II.2.2.4. Effets secondaires
Le profil de tolérance de l'apraclonidine constitue
indiscutablement un facteur limitant pour une utilisation importante. Ce n'est
pas tant les complications cardiovasculaires du médicament
á2-adrénergique que les effets indésirables oculaires qui
sont redoutés. Du fait d'un passage limité de la barrière
hématoencéphalique. La prudence est de règle chez les
patients présentant une pathologie cardiovasculaire sévère
ou instable, en raison du tropisme de la molécule pour le système
nerveux végétatif.
L'effet indésirable systémique le plus souvent
rapporté est La sécheresse de la bouche, relativement bien
tolérée, car elle diminue avec le temps. La sensation d'un
goût amer dans la bouche est parfois observée (3 %), mais est
simplement passagères et sans conséquence.
-une sécheresse nasale (2 % des cas).
-Autres symptômes sont décrits mais avec une
faible fréquence : asthénie (< 3 %), somnolence,
céphalées (< 3 %), rhinite, malaise, myalgies, dyspnée
asthmatiforme.
L'utilisation prolongée de l'apraclonidine peut
être responsable d'une intolérance oculaire de nature
vraisemblablement allergique: hyperhémie conjonctivale, chémosis,
réactions eczématiformes [56, 86].
II.2.3. Brimonidine
La brimonidine est une imidazoline hautement sélective
des récepteurs á2-adrénergiques dont la structure chimique
est proche ce celle de la clonidine et de l'apraclonidine, mais plus lipophile
que cette dernière. La baisse de PIO observée après
instillation de brimonidine est liée à une diminution de
production de l'humeur aqueuse, avec un effet possible sur son
élimination uvéosclérale.
Tout comme l'apraclonidine, la brimonidine à 0,5 %
administrée selon un protocole similaire s'oppose efficacement à
l'hypertonie oculaire accompagnant la trabéculoplastie au laser argon.
L'effet sur la pression de la brimonidine à 0,2 % instillée deux
fois par jour est globalement comparable à celle du timolol à 0,5
%. Bien que partageant le même mécanisme d'action, l'association
aux collyres â-bloquants (en cas d'inefficacité
thérapeutique) est synergique. Comparativement à l'apraclonidine,
la brimonidine ne semble pas donner lieu à des phénomènes
d'échappement thérapeutique (tachyphylaxie)
[85].
Effets indésirables
Les principaux effets indésirables rencontrés
avec la brimonidine sont principalement de nature systémique,
liés au passage de la barrière hématoencéphalique
de la molécule : sécheresse buccale, fatigue et somnolence.
Même si la fréquence cardiaque ou la pression artérielle
sont peu perturbées par l'instillation de brimonidine, la prudence doit
être de mise chez les patients présentant des
antécédents cardiovasculaires sérieux. La fréquence
des effets systémiques semble supérieure à celle
occasionnée par l'apraclonidine. La brimonidine donne lieu à des
réactions d'intolérance locale de nature allergique dont
l'incidence est significative (5 % à 3 mois, environ 12 % au bout de 1
an) [58].
III. Cholinergiques (ou Myotiques)
Pendant longtemps au centre de la pharmacopée
antiglaucomateuse, les myotiques sont maintenant relégués au
second plan du fait du développement de nouvelles classes
thérapeutiques. En dépit d'une tolérance locale variable,
les myotiques demeurent cependant des médicaments efficaces dans le
traitement du glaucome [76].
III.1. Mode d'action
L'effet cholinergique peut être reproduit par les
parasympathomimétiques directs et les anticholinestérasiques. Ces
derniers inactivent l'acétylcholinertérase, enzyme chargée
d'hydrolyser l'acétylcholine, et augmentent la concentration
d'acétylcholine dans la fente synaptique. Les molécules qui se
fixent de façon compétitive sur les récepteurs
postsynaptiques muscariniques sont les parasympathomimétiques directs
comme la pilocarpine (le chef de file), la méthacholine, le carbachol
et l'acéclidine.
Les deux phénomènes pharmacologiques
observés après instillation de parasympathomimétiques sont
le myosis et la contraction du muscle ciliaire. Les effets des myotiques sur la
sécrétion de l'humeur aqueuse sont discutés et leur action
réside essentiellement en une diminution de la résistance
à l'écoulement trabéculaire. Alors que la racine de l'iris
entre en contact avec le muscle ciliaire et le trabéculum uvéal,
les fibres longitudinales du muscle ciliaire s'insèrent fortement
à l'éperon scléral et, par son intermédiaire,
à la partie postérieure du trabéculum
cornéoscléral. La contraction du muscle ciliaire se transmet
à ces deux dernières structures par l'intermédiaire de
leur insertion commune, l'éperon scléral, provoquant une
rotation postérieure de 15° de l'éperon scléral.
