Deuxième partie
Les multiples facettes et
traitements du phénomène
Chapitre3. Les multiples faces de la délinquance
juvénile:
On aura, dans ce chapitre, le temps d'étudier la
délinquance juvénile à partir de trois points de vue
différents: l'acte (côté "délinquance"), l'auteur
(côté "juvénile") et l'impacte de l'acte sur l'auteur.
I. La délinquance juvénile: côté
délinquance:
Pour détailler cette partie on aura l'occasion de
montrer quelques passages de la définition de la notion de la
"vulnérabilité" tirée de la théorie du "choix
rationnel du crime", qu'on aura l'occasion de détailler par la suite
dans la troisième partie de ce même chapitre.
A. Criminalité par objet:
Aperçu de la situation des pays occidentaux (USA et
Canada): "Il ne fait
aucun doute que la quasi-totalité des
sociétés occidentales ont connu une augmentation continue et
substantielle de la délinquance des adolescents entre le début
des années 1960 et la fin des années 1970. Par la suite, la
trajectoire de la courbe ascendante s'est stabilisée au début des
années 1980 pour décroître ensuite pendant quelques
années, cela avant de repartir à la hausse pour atteindre et
dépasser légèrement les niveaux antérieurs les plus
élevés. Cette tendance récente décrit à la
fois la situation aux États-Unis et à Montréal. Ainsi, le
taux de délinquance des adolescents de la Communauté urbaine de
Montréal est passé de 41 pour 1000 à 61 pour 1000 de 1990
à 1995. Pour leur part, les crimes contre la personne ont suivi une
trajectoire récente semblable. Ainsi, les crimes contre les personnes
commis par les adolescents québécois ne dépassaient pas la
proportion de 10 % de l'ensemble des infractions criminelles qui leur
étaient attribuées jusqu'en 1987, oscillant de 6 % à 10 %
selon les époques et avec une baisse marquée au début des
années 1980. Depuis la fin des années 1980, la proportion que
représentent ces crimes augmente considérablement et, en moins de
dix ans, elle a doublé, passant de moins de 10 % en 1985 à un peu
plus de 20 % de l'ensemble des infractions criminelles des adolescents en 1995.
Notons, par contre, une baisse importante en 1996. Si cette baisse se maintient
en 1997 ou si la proportion des crimes avec violence se stabilise, la
criminalité de violence aura changé d'échelle comme
l'ensemble de la délinquance juvénile au cours des années
1960. La trajectoire de la délinquance avec violence est tout à
fait semblable aux États-Unis. Son accroissement a débuté
au même moment, c'est-à-dire en 1988, et elle est d'une ampleur
tout à fait comparable jusqu'en 1995"29.
29 Marc Le Blanc: Professeur titulaire. École de
psychoéducation, Groupe de recherche sur les adolescents en
difficulté, Université de Montréal. "L'évolution de
la violence chez les adolescents québécois:
phénomène et prévention"; Revue "Criminologie"; Vol. 32,
N°1, 1999.
1. Atteintes contre les personnes:
Certains auteurs ont mis en exergue d'une façon
générale l'impacte du style de vie quotidien de mineur sur les
chances de sa déviance: s'il sort beaucoup de chez lui, il est plus
susceptible d'être agressé, ou plus grave d'être
l'agresseur, que s'il est plus casan ier.
Pour bien saisir le contexte de la criminalité
marocaine des mineurs faite sur les personnes par rapport aux autres tranches
d'age, il serais préférable de jeter un coup d'oeil sur le
graphique suivant:
Atteintes contre les personnes par categories d'age
A partir de 35 ans, en constate un fléchissement de
cette courbe ascendante avec 6,7 % de détenus pour 4,12 % de la
population pénale pour la tranche d'âge de 35 à 40 ans, 7,7
% de détenus pour 7,8 % de l'ensemble de la population pour la tranche
d'âge de 40 à 49 ans et enfin 5 % de détenus contre 12 %
d'individus pour les personnes âgées de 50 ans et plus.
- 868 homicides volontaires sur 962 sont commis par des
personnes âgées de plus de 24 ans, soit 90 % des délits.
- 643 viols sur total de 708 ont été commis par des
délinquants âgés de moins de 35 ans, soit 91 %, cette
catégorie a également commis 37 % de vols qualifiés.
D'une manière générale, en peut dire que la
délinquance contre les personnes est plus violente chez les 25
à34 ans que chez les autres groupes.
2. Atteintes contre les biens:
Atteintes contre les biens par categories d'age.
Les crimes et les délits ont leur âge de
prédilection. A titre d'exemple, un vol sur deux est commis par un
individu âgé de moins de 24 ans, donc par un
mineur30.
Le surprenant dans les statistiques sur les atteintes contre les
biens, sont les points communs entre les cibles31 qui sont au nombre
de trois, à savoir:
· La valeur;
· La proximité du délinquant éventuel;
et
· La vulnérabilité.
