III. La délinquance juvénile:
côté impacte de l'acte criminel sur la personnalité de
mineur:
Comme l'assurait De Greeff, nous somme tous des
délinquants virtuels, seul le passage à l'acte permet de
différencier le délinquant du non-délinquant. Cette
remarque est valable dans toutes les perspectives criminologiques, car
même si seulement certains individus sont prédisposés
à la criminalité, tous ne deviennent pas effectivement criminels.
Alors, qu'elles sont les différentes caractéristiques des
étapes de l'acte criminel ainsi que les conditions du passage à
cet acte?
A. Les étapes de l'acte criminel:
La scène de l'acte criminel s'étale sur deux temps;
avant le passage et le passage à l'acte.
1. L'étape pré-acte:
Un ensemble d'auteurs37 soutiennent le courant du
"choix rationnel du crime"38.
37 A titre d'exemple: Morgan O. Raynolds "Crime by choice",
Fichier Institue Publication Dallas Texas 1985; Dereck Cronish "The reasonning
criminal", New York Spenger Verlag 1986.
Pour ce courant, ou bien cette théorie, le crime en
tant qu'acte spécifique, découle d'un choix fondé sur la
raison du criminel de passer à l'acte face à l'existence
d'opportunités réelles de le commettre avec le plus d'avantages
et le moins de risque possible, c'est le choix fait après avoir
réfléchi sur le comportement envisagé et pesé ses
pour et ses contre. Il s'agit là, de savoir dans quelle mesure les
opportunités offertes à l'adolescent au sein de la
réalité sociale quotidienne immédiate et apparente peuvent
l'encourager à passer à l'acte.
2. Le passage a l'acte:
Sutherland a tenté de décrire les constantes du
comportement criminel susceptibles d'expliquer pourquoi tel individu a commis
tel crime, à tel moment et de telle manière. Parmi ces
constantes, on trouve chez les criminels invétérés le
processus de maturation39.
L'individu passe à l'acte lorsqu'il a atteint un
"âge criminel", c'est-à-dire le moment de sa vie où sa
criminalité a terminé son développement. Cette
maturité criminelle est acquise lorsque le sujet a assimilé une
attitude générale envers la criminalité et lorsqu'il a
complètement acquis la connaissance des techniques criminelles
d'exécution. La maturation peut se terminer très tôt ou
très tard. Ainsi, un enfant mal éduqué dans une zone
où l délinquance est élevée peut atteindre la
maturité criminelle à 12 ou 14 ans. Mais le processus peut
être beaucoup plus long si le futur délinquant vit dans un milieu
honnête.
Di Tullio à son tour, a formulé la notion des
facteurs "déclenchants", qui existent en général dans
toutes les circonstances qui, pour faible que soit leur force causale, sont
toujours nécessaires pour l'accomplissement de l'acte criminel, car
elles sont responsables de l'anéantissement des résistances
individuelles. Le passage à l'acte est actionné en effet par un
mauvais fonctionnement des forces inhibitoires, et plus
précisément des "forces crim i no-répu
lsives"40.
B. Les conditions du passage a l'acte:
Il faut deux conditions pour qu'une personne passe à un
acte criminel, la première c'est avoir une personnalité
"instable" ou criminelle, la seconde c'est que cette personne doit se
trouvée en une situation précaire dite situation
criminogène.
1. La personnalité criminelle:
Puisque, selon De Greeff, nous somme tous des
délinquants virtuels et seul le passage à l'acte permet de
différencier le délinquant du non-délinquant. Qu'elle
genre de personnalité pousse un délinquant de passer à
l'acte? Ou bien, au sens inverse, empêche un non-délinquant de
passer à l'acte? Et qu'elle est la composante des cette
personnalité?
38 Une théorie posée par Cesare Beccaria (l'Homme
rationnel) et Jeremy Bentham (l'Homme calculateur) au
XVIIIème Siècle.
39 Sutherland; "Principes de criminologie".
40 Di Tullio; "Principes de criminologie clinique".
a. Les freins qui empêchent le non-délinquant de
passer a l'acte:
Les explications biologiques, socioculturelles, ou psychiques
de la délinquance débouchent toutes à un carrefour
à partir duquel les routes convergent et aboutissent à un
être humain nécessairement doté d'une personnalité.
Une personnalité qui est tissée de multiples influences
maléfiques dont les criminologues ont patiemment établit
l'inventaire. Une personnalité, autrement dit un caractère, un
tempérament, une manière d'être, de penser, d'agir et de
réagir devant les gents et les choses; c'est le "Moi" dans le jargon des
psychologues.
Cette personnalité s'enrichit, si l'on peut dire,
d'une dimension nouvelle lorsque l'individu prédisposé est
effectivement passé à l'acte. Car elle possède alors un
élément spécifique qui la différencie des autres.
Cet élément dynamique est peutêtre même le seul qui
soit commun à tous les délinquants.
La bonne méthode pour conduire une telle étude
consiste à prendre le problème à l'envers et à se
demander ce qui empêche le non-délinquant de passer à
l'acte. C'est ce qu'a fait Manouvrier à la fin du
XIXème, en s'inspirant de considérations très
simples. Il suffit en effet que chacun de nous s'introspecte, car nous ne
manquons pas de tentations. Divers freins, mis en lumière par
Manouvrier, ont pu jouer, depuis les plus nobles jusqu'aux plus terre à
terre: le sentiment de l'immoralité de l'acte ou de son caractère
ignoble; la crainte du châtiment, et de toutes ses conséquences;
les difficultés matérielles de l'exécution du crime; la
pitié pour la victime...
Chez le délinquant qui est passé à
l'acte, ces freins d'ordre moral, pénal, matériel et affectif
n'ont pas joué. Le criminel est semblable à l'homme normal
lorsque, avant de commettre son crime, il est soumis aux tentations, aux
impulsions, aux déterminismes, aux situations criminogènes de la
condition humaine. Mais il devient anormal lorsqu'il se singularise en
cédant à ces poussées.
b. Les composantes de la personnalité criminelle:
Egocentrisme, labilité, agressivité,
indifférence affective, tel sont selon Pinatel, les quatre
caractères fondamentaux de la personnalité qui sous-tendent le
passage à l'acte:
· Le délinquant est "égocentriste", il a
tendances à tout rapporter à soi-même et à se
considérer comme le centre de l'univers. Il en résulte diverses
conséquences importantes du point de vue du passage à l'acte qui
ont été bien lises en évidence par De Greeff. Jugeant son
attitude d'après ses critères personnels, le délinquant a
toujours tendance à légitimer sa faute en dévalorisant les
lois et les hommes, en se démontrant que l'hypocrisie est universelle et
qu'il est encore plus honnête que ceux qui auraient à le juger.
Ainsi s'explique, selon Pinatel, le défaut de refoulement qu'ils
manifestent vis-à-vis de l'abjection sociale.
· Le délinquant est "labile", il est instable,
fragile et exposé à tomber, faiblir à la moindre secousse.
De ce fait, il est incapable d'être recoulé par la menace de la
sanction pénale.
· Le délinquant est "agressif", c'est ce qui lui
permet de renverser les obstacles matériels et les difficultés de
l'entreprise criminelle. En synthétisant divers travaux, Pinatel attire
l'attention sur les formes et les mécanismes de cette agressivité
d'ordre physiologique et psychologique.
· Le délinquant est atteint
d'"indifférence affective", qui le rend aveugle et sourd à ce que
l'exécution du crime comporte d'ignoble. Cette indifférence
affective peut être soit une composante solidifiée et
structurée de la personnalité criminelle comme l'a montré
Pinatel41, soit, la manifestation d'un processus évolutif et
transitoire d'inhibition affective ou de désengagement affectif comme
l'a montré De Greeff42.
Mais encore, pour qu'un individu ainsi structuré passe
à l'acte, il faut qu'il rencontre une situation criminogène.
2. la situation criminogène:
C'est le moment où un éventuel
délinquant, qui présente les traits caractéristiques de la
personnalité criminelle, se trouve dans un milieu dit du fait et face
à une situation sociale difficile qui dépasse ses barrages
moraux, présumés fragiles, de sa personnalité, c'est
l'état dangereux.
a. Le milieu du fait et sa différance de milieu du
développement:
Les criminologues font une distinction entre le milieu du
développement, qui influence la formation et l'évolution de la
personnalité (la famille, les groupes sociaux, etc.), et le milieu du
fait, c'est-à-dire les situations dans lesquelles est placé le
délinquant au moment de son crime. C'est ce milieu du fait qui joue un
rôle plus ou moins important dans le déclanchement du passage
à l'acte.
A l'heure actuelle, on met de plus en plus l'accent sur le
rôle que joue la victime en tant qu'élément de la situation
précriminelle. La victime peut être, soit un agent actif du crime,
soit un agent passif. Elle un agent actif lorsque précisément sa
situation de victime la pousse à commettre une infraction;
hypothèse dite du "criminel-victime": l'adolescent maltraité par
son père alcoolique qui se soustrait à sa condition en tuant son
tourmenteur. Elle est un agent passif lorsqu'elle est une "victime
camouflée", prédisposée à jouer ce rôle, ou
lorsqu'elle attire le crime par son attitude (imprudence, provocation, etc.).
La victime intervient donc parfois elle aussi comme facteur de
dangerosité.
b. L'état dangereux:
Le concept de l'état dangereux, inventé à
la fin du XIXème siècle par le positiviste italien
Garofalo, disciple de Lombroso, a connu parmi les criminologues de toutes
tendances un grand succès.
Garofalo définissait la dangerosité comme la
perversité constante et agissante du délinquant et la
gravité du mal qu'on peut redouter de sa part, en d'autres termes, sa
"capacité criminelle"43. Les criminologues ont
considérablement étendu le champ d'utilisation de cette
pensée, non seulement pour mesurer après le crime "le
degré de sociabilité qui reste", mais aussi avant le crime pour
dépister, prévoir et pourquoi pas faire cesser l'état
dangereux.
41 Dans son ouvrage "Autour de la théorie de la
personnalité criminelle".
42 Dans son ouvrage "Introduction à la criminologie".
43 5ème
Garofalo; "La criminologie", édition Alcan.
L'état dangereux constitue en quelque sorte le signal
d'alarme qui permet de déceler la plus ou moins grande
probabilité de passage à l'acte. Il est le produit de
l'équation: personnalité criminelle + situation
criminogène.
|