L'éperon exerce une traction mécanique rapide sur les mailles
intertrabéculaires, ce qui a pour effet de les ouvrir « en
éventail ». L'élargissement concomitant des espaces
intertrabéculaires facilite l'écoulement de l'humeur aqueuse. Un
effet direct sur l'activité biochimique des cellules
trabéculaires contribuerait également à la baisse de PIO.
A contrario, les myotiques réduisent l'évacuation
uvéosclérale de l'humeur aqueuse, ce qui peut expliquer certaines
hypertonies paradoxales lors de la prescription de pilocarpine chez un patient
présentant un angle aux fonctions compromises (lors d'une
récession traumatique de l'angle) [75].
III.2. Pharmacocinétique
La pilocarpine, extraite d'une plante rutacée
sud-américaine, le pilocarpus jaborandi, possède, comme la
plupart des alcaloïdes, une bonne pénétration
cornéenne du fait de son profil mixte hydrosoluble et liposoluble. Sa
biodisponibilité dépend de facteurs locaux, en particulier de la
teneur en mélanine des tissus uvéaux. En effet, le pigment
mélanique est capable de fixer de façon non spécifique la
drogue et donc d'en modifier sa pharmacocinétique. Cette notion de
susceptibilité individuelle nécessite de vérifier
l'efficacité d'un faible dosage de pilocarpine (1 ou 2 %) avant
d'augmenter la concentration du collyre. Chez le mélanoderme, la
pilocarpine présente un effet pressionnel moins important mais plus
prolongé (dosage à 4 %). Enfin, l'augmentation de la
concentration du collyre myotique s'accompagne surtout d'un allongement de la
durée d'action du produit et non pas de l'intensité de l'effet
induit [76].
III.3. Mode d'administration
En collyre, la pilocarpine possède une durée
d'action limitée, ce qui nécessite théoriquement une
triple instillation sur le nycthémère, ne favorisant pas ainsi
l'observance thérapeutique. Cela explique le développement de
nombreuses formes galéniques, qu'il s'agisse d'émulsions, de gels
visqueux ou d'implants thérapeutiques solubles, permettant une
augmentation du temps de contact cornéen ou une libération
constante et prolongée du PA (jusqu'à 8 jours) ainsi qu'une
réduction de ses effets latéraux.
A la posologie utilisée, l'effet pharmacologique du
carbachol est principalement dû à l'activation des
récepteurs muscariniques. L'acéclidine 2 %, cholinergique de
synthèse, s'avère également aussi efficace que la
pilocarpine, avec des effets secondaires moins accusés. Le rythme
d'administration est de l'ordre de quatre fois par jour.
Bien que leur pharmacocinétique prolongée
autorise une réduction du nombre des instillations (une seule fois par
jour le soir au coucher pour l'écothiopate iodure ou Phospholine iodide
®), les anticholinestérasiques organophosphorés sont peu
utilisés en clinique du fait de leurs effets secondaires marqués
[75].
III.4. Effets secondaires
Les effets indésirables des
parasympathomimétiques sont surtout locaux et liés à la
stimulation des sites muscariniques du :
- Sphincter irien (myosis, effet sténopéique,
baisse de vision nocturne)
- Muscle ciliaire (spasme d'accommodation pendant 2 heures
après instillation, pseudomyopie induite particulièrement chez
les sujets jeunes ou myopes, décollement postérieur du
vitré, rupture de la barrière hématoaqueuse)
- de la glande lacrymale (larmoiement réflexe,
irritation palpébrale).
Pour ces raisons, une bonne indication de la pilocarpine est
le glaucome chronique à angle ouvert survenant chez le pseudophaque.
Toute prescription de myotique nécessite un examen soigneux
régulier de la périphérie rétinienne du fait du
risque de décollement de rétine (traction
vitréorétinienne par contraction ciliaire). La dilatation
maximale permet également d'éviter les synéchies
postérieures dues au myosis prolongé. La diminution de profondeur
de la chambre antérieure (- 0,25 mm) est surtout observée avec la
pilocarpine.
Ces complications sont réduites avec certains
cholinergiques de synthèse (acéclidine) ou par les gels et
émulsions de pilocarpine. En revanche, les
anticholinéstérasiques au long cours sont plus irritant, et
peuvent entraîner une rigidité plastique de l'iris ainsi que la
formation de kystes iriens par rupture de la barrière
hémato-aqueuse. Ils seraient en outre responsables d'un effet
cataractogène (opacités ioniques à travers la capsule
cristallinienne).
Si l'action des anticholinestérasiques est plus
prolongée, les effets indésirables locaux (myosis) et surtout
généraux (sensibilité accrue au curare en cas
d'anesthésie générale responsable d'une véritable
« intoxication cholinergique » marquée par des
douleurs abdominales et des diarrhées, d'une bradycardie et d'une
hypotension artérielle) limitent l'utilisation de ces drogues dans la
thérapeutique antiglaucomateuse [76].
