce décalage peut s'expliquer par plusieurs facteurs dont les principaux sont l'insuffisance ou le relâchement de l'éducation qui leur est donnée. Ainsi, le jeune délinquant, déjà considéré par la société et ses institutions comme adulte et responsable, continue lui de raisonner et de se comporter en enfant.

L'observation permet d'avancer que tous les enfants ne sont pas exposés aux risques de déviance au même degré. Le risque est, en effet plus élevé dans certaines catégories sociales que dans les autres. Les familles pauvres, les sous-prolétaires, les foyers désunis où les couples divorcés présentent une forte réceptivité aux risques de

35 Henri JOPY, "le Crime", Editions « LE CERF» Paris 1888.

36 Journal statistique des établissements de sauvegarde de l'enfance; Edition 1998.

délinquance. Les adultes confrontés au dur combat de la survie, obligés de travailler de longues journées rémunérées souvent et au meilleur des cas au SMIG, n'ont nile temps ni les moyens matériels d'assurer une éducation convenable à leur progéniture. Les enfants sont abandonnés pendant toute la journée à eux mêmes, dans un univers qui leur est extrêmement défavorable et qui dépasse leur petit d iscernement.

Les enfants issus des familles aisées, riches ou moyennes sont moins exposés à la délinquance. Ils sont suivis par "papa" ou par "maman" qui est instruite. Ils sont continuellement pris en charge par l'un de leurs aînés, guidés, conseillés, assistés, orientés, suivis et remis constamment sur la bonne voie. Ils ne connaissent par la privation et surtout ils sont à l'abri de la tentation délictuelle par la satisfaction de leurs besoins réels et même superflus.

Un autre courrant, soutenant une idée, publie dans une étude sur la population pénale au 31 Décembre 1972, que l'Administration pénitentiaire fait sienne cette thèse en affirmant que "l'hypothèse selon laquelle la criminalité marocaine serait essentiellement de nature économique, en raison parait-il du niveau de vie moyen de la population marocaine, ne semble pas se confirmer". Les rédacteurs de cette étude avancent une explication de la délinquance, selon laquelle "en regard du facteur économique notamment, chaque individu réagit diversement et selon sa personnalité propre". La situation économique d'un individu ne saurait être appréciée objectivement car "La pauvreté et la misère n'existent pas comme réalité objective" et en conséquence "elles ne peuvent constituer un critère de référence en matière criminelle".

Mais, suivant la généralité, on peut dire sans grand risque d'erreur que dans une large mesure, la criminalité est un sous produit résiduel du système économique d'un pays donné.

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