Plus un objet a de valeur aux yeux du mineur plus il peut
être tentant pour lui. Cette valeur n'est pas forcement marchande -ce qui
est pas le cas pour autre catégorie de délinquants-. La
proximité est une notion spatio-temporelle. Plus un mineur mal
orienté et mal encadré a l'occasion de rencontrer une cible
éventuelle pour son action plus il y a de chances que cette action se
produise effectivement. Il est souvent noté que le voleur, quelque soit
son age, opère généralement dans un secteur qui lui est
familier ou non loin de là. La vulnérabilité tient compte
du degré de risque d'une cible de se trouver l'objet valable d'une
infraction. Par exemple, un pickpocket choisit de s'attaquer à la poche
entrouverte et facilement abordable d'une personne manifestement distraite au
lieu de s'en prendre à celle difficilement accessible d'une personne
apparemment sur ses gardes.
3. Atteintes contre les mceurs:
Atteintes contre les mceurs par categories d'âge
La principale idée qui peut expliquer cette situation
(48% pour les mois de 25 ans), est le problème de la frustration.
C'est-à-dire qu'une insatisfaction est infligée en permanence par
la société qui est naturellement créatrice d'une tension
pour le mineur qui la subit.
Il y a plusieurs manières possibles de réagir
à une tension de ce genre; le sujet mineur, en répondant à
la frustration par le maintien d'une haute intensité des besoins et
désires, avec recherche de satisfactions, malgré de forces
extérieures opposantes, ne peut que prendre une attitude revendicatrice
et de transgression des barrières.
Une frustration de genre psychologique ou/et sexuelle, peut
engendrer un acte déviant chez le jeune. En d'autre terme, toute
affirmation d'autrui contre lui, toute opposition, toute barrière, toute
interdiction est régulièrement et immédiatement
30 Dans le domaine de criminologie la majorité est
fixée à 25 ans.
31 Est dite "cible" tout objet ou sujet sur lequel peut se
commettre une infraction.
interprété comme une vexation et une injustice,
il exprime en même temps son agressivité sous forme de conflits
défensifs. Ces frustrations conscientes et inconscientes laissent en lui
des traces qui resurgissent sous forme de pulsions de revendications. Il a
tendance à vivre toute situation comme une frustration contre laquelle
il se défend à l'avance en attaquant le premier.
B. Criminalité par milieu:
Au 31.12.1997, la population rurale (mineurs) représentait
22.4% de la population pénale des mineurs.
12'9%
22'4%
64'7%
Milieu rural
Moyenne agglomeration Grande agglomeration
Milieu d'origine des mineurs ayant quittaient les centres
d'observation (1997).
Les citadins, représentaient 64.7% des délinquants
mineurs.
Il est à remarquer que cette double disproportion dans la
répartition géographique de la délinquance juvénile
procède d'un phénomène universel et constant.
1. Criminalité au milieu urbain:
En dehors de la remarque précédente, on constate
que le milieu urbain enregistre des taux de criminalité très
élevés. L'urbanisation est même le facteur
général dont l'action sur la criminalité est le mieux
établie. Plus les villes sont grandes plus la criminalité y est
développée. Les délinquants issus des grandes
agglomérations représentent 72%32 de l'ensemble des
citadins condamnés. Ceci nous autorise à affirmer que c'est en
réalité moins le milieu urbain ou rural qui est
criminogène que les concentrations humaines que l'on y rencontre. Plus
un groupe devient important en nombre, plus ses contradictions éclatent
et les intérêts de ses membres entrent en conflit entre eux. Dans
cette perspective, les grandes villes enregistrent des taux de
délinquance plus grands, non pas en égard à leur taille
géographique mais parce qu'elles sont surpeuplées.
Les villes industrielles grandissent dans des proportions
incontrôlables et incontrôlées. On a assisté ces
dernières années à un foisonnement de quartiers
périphériques et sub-urbains habités souvent par des
nouveaux arrivants toujours plus nombreux et plus démunis. La
sécheresse, l'absence ou l'insuffisance d'infrastructures sociales
collectives dans les campagnes ont contribué à
accélérer le phénomène de l'exode rural du
début des années 50, vers les centres urbains et plus
particulièrement Casablanca. De même l'ampleur prise par certains
centres ruraux
32 Statistiques générales; 31.12.1984.
autonomes a accentué le taux d'urbanisation qui est
passé de 20 % en 1960 à 45 % en 1987.
La grande ville détruit le sens du contact avec les
autres. Elle crée inévitablement des tensions sociales entre les
habitants des grands centres résidentiels et ceux des ghettos de la
périphérie ; contradictions qui si elles n'ont pas l'occasion
d'éclater souvent, se transforment en une sorte de conflit permanent.
