Quelle volonté d'affermissement des droits de l'enfants ? A travers les mécanismes africain et universel de contrôle du travail des enfants( Télécharger le fichier original )par Samuel Habib Adékulé SAGBOHAN Université de Nantes - Diplôme d'Université de Troisième Cycle "Droits Fondamentaux" 2005 |
Conclusion GénéraleLe phénomène du travail des enfants devient aujourd'hui si poignant et indignant, qu'il suscite des mobilisations de par le monde, aussi bien des Etats, des organisations internationales, que de la société civile. Tout le monde s'accorde sur la nécessité d'endiguer au plus tôt ce fléau, d'autant plus que les enfants représentent l'avenir de l'humanité. Nous l'avons vu, les Etats ont toujours marqué leur engagement à cette lutte par l'adoption et la ratification d'instruments législatifs étendus. On serait alors, en droit d'espérer un recul du fléau, mais il ne faut pas se leurrer. Un regard attentif jeté sur les pratiques de nos Etats, des communautés locales, puis de la communauté internationale, est assez révélateur. En effet, les gouvernements ont beau adopter des mesures législatives et des conventions de toutes sortes, il manque toujours le grain de sel indispensable, qui conditionne la réussite de la lutte : des mécanismes pertinents de contrôle. D'abord, au niveau des Etats, l'inspection du travail souffrant d'un cortège de maux, n'apporte pas fondamentalement à l'endiguement du fléau. Il en est autant des tribunaux, désertés par les victimes du phénomène, en raison du sempiternel problème d'accès à la justice propre aux pays africains. Ensuite, le filet de protection régionale sans être totalement défaillant, présente également des imperfections. Mais, il suscite davantage d'espoirs, avec la création de la cour africaine des droits de l'homme et des peuples, dont l'action se fait attendre. Enfin, les mécanismes universels sont particulièrement révélateurs du manque de volonté des Etats, soucieux de préserver leur souveraineté. Il urge dès lors qu'une prise de conscience s'opère au niveau de ces derniers, et des organisations internationales, sur la nécessaire réorientation de la lutte contre le travail des enfants, notamment en ce qui concerne les mécanismes de contrôle. Il faut dorénavant privilégier l'institution de mécanismes convenables et convaincants de contrôle, plutôt que la normalisation abondante connue jusqu'à nos jours. Pour ce faire, la société civile doit être le fer de lance de ce renouveau de la conscience collective. Toutefois, il est évident que les actions entreprises ne pourront obtenir un écho favorable, si les populations à la base, c'est-à-dire les communautés locales, n'adhèrent pas à la cause. Il faut par conséquent, engager une action de sensibilisation à leur endroit. Il reste que le travail des enfants, particulièrement dans ses pires formes, diminue partout dans le monde selon le récent rapport du B.I.T. Le nombre d'enfants au travail a chuté de 11% entre 2000 et 2004 passant de 246 millions à 218 millions29(*). Cette situation semble remettre en cause les analyses faites ci-dessus quant aux organes de contrôle. Comment avec des organes de contrôle défaillants, le fléau peut-il être combattu ? Il faut comprendre et se réjouir qu'il existe d'autres initiatives que les mécanismes juridiques, pour endiguer le phénomène. En effet, le travail des enfants, comme tout phénomène social, ne peut pas faire l'objet de mesures juridiques isolées. Il doit être considéré dans un ensemble intégrant surtout l'aspect sociologique du problème. Ainsi, le Bureau International du Travail a mis en place des programmes techniques pour lutter contre le fléau, directement sur le terrain. Il en est ainsi du programme de lutte contre la traite des enfants à des fins d'exploitation de leur travail en Afrique de l'ouest et du centre (LUTRENA) et de "International Programme on the Elimination of Child Labour" (I.P.E.C.). Ces programmes de promotion du travail décent par pays qui seront le principal moyen d'action du B.I.T. au niveau national au cours des années à venir30(*), intègrent véritablement les autres dimensions du fléau qui ne sont pas uniquement juridiques. Voilà, des initiatives qui permettent de suppléer quelque peu à la réticence des Etats et de la communauté internationale. Il s'ensuit que les gouvernements ont préféré combattre le phénomène du travail des enfants, sous l'angle plutôt technique que juridique ; cette méthode présentant moins de contraintes pour les souverainetés étatiques. Il se pose alors une nouvelle question. Suffit-il d'encourager des programmes de coopération technique, au dépend des mécanismes de contrôle, pour endiguer le fléau ? Nous savons tous que l'impact d'un mécanisme de contrôle dépend intrinsèquement de l'envergure que les volontés étatiques ont voulu lui donner. La lutte efficace contre le fléau, s'il nécessite d'être entrepris par l'aspect technique, devrait alors également être affirmée par les mécanismes juridiques qui consacrent les systèmes de contrôle. Le droit, ensemble de règles qui régissent la vie en société et dont la violation est sanctionnée par l'Etat, ne doit pas rester en marge dans cette entreprise, mais il doit jouer sa partition. Les Etats jaloux de leur souveraineté ne doivent pas le cloisonner dans les seconds rôles. Il ne s'agit pas pour nous, à travers cette étude de considérer l'endiguement du fléau, comme incombant uniquement aux Etats et à la communauté internationale. Loin de ce dessein, nous nous sommes seulement évertués à analyser l'attitude de ces derniers à travers les organes de contrôle institués. Il en est ressorti des insuffisances avérées qui témoignent d'une certaine réserve de leur part à consacrer des mécanismes de contrôle efficaces. Cette réticence, résultante du principe de souveraineté des Etats qui est tout à fait légitime, semble donc porter atteinte à la protection de cette couche vulnérable de la société que constituent les enfants. Un revirement dans l'attitude actuelle des Etats, qui favorisera un contrôle plus crédible, combiné avec les résultats obtenus jusqu'à présent grâce au concours des programmes de l'O.I.T., sera une véritable bouffée d'oxygène, salutaire au recul du fléau, dont il serait illusoire d'espérer l'éradication. * 29 Bureau International du Travail : « la fin du travail des enfants : un objectif à notre portée », Rapport global en vertu du suivi de la déclaration de l'O.I.T. relative aux principes et droits fondamentaux au travail, Conférence Internationale du Travail, 95è session, Genève, B.I.T., mai 2006, p.7 * 30 Ibidem p.99 |
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