IV. Les prostaglandines
Les prostaglandines sont des produits de l'acide arachidonique
(par l'intermédiaire de l'intervention d'une cyclo-oxygènase),
acide gras polyinsaturé, lié aux phospholipides membranaires de
la plupart des cellules de mammifères. Elles forment une famille
extrêmement complexe, agissant telles des hormones locales
(« autacoïdes ») pour induire des effets
physiologiques et pharmacologiques très variés, confinés
au niveau de l'organe qui les synthétise.
Elles sont connues depuis longtemps des ophtalmologistes pour
leur rôle dans les processus inflammatoires oculaires. Mais ces
molécules peuvent intervenir aussi - entre autres - sur le
métabolisme aqueux, soit en augmentant, soit en diminuant la pression
intraoculaire selon les molécules et les espèces.
Les travaux les plus importants ont abouti à retenir la
molécule appelée PhXA 41 ou latanoprost, première
prostaglandine disponible pour traiter hypertensions intraoculaires et
glaucomes [2].
IV.1. Mode d'action
La tonographie et les études fluorophotomériques
ont démontré que les prostaglandines abaissent la PIO en
augmentant la facilité d'écoulement de l'humeur aqueuse, mais
qu'elles ne réduisent pas la sécrétion aqueuse, et
qu'elles n'augmentent pas (aux doses usuelles) l'excrétion
trabéculaire.
Les prostaglandines se fixent sur des récepteurs
prostanoïdes, le latanoprost est, au niveau du muscle ciliaire, un
agoniste sélectif du récepteur appelé FP. Cette
sélectivité explique l'absence ou la modestie des effets
latéraux habituellement observés avec d'autres
prostaglandines.
Elles agissent en réalité en augmentant la
résorption uvéosclérale, comme l'ont
démontré l'utilisation de substances radioactives, mais le
mécanisme précis de cette action est encore incomplètement
établi. A l'intérieur du muscle ciliaire, les espaces entre les
fibres sont élargis, peut-être grâce à un
relâchement des fibres musculaires, mais plus certainement grâce
à une perte ou une modification du matériel extracellulaire par
l'intervention de collagénases. Cet effet est réversible en
quelques jours. Le trabéculum se trouve ainsi exagérément
concurrencé par un "by-pass" de l'humeur aqueuse, sorte de
cyclodialyse chimique [83, 49].
IV.2. Pharmacocinétique
Le dosage optimal retenu a été, avec le
latanoprost, celui de 0,005 %. La baisse de la PIO débute 3 à 4
heures après l'instillation, est maximale entre la 8e et la 12e heure,
et persiste encore à la 24e heure. Cette longue durée d'action
autorise une seule instillation par jour. Appliqué le soir, le
latanoprost diminue la PIO moyenne diurne plus significativement que ne le fait
le timolol (27 à 34 %, contre plutôt 20 à 33 % pour le
timolol)... alors qu'appliqué le matin, le latanoprost a la même
action que le timolol. Cette efficacité reste identique à 6 mois,
et à 1 an. IL est efficace pour entraîner une baisse la PIO
même lorsque celle-ci est inférieure à 20 mmHg, et peut
donc être prescrit dans les cas de glaucome à pression normale
[3].
Le latanoprost peut être combiné à
d'autres thérapeutiques antiglaucomateuses pour renforcer la baisse de
pression :
- les â-bloquants, avec une baisse supplémentaire
de la PIO d'environ 15 %.
- la pilocarpine. Cet effet additionnel peut paraître
surprenant, car la pilocarpine augmente la contraction du muscle ciliaire, et
l'on pourrait s'attendre à une inefficacité du latanoprost
lorsque le patient reçoit déjà un myotique. Cela ne se
vérifie donc pas en pratique, tout au moins en utilisant de la
pilocarpine à 2 %, la combinaison des deux drogues entraînant une
baisse de pression plus importante que chacune d'elles instillée
isolément [71].
IV.3. Effets secondaires
a- Systémiques
Vraisemblablement parce que latanoprost se retrouve à
une concentration plasmatique extrêmement faible, de surcroît avec
un métabolisme rapide, aucun effet systémique ne fut
signalé (pouls, tension artérielle, appareil respiratoire,
examens biologiques) [76].
b- Oculaires
Chez l'homme, le latanoprost n'a aucun effet sur la taille de
l'iris et sur l'accommodation.
Le latanoprost a très peu d'affinité avec les
récepteurs qui interviennent dans la réponse inflammatoire (EP2),
ce qui explique la bonne tolérance locale rapportée. En revanche,
une hyperhémie conjonctivale chronique est parfois signalée (dans
mois de 5 % des cas) sans différence entre les instillations faites le
soir ou le matin.
Quelques rares cas indiquent la possibilité d'un
oedème maculaire cystoïde, chez des yeux ayant subi une chirurgie
de la cataracte compliquée, mais qui paraît totalement
réversible à l'arrêt du traitement.
Le seul problème est celui d'une possible pigmentation
irienne (essentiellement pour les iris à la coloration partiellement
brune) [73].
V. Inhibiteurs de l'anhydrase carbonique
(IAC)
Les Inhibiteurs de l'anhydrase carbonique (IAC) sont
principalement représentés par les sulfonamides aromatiques
hétérocycliques dont le chef de file est l'acétazolamide.
Ils sont efficaces pour réduire la PIO dans les glaucomes primitifs,
dans les glaucomes associés à une anomalie
développementale de l'angle iridocornéen ou dans les glaucomes
secondaires, le dorzolamide autorise maintenant une prescription locale
[34].
Mode d'action
Ils réduisent la sécrétion de l'humeur
aqueuse d'environ 40 à 60%. Cet effet est probablement dû à
l'inhibition de l'anhydrase carbonique présente dans
l'épithélium ciliaire non pigmenté (sous forme d'isoenzyme
de type II et IV). Même si l'acidose observée dans les comas
métaboliques s'accompagne d'une profonde hypotonie oculaire, de nombreux
arguments expérimentaux plaident pour un mécanisme d'action
purement ciliaire. L'anhydrase carbonique a pour rôle de catalyser la
réaction d'hydratation du gaz carbonique avec production de bicarbonates
et de protons. L'acétazolamide diminue la production de bicarbonates et
modifie le pH intracellulaire épithélial, ce qui a pour effet de
bloquer la sortie du sodium et donc de limiter les flux liquidiens hors de la
cellule épithéliale ciliaire [10].
V.1. Inhibiteurs de l'anhydrase carbonique prescrits
per os ou par voie parentérale
Ils se limitent souvent à l'acétazolamide,
d'autres IAC sont employés comme : méthazolamide ou
dichlorophénamide.
V.1.1. Administration
La posologie utilisée pour l'acétazolamide varie
de 150 à 750 mg pour la forme orale, répartie harmonieusement en
3, voire 4, prises toutes les 8 heures, et est de 500 mg sous forme injectable
intraveineuse éventuellement renouvelable. Des doses inférieures
sont préférées chez les patients dont le poids corporel
est bas (15 mg/kg/j chez l'enfant par voie orale ; 5 à 10 mg/kg/ 6h
par voie intraveineuse).
Le méthazolamide possède une durée
d'action supérieure à celle de l'acétazolamide, permettant
d'espacer la posologie. Les doses utilisées étant moins
élevées, le méthazolamide peut être plus facilement
prescrit au long cours. La voie veineuse est très utile dans la crise de
glaucome aigu du fait des vomissements. Le recours aux IAC permet de
réduire rapidement la PIO, de diminuer l'ischémie relative dont
souffrent les muscles iriens et donc d'optimiser l'action des myotiques.
L'augmentation des doses de l'acétazolamide au-delà de ces
limites est inefficace, voire nocive, par augmentation de la diurèse
alcaline (due à l'élimination urinaire des bicarbonates)
[10].
II.4.2.2. Effets secondaires
La prescription de l'acétazolamide n'est pas sans
danger et un nombre considérable de sujets glaucomateux ne peuvent
poursuivre leur traitement du fait de la survenue d'effets
indésirables :
- L'acidose métabolique, qui se traduit par une
altération de l'état général (anorexie,
asthénie, amaigrissement) et une perte de la libido. Les lithiases
urinaires et les coliques néphrétiques sont liées à
l'acidose métabolique et à la diminution de l'élimination
rénale des citrates (Le méthazolamide présente des effets
secondaires rénaux moins prononcés). Ce risque, qui
s'atténue après la première année de traitement,
peut être limité par la prise de bicarbonates ou de citrates.
- L'hypokaliémie, à l'origine de
paresthésies des extrémités et d'une faiblesse musculaire,
doit être recherchée par un dosage de la kaliémie au
moindre doute, par un électrocardiogramme, et peut être
prévenue par l'adjonction de potassium (comprimés, sirops,
agrumes, bananes ou fruits secs) qui n'est généralement prescrite
qu'après diagnostic de l'hypokaliémie. En effet, la diminution du
potassium sanguin est généralement transitoire et survient le
plus souvent en début de traitement. Elle est plus fréquente
lorsque d'autres médicaments hypokaliémiants (corticoïdes,
digitaliques) sont parallèlement prescrits.
D'autres effets secondaires sont également
décrits : intolérance digestive, mauvais goût avec les
boissons gazeuses, myopie transitoire, rashs cutanés, aplasie
médullaire de mécanisme idiosyncratique mais dont la survenue
n'est pas liée à la dose cumulée.
L'ophtalmologiste doit être ainsi alerté lorsque
le patient présente des signes en faveur d'une aplasie
médullaire, tels que des ecchymoses inexpliquées, des
pétéchies, une anémie symptomatique ou la survenue
d'infections à répétition. La prudence est aussi de
règle chez les insuffisants cardiaques, chez les diabétiques
(hyperglycémie induite et risque de coma acidocétosique).
Les insuffisances d'origine hépatique, respiratoire ou
rénale, représentent des contre-indications absolues au
traitement [76].
V.2. Inhibiteurs de l'anhydrase carbonique par voie
locale
Près de 40 ans se sont écoulés entre la
découverte de l'effet sur la pression de l'acétazolamide et la
mise sur le marché du dorzolamide, les pharmacologues se sont rapidement
accordés l'intérêt des formes topiques des IAC, permettant
une diminution des effets indésirables systématiques de la
molécule. Bien que de nombreuses molécules conjuguent les
propriétés galéniques et biologiques requises, seul le
dorzolamide a suffisamment été développé pour
être actuellement disponible en clinique.
Un intérêt majeur des IAC sous forme locale est
l'amélioration du profil de tolérance systématique du fait
de la vectorisation oculaire. La dose journalière maximale d'une goutte
de dorzolamide à 2 % instillé trois fois par jour dans les deux
yeux est de 6 mg, ce qui correspond à une quantité
négligeable, par rapport à celle apportée par
l'acétazolamide par voie orale [61].
V.2.1. Pharmacocinétique
Chez des patients présentant une hypertonie oculaire,
le dorzolamide à 2%, administré trois fois par jour, diminue la
PIO d'environ 16 %, l'effet maximal étant obtenu 2 heures après
installation. Huit heures après, l'efficacité du dorzolamide
diminue pour se stabiliser à environ 15 % des valeurs initiales. Le
choix de la concentration de 2 % correspond au sommet de la courbe dose-effet
et assure une stabilité de l'activité pharmacologique sur le long
terme. Des études cliniques ont comparé l'effet hypotonisant
oculaire du dorzolamide à 2 % instillé deux à trois fois
par jour. Les deux schémas posologiques entraînent une
réduction globalement similaire de la PIO, mais l'analyse des courbes
nycthémérales indique que l'effet sur la pression est
prolongé en fin de journée par l'administration triquotidienne.
En monothérapie, ce schéma posologique est ainsi logiquement
préconisé alors qu'en association médicamenteuse, une
simple instillation biquotidienne, peut suffire pour contrôler
durablement la PIO dans la plupart des cas [50].
V.2.2. Effets secondaires :
Les principaux effets indésirables avec le dorzolamide
sont locaux : brûlures à l'instillation (environ 10 à
15 % des patients), démangeaisons et picotements oculaires. Une
conjonctivite allergique est notée chez environ 6 % des patients,
survenant typiquement 4 à 6 semaine après l'introduction du
collyre. Il est intéressant d'observer que les patients allergiques aux
sulfamides ne sont pas particulièrement sujets à une allergie
oculaire au dorzolamide. Un goût amer dans la bouche est signalé
par plus d'un patient sur quatre traité avec le dorzolamide sans que cet
effet indésirable soit gênant. La présence d'anhydrase
carbonique dans la cornée et l'accumulation intracornéenne de son
précurseur ont fait craindre un effet néfaste du dorzolamide sur
les échanges hydroélectrolytiques cornéens.
Plusieurs études menées chez l'homme font
mention d'une augmentation modérée de l'épaisseur
cornéenne après 4 à 6 semaines de traitement, sans que la
densité cellulaire endothéliale cornéenne soit apparemment
perturbée. La prudence doit être de règle en cas
d'utilisation chez des patients dont la fonction endothéliale
cornéenne est défaillante [84].
V.2.3. Comparaison avec
l'acétazolamide
Des études préliminaires indiquent que le
patient sous acétazolamide par voie orale peut être traité
avec le dorzolamide sans modification significative de l'efficacité
(mais avec suppression des effets indésirables systématiques).
Dans la majorité des cas, la PIO n'est pas
significativement modifiée lorsque le dorzolamide est remplacé
par l'acétazolamide. Il est cependant démontré qu'une dose
quotidienne de 500 mg d'acétazolamide est plus efficace q'une
instillation triquotidienne de dorzolamide à 2 % dans le contrôle
des pics hypertoniques oculaires survenant après chirurgie de la
cataracte. De même, chez les sujets volontaires sains, l'inhibition de la
sécrétion de l'humeur aqueuse est plus marquée avec
l'acétazolamide (administré à fortes doses) qu'avec le
dorzolamide. L'apparente supériorité clinique de
l'acétazolamide pourrait s'expliquer par des différences d'ordre
pharmacocinétique (voie orale, voie topique) ou pharmacologique
(inhibition de l'isoenzyme de type II pour le dorzolamide, inhibition des
isoenzymes II et IV pour l'acétazolamide).
En pratique, le remplacement de l'acétazolamide par le
dorzolamide (choix judicieux en cas de glaucome unilatéral, de
traitement de l'oeil non opéré dans les suites d'une chirurgie
filtrante controlatérale) doit faire l'objet d'une attention
particulière, la PIO devant être systématiquement
vérifiée. L'association de deux IAC pourrait aboutir à un
gain de pression, mais est peu recommandée du fait du risque de
potentialisation des effets indésirables.
Dans les situation aiguës (glaucome par fermeture de
l'angle), l'acétazolamide est préférable à la
dorzolamide, à la fois pour des raisons pharmacocinétiques et
pharmacodynamiques [39, 53].
V.2.4. Mono- et bithérapie
En monothérapie, l'instillation triquotidienne de
dorzolamide à 2 % exerce des effets hypotonisants oculaires globalement
comparables à ceux obtenus avec le bétaxolol à 0,5 %,
mais légèrement inférieurs à ceux du timolol
à 0,5 %. Chez des patients présentant une hypertonie oculaire
et/ou un glaucome chronique, la baisse de la PIO est de l'ordre de 6 mm Hg deux
heures après instillation du dorzolamide, de l'ordre de 4 à 5
mmHg huit heures après celle-ci. Le dorzolamide constitue ainsi une
indication thérapeutique intéressante en monothérapie en
cas de contre-indications générales aux collyres -bloquants.
En association au timolol à 0,5 % ( à raison
d'une instillation deux fois par jour), le dorzolamide à 2 % (à
raison d'une instillation deux fois par jour) apporte un gain de pression
supplémentaire, de l'ordre de 15 à 20 % chez des patients
glaucomateux. L'efficacité clinique du dorzolamide à 2 % est
comparable à celle de la pilocarpine à 2 % (à raison d'une
instillation quatre fois par jour) lorsque les deux collyres sont
associés à un collyre -bloquant (réduction
supplémentaire de la PIO de l'ordre de 20 %). Le dorzolamide n'a pas
été étudié en trithérapie, en particulier en
association à des collyres partageant le même mécanisme
d'action antisécrétoire, mais il est probable que l'effet sur
pression du dorzolamide s'atténue lorsque la sécrétion de
l'humeur aqueuse est préalablement réduite.
De nouveaux IAC sous forme locale sont commercialisés
tels que l'association timolol-dorzolamide ou le brinzolamide qui produit,
à 1 % (2 ou 3 fois par jour), une baisse de pression équivalente
à celle obtenue par le dorzolamide en instillation triquotidienne
[14, 45].
VI. Agents hyperosmotiques (Traitement
complémentaire)
Les agents hyperosmotiques sont largement utilisés en
clinique dans le traitement de l'hypertonie aiguë (glaucome par fermeture
de l'angle et glaucome secondaire) rétrocédant partiellement aux
-bloquants et aux IAC. Leur utilisation dans le glaucome chronique n'est pas
recommandée.
Les substances hyperosmolaires réduisent la PIO par
séquestration vasculaire des fluides et élévation de la
pression oncotique sanguine. Leur mécanisme d'action s'explique
essentiellement par une déshydratation du vitré, et la
réduction de la formation ciliaire de l'humeur aqueuse.
VI.1. Glycérol
Le glycérol est utilisé à la posologie de
1 à 1,5 g/kg par voie orale (dose maximale de 120 g/j). L'effet sur la
pression est fonction de l'absorption digestive du composé mais est
rapide, maximal au bout de 30 minutes et durant 6 heures environ. Sa voie
d'administration en fait un médicament facile à prescrire en
cabinet de ville dans le glaucome par fermeture de l'angle
VI.2. Mannitol
Le mannitol est administré par voie intraveineuse
à la même posologie dilué à 20 % (8 à 10
ml/kg), à 10 % (15 à 20 ml/kg), à 5 % (30 à 40
ml/kg), en perfusion rapide (moins de 30 minutes). Le temps de la perfusion
conditionne en pratique l'efficacité du produit. La baisse de la PIO
débute au bout de 20 minutes pour se maintenir pendant 2 à 6
heures. Le mannitol demeure efficace même en présence
d'inflammation oculaire [25, 65].