Ces quartiers-dortoirs, dont les habitants sont le moteur de la croissance
urbaine sans jamais en profiter, regorgent de jeunes inadaptés que
l'organisation sociale a contribués dans une large mesure à la
manifestation de leur inadaptation.
En plus, la délinquance des villes s'appuie
principalement sur la ruse, le stratagème et le subterfuge et
accessoirement sur la violence. Les délinquants dans le milieu urbain
font preuve d'intelligence, d'organisation et de préparation de leur
infraction ; ce qui les rends parfois insaisissables et contribue à
gonfler le chiffre noir.
2. Criminalité au milieu rurale:
Dans tous les pays où une étude du
phénomène de la délinquance a été faite sous
l'angle sociologique, on a remarqué que la criminalité est plus
importante dans le milieu urbain que dans le monde rural et qu'elle est moins
importante encore dans les petites villes de moins de 100.000 habitants
qu'ailleurs, où tout le monde se connaît ou presque et où
les relations humaines ne sont pas noyées dans l'anonymat des grandes
métropoles ou les immeubles sans âme qui caractérisent la
banlieue des grandes villes ou leurs misérables bidonvilles.
Les petites villes ne souffrent pas d'inconvénients
connus dans les grandes métropoles. Les contrôles
opérés par les forces de l'ordre y sont plus aisés et plus
efficaces pour la prévention des crimes. Encor, des constatations
statistiques nous a permis d'avancer l'idée que la délinquance
dans le milieu rural fait appel surtout à la violence physique et
accessoirement à la ruse.
Certains délits ne peuvent pas être commis dans
le milieu rural ou dans les petites agglomérations. C'est le cas des
vols à l'arrachée, du vol dans les transports urbains aux heures
de pointe ou dans les grandes surfaces commerciales. Par contre, le vol ou
l'incendie des récoltes, le vol du bétail ou le
déplacement des bornes33 de délimitation de
propriété et les accrochages qui s'ensuivent ne peuvent
être réalisé que dans la campagne.
L'observation du phénomène criminel dans ses
structures permet de constater que la criminalité urbaine est plus
sophistiquée et plus élaborée que son homologue rurale.
Elle fait plus appel à l'intelligence et à la ruse qu'à la
force ou à la violence. Cette remarque est valable aussi bien pour la
criminalité des hommes que pour celle des femmes. On constate que les
ruraux commettent plus de délits violents ou involontaires et moins de
délits astucieux que les citadins.
33 Punissable par emprisonnement de 2 à 5 ans et d'une
amende de 120 à 1000 DH; Art. 520: Code Pénal.
C. Criminalité par auteur:
Compte tenu que ce sont les voies de fait et les batailles
entre groupes d'adolescents plutôt que les vols qualifiés qu'il
s'agit avant tout de réduire, les interventions défensives seront
fort probablement peu utiles. Il ne s'agit pas d'augmenter la surveillance et
de faire des aménagements physiques pour réduire les infractions,
comme dans le cas des vols à main armée dans les banques au cours
des années 1970 au Canada. Une surveillance policière accrue dans
les transports publics et des aménagements physiques (meilleure
illumination des couloirs, caméras...) fera peut-être diminuer les
agressions dans ces lieux, mais il est aussi fort probable que celles-ci se
déplaceront vers d'autres lieux comme la diminution des vols de banques
à Montréal par exemple s'est accompagnée d'un
accroissement phénoménal des vols chez les dépanneurs.
1. Criminalité individuelle:
criminalité indivivuelle criminalité de group
19%
123;
81%
530;
Parts de criminalité selon les circonstances
(Individuelle ou de group); 199838 .
Peu importe que la criminalité soit individuelle ou par
group, le secret de l'acte criminel demeure caché derrière
d'autres raisons dont les principales restent la rupture de scolarité et
la oisiveté qu'elle engendre.
2. Criminalité de group:
En suivant le même principe pour la criminalité
individuelle; L'enfant n'a d'autre débouché que la rue. Oisif et
sans ressources, la tentation de "franchir le pas" le guette, chaque jour de
plus en plus forte. D'autant plus que chez cette catégorie de
délinquants, l'infraction n'a pas la même signification que chez
les adultes.
Les jeunes se mettent en bandes d'abord pour s'amuser, parce
qu'on se sent mieux ensemble. Par jeu plus que par cupidité, ils
commettent des petites larcins. Le jeune prend des risques graves en s'exposant
aux foudres de la justice pénale sans viser d'autre but qu'épater
un copain ou une fille, relever un défi, ou braver un ami. Petit
à petit, il prend goût à "L'aventure" et se grise par les
sensations fortes que procurent le risque et le sentiment de "l'avoir
échappé belle".
34 Journal statistique des établissements de sauvegarde de
l'enfance; Edition 1998.
|