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La délinquance juvénile: comparaison et synthèse

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par Taoufik Bouyablane
Université Hassane II - Mohammadia - Maroc - Licence en droit privé 2006
  

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Chapitre4. Traitement du phénomène:

Au moins 5500 mineurs sont en prison au Maroc. Un vaste chantier, centré sur la réinsertion, est lancé pour changer des conditions encore scandaleuses, il y a quelques années.

Se servir de la prison à la manière d'un aspirateur social pour nettoyer les scories des transformations économiques en cours et faire disparaître de l'espace public les rebuts de la société de marché -petits délinquants d'occasion, chômeurs et indigents, sans-abri et sans-papiers, toxicomanes, handicapés et malades mentaux laissés pour compte par le relâchement du filet de protection sanitaire et sociale, jeunes d'origine populaire condamnés à une (sur)vie faite de débrouille et de rapine par la normalisation du salariat précaire- est une aberration au sens propre du terme, c'està-dire, selon la définition du Dictionnaire de l'Académie française de 1835, un «écart d'imagination» et une «erreur de jugement» tant politique que pénale.

I. L'efficacité de la peine d'emprisonnement:

Dans la réalité, la majorité, et donc le discernement, dépend de plusieurs facteurs qui sont pour le moins que l'on puisse dire indépendants de la volonté du législateur. Ces facteurs sont d'ordre biologique, psychologique, socio-économique et culturel. Or, dans la logique de la loi pénale, ces facteurs interviendraient de façon identique pour tous les individus et au même instant! A 16 ans moins un jour, voire une heure, et l'instant d'après, on franchit le cap de la majorité avec tout ce qui s'en suit comme responsabilités, sans aucune contre partie. Qu'est ce qui peut se passer en une nuit et qui fait basculer un individu du monde délassant des enfants dans celui cruel et sans merci des adultes? Qu'est ce qui fait qu'un acte catalogué la veille comme une "faute" d'enfant mineur, nécessitent l'application de mesures de protection et d'éducation se transforme le lendemain en crime ou délit "prévu" et "sanctionné" par la loi?

A. La peine d'emprisonnement:

Jeunes adultes, adolescents, enfants. Ils représentent 10 à 12% de la population carcérale du pays, selon l'Observatoire marocain des prisons (OMP), qui évalue à environ 55.000 le nombre total de prisonniers au Maroc44. Qui sont-ils, où sont-ils incarcérés, dans quelles conditions, dans quel but? Des questions simples pour soulever un problème douloureux et complexe.

1. Aperçu de l'ampleur du fléau:

Beaucoup de mineurs sont donc incarcérés dans des prisons non spécifiques. Or, l'univers pénitencier au Maroc brille par sa précarité: surpeuplement, état sanitaire

44 Statistiques générales du 31.12.2001.

très insuffisant, locaux menaçant ruine, insécurité ambiante, insuffisances quantitatives et qualitatives de personnels. Certes, la loi impose qu'ils soient strictement maintenus à l'écart des adultes, mais tel n'est pas toujours le cas, comme l'a déjà dénoncé la Commission d'observation et de suivi de l'OMP, faisant état en 2001 de "violences, d'abus sexuels et de viols". Toutes ces anomalies au sein des pénitenciers, exposent le mineur à des dangers dont l'impacte sur sa mentalité négative envers la société sera plus important que nulle part ailleurs dans les rues. Chose qui remet totalement en question l'efficacité de la peine d'emprisonnement des mineurs en conflit avec la loi. C'est pour cela que les textes internationaux font de la privation de liberté une mesure de dernier ressort et pour une durée aussi brève que possible. En Hollande, un jeune qui commet un délit a le choix entre suivre des cours de civisme fixés par un magistrat dans un centre ou aller en prison. S'il est assidu, il est libre. Ici au Maroc, on peut voir un gamin de 14 ans prendre 6 mois pour vol, et rallongement de peine pour un malheureux incident comme "bonus".

2. Critiques:

Même dans les pays ou la majorité pénale a été fixée à 18, 20 ou 21 ans, les sociologues ont formulé des critiques de ce genre contre la rigidité de la loi pénale, en soulignant que les individus n'atteignent pas l'âge adulte à la même échéance ou dans les mêmes conditions.

Ainsi, on peut rencontrer en prison des enfants qui n'ont pas réalisé la portée de leur acte délictuel et qui ne peuvent pas comprendre cette brusque sévérité des adultes à leur égard, ni ce traitement réservé aux grandes personnes "méchantes" qu'on leur inflige.

En outre, et selon un sénateur britannique45 "l'efficacité de l'approche punitive du droit pénal ne touche pas aux causes de la criminalité, ce qui la met en cause".

La prison, de nos temps, est qualifiée comme aberration, parce que la criminologie comparée établit qu'il n'existe nulle part, dans aucun pays et à aucune époque, de corrélation entre le taux d'emprisonnement et le niveau de la criminalité.

En tout état de cause, la prison ne traite dans le meilleur des cas qu'une partie infime de la criminalité, même la plus violente : aux Etats-Unis, qui pourtant disposent d'un appareil policier et carcéral grotesquement surdimensionné, du fait de l'évaporation cumulative aux différentes étapes de la chaîne pénale, les quatre millions d'atteintes les plus sérieuses contre les personnes détectées en 1994 par les enquêtes de "victimisation" (homicides, coups et blessures aggravés, vols avec violence, viols) ont donné lieu à moins de deux millions de plaintes à la police, qui ont motivé 780000 arrestations, qui elles-mêmes n'ont conduit, en fin de course, qu'à 117000 entrées en prison, soit ne sanctionnant que 3% des actes perpétrés, ce qui fait du recours réflexe à l'incarcération pour maîtriser les désordres urbains un remède qui, dans bien des cas, ne fait qu'aggraver le mal qu'il est censé guérir.