VII. Intérêt de nouveaux
vecteurs
En dehors de la mise au point de nouvelles molécules
hypotensives oculaires, les axes actuels de la recherche concerne
l'amélioration des vecteurs pharmacologiques pour augmenter la
biodisponibilité, réduire les effets secondaires, et obtenir une
plus grande stabilité de l'effet dans le temps, avec finalement une
diminution des concentrations et de la posologie. Cela peut être obtenu
en augmentant la pénétration du principe actif à travers
la cornée, et l'utilisation de bioprécurseurs est une
première réponse ; ou en essayant d'allonger le temps de
résidence du médicament sur le globe en améliorant les
systèmes de vectorisation galénique (lentilles
prétrempées, gels, implants solubles ou insolubles, liposomes,
nanoparticules, nanocapsules...).
L'approche traditionnelle dans le traitement du glaucome
consiste à diminuer la pression intraoculaire. Toutefois, cette
démarche n'empêche pas les pertes de champ visuel, il faudra
à l'avenir avoir pour objectif la survie des cellules ganglionnaires de
la rétine. En plus d'utiliser des agents contrôlant la pression
intraoculaire, il sera bon de considérer des médicaments
neuroprotecteurs et d'autres pouvant améliorer le débit sanguin
oculaire. Ainsi les nouvelles molécules visent à
- Prévenir la neurotoxicité due au glutamate en
bloquant le canal calcium et améliorer le débit sanguin oculaire.
- Inhiber l'accumulation intracellulaire de calcium.
- Inhiber de l'oxyde nitrique synthase.
Bref, à l'avenir, l'efficacité d'un
médicament contre le glaucome dépendra de sa capacité
à protéger les cellules ganglionnaires de la rétine et
surtout à préserver la fonction visuelle [59,
48].
B - Traitement non médicamenteux
I. Trabéculectomie
I.1. Définition
La trabéculectomie est une intervention chirurgicale
décrite en 1968 consistant à réséquer, sous un
volet scléral, une portion profonde du limbe
scléro-cornéen contenant la trabéculum et le canal de
Schlemm [36].
I.2. Mode d'action
Le but était de laisser les deux
extrémités du canal de Schlemm directement en contact avec
l'humeur aqueuse, sans l'intermédiaire du réseau
trabéculaire. Mais des études histologiques ont vite
montré que se produisait le plus souvent une obstruction fibreuse des
extrémités sectionnées du canal.
La trabéculectomie est une intervention relativement
courte (moins de 40 minutes habituellement), qui peut être
réalisée sous anesthésie locale ou
générale [75].
I.3. Résultats de la
trabéculectomie
Les résultats tonométriques de la
trabéculectomie sont globalement excellents, puisque des séries
statistiques donnent 80 à 90 % de retour à la pression normale.
Dans la plupart des cas, la poursuite d'un traitement médical n'est plus
nécessaire. L'efficacité de la trabéculectomie est
généralement attestée par la présence d'une bulle
de filtration. Il faut différencier celle-ci d'une
« pseudobulle » parfois très saillante, non
fonctionnelle, réaliser par ne accumulation des tissus conjonctivaux
cicatriciels : dans ce cas, le massage oculaire digital n'a aucune
tendance à accroître la taille du soulèvement, et ne
s'accompagne pas d'une baisse de pression.
Les résultats sur l'évolution des
déficits périmétriques sont plus contestés ;
certains trouvent que la trabéculectomie arrête toute
détérioration du champ visuel central, mais d'autres
études prouvent que celui-ci s'aggrave dans 20% des cas (ce qui risque
de priver définitivement le patient de son acuité visuelle)
[23].
I.4. Floro-5-uracile
La cause essentielle de l'échec d'une intervention
filtrante est la formation d'une fibrose sous-conjonctivale bloquant
l'évacuation de l'humeur aqueuse. La prolifération
fibroblastique, processus cicatriciel physiologique en est la cause. Cette
prolifération survient dès le 2e jour
postopératoire, qu'elle est particulièrement intense ente le
3e et le 6e jour, et qu'elle disparaît vers le
12e jour.
Le fluoro-5-uracile (5-FU) est un analogue structural de la
pyrimidine, et présente une action antimétabolique. Il inhibe en
culture la prolifération fibroblastique. Injecté par voie
sous-conjonctivale, il est efficace pour diminuer le risque d'échec
d'une intervention filtrante [35].
II. Trabéculoplastie
La trabéculoplastie a largement fait la preuve de son
efficacité pour la baisse de la PIO. Elle est souvent une
précieuse alternative au traitement chirurgical du GPAO, et parfois
même au traitement médical lorsque celui-ci est mal
toléré.
En 1976, on a imaginé une autre possibilité de
traitement utilisant l'énergie laser. Le trabéculum étant
un anneau formé d'une compaction de lamelles présentant
elles-mêmes une multitude d'espaces, on a envisagé d'augmenter la
facilité d'écoulement en provoquant un étirement de ce
tissu, et donc une diminution de la densité trabéculaire. Pour
cela, on a placé sur toute la circonférence du
trébéculum une centaine de petits impacts, courts mais puissants
[75].
II.1. Mode d'action
Les brûlures provoquent un raccourcissement
immédiat des fibres collagènes constituant le trabéculum,
en entraînant donc un rétrécissement concentrique de
l'anneau trabéculaire. Le collapsus du trabéculum et du canal de
Schlemm est ainsi levé, grâce à la distension des espaces
préexistants et peut-être aussi grâce à l'ouverture
de nouvelles voies de passage pour l'humeur aqueuse. Des études au
microscope électronique d'yeux traités ont effectivement
montré des modifications anatomiques de la trame trabéculaire
[67].
II.2. La chute pressionnelle
La trabéculoplastie diminue en moyenne la PIO de 6
à 13 mmHg. Elle repousserait immédiatement l'indication
opératoire chez quatre candidats à la chirurgie sur cinq.
L'importance du traitement médical est diminué deux fois sur
trois, et celui-ci peut même être totalement supprimé dans
10 % des cas.
La baisse de pression est d'autant plus importante que la PIO
de départ est haute et que le sujet traité est âgé.
Il est tout de même possible de diminuer une PIO inférieure
à 20 mmHg sous traitement médical maximal (sans qu'il s'agisse de
glaucome à pression normale) : près d'une fois sur deux, la
PIO baisse de plus de 20 % [77].
III. L'iridectomie
L'iridectomie consiste en la confection d'un trou dans la
périphérie de l'iris. Cet orifice, en court-circuitant la pupille
qui gène ou bloque le passage de l'humeur aqueuse, n'a pas besoin
d'être particulièrement large pour rétablir une
communication normale entre la chambre postérieure et la chambre
antérieure. L'iridectomie peut être chirurgicale ou au laser
[75].
III.1. L'iridectomie chirurgicale
L'iridectomie chirurgicale contemporaine se fait au travers
d'une incision transcornéenne (technique de Charleux), elle peut se
réaliser sous anesthésie locale avec injection
rétrobulbaire ou parabulbaire ou même avec une simple
anesthésie superficielle de contact (dans les cas favorables)
Contrairement à l'iridectomie au laser, elle ne
comporte pas de poussée hypertonique postopératoire
En pratique, après anesthésie, on fixe le globe
avec une pince de Paufique par le droit supérieur. La lame
pénètre la cornée à la limite des arcades
vasculaires et se dirige vers l'angle ; l'iris est saisi avec la pince de
Bonn et attiré vers l'extérieur puis coupé. On
vérifie sur la pièce que l'épithélium
postérieur est présent, on reforme la chambre antérieure
si nécessaire, l'incision étant auto-étanche, toute suture
est inutile [6].
III.2. L'iridectomie au laser
L'iridectomie peut être réalisée avec de
nombreux types de laser mais essentiellement, en pratique actuelle, le laser
à Aragon et le laser Yag [75].
III.2.1. Laser à Aragon
Par sa grande diffusion et son efficacité dans la
grande majorité des cas, il occupe encore une place
privilégiée pour la pratique d'une iridectomie dans le GAF.
L'énergie est délivrée par un laser à aragon
bleu-vert, à l'optique bien réglée, permettant de disposer
d'une puissance d'au moins deux watts à sa sortie.
Après préparation par un myotique, trente
minutes auparavant, la procédure débute par l'instillation de
quelques gouttes d'anesthésique de contact et la mise en place de verre
focalisateur qui concentre l'énergie du laser sur l'iris, permettant un
travail plus fin et plus efficace, mais aussi plus sûr tout en facilitant
le travail au laser à la surface de l'iris et en particulier la
réalisation d'une iridectomie.
III.2.2. Laser Yag
Le laser Yag fonctionne en mode disruptif, ce qui rend
l'iridectomie plus facile, plus rapide significativement plus efficace qu'une
iridectomie au laser à aragon.
Sans préparation parallèle au laser thermique,
on peut réaliser l'iridectomie en un à cinq impacts d'un laser
fonctionnant en nanosecondes avec une puissance de 7 à 10
millijoules ; l'iridectomie obtenue présente un aspect
déchiqueté [40].
IV. Iridoplastie
périphérique
Elle consiste dans la mise en place,
généralement au travers d'un verre à gonioscopie
focalisateur, d'impacts de laser à Aragon larges (250 à 500 um),
et assez prolongés ( 2 ms), non confluents, à la
périphérie de la racine. La chaleur provoque une
rétraction du tissu irien, qui se maintient en grande partie lors de la
cicatrisation, ce qui diminue l'épaisseur de la racine de l'iris et
rouvre l'angle. L'iridoplastie périphérique est indiquée
à la place de l'iridectomie quand il existe un iris-plateau, elle l'est
aussi dans la nanophtalmie et le glaucome malin [19].
|