B. Les peines alternatives a la prison:

Les exemples suivants sont puisés dans le système judiciaire anglais et/ou néerlandais.

45 W.D. Morrison, "juvenile offenders", 1896, réimpression: Montclair, NJ, Paterson Smith, 1975.

1. Les admonestations et les mises en garde:

Elles sont adressées aux mineurs en fonction de l'importance de l'infraction qu'ils ont commise: une admonestation s'il s'agit d'une première infraction peu importante, une mise en garde pour une infraction plus importante ou si le jeune a déjà reçu précédemment une admonestation ou une mise en garde depuis plus de deux ans, mais que l'agent de police considère que l'infraction ne justifie pas une inculpation.

Les admonestations et les mises en garde sont données au poste de police. Si le mineur a moins de dix-sept ans, la présence d'un adulte est requise. Il peut s'agir d'un parent ou d'un tuteur, voire d'un travailleur social ou d'un représentant d'une organisation bénévole si le mineur a été confié à une telle organisation.

L'officier de police doit expliquer au mineur, si ce dernier a plus de dix-sept ans, ou à l'adulte qui l'accompagne, s'il a moins de dix-sept ans, dans un langage clair, les conséquences d'une admonestation ou d'une mise en garde.

Après avoir délivré la mise en garde, l'officier de police doit confier le mineur à l'équipe de prise en charge des jeunes délinquants qui détermine s'il est utile de lui imposer un programme de réinsertion et de prévention de la récidive.

Lorsqu'un jeune commet une nouvelle infraction dans le délai de deux ans, ou si l'infraction est trop importante pour n'être passible que d'une admonestation ou d'une mise en garde, le tribunal ne peut le dispenser de peine. Il doit le condamner au minimum à une peine avec sursis.

2. Les ordonnances de reparation:

Le but des ordonnances de réparation est de faire prendre conscience au jeune délinquant des conséquences de ses actes. Une telle ordonnance consiste à condamner le mineur à effectuer des réparations au profit de la victime de l'infraction, si elle y consent, ou d'une personne à laquelle ont nui les actes délictueux, voire au profit de la collectivité.

Préalablement à la délivrance d'une ordonnance de réparation, le tribunal doit prendre connaissance du rapport établi par un officier de probation, un travailleur social ou un membre de l'équipe de prise en charge des jeunes délinquants, et indiquant le travail qu'il serait souhaitable de faire exécuter par le délinquant en guise de réparation et ce qu'en pensent les victimes.

Le tribunal doit également expliquer au mineur, dans un langage clair, les conséquences de l'ordonnance et les obligations qu'elle comporte, ainsi que ce qui pourrait arriver s'il ne les respectait pas.

La peine doit être proportionnelle au délit, mais ne peut dépasser vingtquatre heures. Elle doit être effectuée dans les trois mois de la délivrance de l'ordonnance qui peut également contenir l'obligation d'envoyer une lettre d'excuses à la victime.

L'exécution de cette peine est contrôlée par un officier de probation, un travailleur social ou un membre de l'équipe de prise en charge des jeunes délinquants.

46 En Droit espagnol.

3. Les peines d'intérêt général:

Une mesure fréquemment élue comme punition aux USA et en grande partie de l'Europe.

a. Définition et système d'application:

Une mesure qui vise à favoriser la socialisation du jeune délinquant. Celui-ci est tenu de participer à un programme, déjà existant ou adapté spécialement à son cas par les profession nels.

Le mineur doit effectuer gratuitement des travaux au bénéfice de la communauté ou de personnes en situation de précarité. La durée de ces travaux varie entre 50 et 200 heures46 en fonction de la gravité de l'infraction.

Les travaux d'intérêt général font partie d'un programme dont l'objet est d'éviter la récidive et de favoriser la réinsertion.

La peine dure trois mois et comporte des obligations (participer à certaines activités, être présent dans certains lieux à certaines heures) et des interdictions (ne pas fréquenter certains endroits). Si la victime y consent, le jeune délinquant peut également effectuer des travaux de réparation à son profit.

Pendant la durée de la peine, le mineur est placé sous la surveillance d'un agent de probation, d'un travailleur social ou d'un membre de l'équipe de prise en charge des jeunes délinquants.

Avant d'imposer une peine d'intérêt général, le tribunal doit prendre connaissance du rapport qui est établi dans les mêmes conditions que pour l'ordonnance de réparation. Il doit donner également des explications au mineur.

Le tribunal fixe la date d'une prochaine audience, qui doit avoir lieu dans le délai maximum de 21 jours suivant la fixation de la peine, et demande à la personne chargée de la surveillance du mineur d'établir, pour cette date, un rapport sur l'exécution de la peine mentionnant éventuellement les modifications qu'il serait souhaitable d'y apporter. A la lecture de ce rapport, le tribunal peut modifier les sanctions imposées.

b. Critiques:

Un certain nombre d'éducateur vivent sous le règne de postulat: D'une part, l'opposition entre sanction et mesure éducative. D'autre part, l'incompatibilité entre contrainte et travail éducatif: l'emprisonnement, quelle que soit la durée du séjour, est perçu soit, comme un désaveu de leur sanction soit, relevant de la seule responsabilité des magistrats, sans lien avec les résultats de l'action éducative.

Cette vision, tout à fait respectable au demeurant, surtout dans le cadre de l'enfance en danger, ne manque pas de soulever des interrogations en ce qui concerne la prise en charge des délinquants. Ainsi, il apparaît qu'une grande partie de l'opinion publique attend, dans le suivi des délinquants, une contrainte accrue, même s'il ne s'agit pas d'enfermement.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille