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Prise en charge et évaluation du traitement médicamentaux du glaucome primitif a angle ouvert

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par Oussama BENOMAR
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Doctorat en Pharmacie 2006
  

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A - Traitement médicamenteux

I. Bêtabloquants (ou antagonistes bêta -adrénergiques)

L'utilisation de collyres aux â-bloquants a été suggérée dans le traitement de l'hypertension intraoculaire et du glaucome depuis plus de 30 ans. Ils demeurent le traitement médical antiglaucomateux le plus prescrit, habituellement en première intention, en raison de leur efficacité et de leur excellente tolérance locale [60].

I.1. Mode d'action

Les collyres â-bloquants agissent en diminuant la sécrétion active de l'humeur aqueuse par les cellules claires de l'épithélium ciliaire. Ils bloquent précisément l'action de l'enzyme adénylate-cyclase membranaire, essentiellement sur les sites â2-adrénergiques de ces cellules ciliaires. L'adénylate-cyclase transforme l'adénosine triphosphate (ATP) intracellulaire en adénosine monophosphate (AMP) cyclique qui commande la sécrétion aqueuse. A la conception classique de pompes ioniques s'est substituée celle de « canaux ciliaires », situés à la jonction cellules claires/cellules pigmentées, dont les transits sont commandés par l'AMPc [18].

I.2. Pharmacocinétique

Globalement, l'action hypotensive oculaire d'un collyre â-bloquant commence 20 minutes environ après l'instillation, et atteint un maximum d'efficacité entre 2 et 4 heures. Cet effet peut se prolonger au-delà de 24 heures.

La réduction de la PIO est de l'ordre de 30 à 35 % dans les premiers jours, mais peut légèrement diminuer les semaines suivantes. L'efficacité sur la baisse de pression est sensiblement identique d'un â-bloquant à l'autre, peut-être un peu plus faible avec le bétaxolol. L'effet hypotenseur est différent d'un individu à un autre, et un â-bloquant faiblement dosé peut fournir une baisse de pression significativement importante. Il est donc toujours souhaitable de prescrire d'abord le plus faible dosage, et d'ajuster ultérieurement la posologie.

De même, compte tenu de leur durée d'action prolongée, le rythme d'administration des â-bloquants peut être limité chez certains patients à une instillation quotidienne, même sans vecteur permettant une « libération prolongée ». Dans ce cas, le collyre sera préférentiellement instillé le matin plutôt qu'en milieu de journée ou le soir, compte tenu de la baisse spontanée de la sécrétion ciliaire vespérale et nocturne.

En cas d'instillation unilatérale, le passage systémique entraîne habituellement un petite baisse de pression au niveau de l'autre oeil [29].

I.3. Classification pharmacologique des â-bloquants

En dehors de l'effet proprement â-adrénolytique responsable de la baisse de pression, au moins trois propriétés pharmacologiques additionnelles différencient les â-bloquants [88].

I.3.1. Activité sympathomimétique intrinsèque

Classiquement, lorsque les récepteurs â sont déjà occupés par un agent â-bloquant (un antagoniste), toute action sympathomimétique est inhibée et l'arrivée sur ces récepteurs d'un agent endogène â-agoniste (comme l'adrénaline) ne peut pas avoir d'effet stimulant. Certains â-bloquants (cartéolol, béfunolol, pindolol) ont une action intermédiaire :

En occupant les récepteurs, ils provoquent tout de même une réponse sympathomimétique modérée ; mais ils restent des agents â-bloquants à part entière, car ils s'opposent à l'action des â-stimulants endogènes. Ces agents â-bloquants ont une action dite « sympathomimétique intrinsèque » (ASI) et sont qualifiés d'« agonistes partiels » [81].

I.3.2. Effet stabilisant de membrane

Certains â-bloquants peuvent s'opposer aux échanges ioniques transmembranaires, entraînant un effet anesthésique local. Cette « propriété » représente un danger potentiel pour la cornée (risque d'ulcère). Aucun collyre â-bloquant (à l'exception du bupranolol, non commercialisé en France) ne possède actuellement un effet stabilisant de membrane suffisamment important pour rendre ses instillations dangereuses [76].

I.3.3. sélectivité â1

La plupart des â-bloquants agissent simultanément sur les récepteurs â1 et â2. Le blocage des récepteurs â2 peut entraîner, chez des sujets prédisposés, des complications broncho-pulmonaires et une augmentation des résistances vasculaires périphériques (syndrome de Raynaud, diminution du débit sanguin coronaire, ischémie du nerf optique).

Le bétaxolol, produit à priori sans action bloquante â2, est capable d'abaisser la PIO de manière presque aussi importante que les autres produits, en diminuant donc les risques de complications liées au blocage des récepteurs â2. On parle de molécule «â1-sélective» ou encore cardiosélective (sans effet broncho-pulmonaire) [31].

I.4. Effets secondaires

I.4.1. Effets secondaires locaux.

Les â-bloquants sont, le plus souvent, parfaitement bien tolérés localement, ce qui explique leur large utilisation. Ils n'entraînent pas de modifications de la pupille, ni de l'accommodation. Il n'y a aucune douleur à l'instillation. Les allergies au â-bloquants sont très rares.

Si l'on mesure instrumentalement la sensibilité cornéenne, elle est souvent un peu diminuée, même lorsque l'activité stabilisante de membrane est très faible. Il faudrait théoriquement en tenir compte chez des sujets présentant une affection cornéenne.

Une diminution de la sécrétion lacrymale est fréquente. Elle peut faire basculer un patient présentant une hypolacrymie sans irritation fonctionnelle vers une sémiologie de sécheresse oculaire patente, souvent mal supportée. L'irritation locale peut persister, même après l'arrêt du traitement. Si le collyre â-bloquant reste indispensable, il faut alors prescrire des larmes artificielles. Les porteurs de lentilles cornéennes doivent être prévenus et surveillés [47].

I.4.2. Effets secondaires généraux

Le passage systémique des â-bloquants est assez faible, mais suffisant chez des sujets prédisposés pour entraîner des complications, parfois gravissimes. Ces complications sont néanmoins rares, compte tenu de la fréquence de prescription de ces collyres.

Complications cardiaques

Les â-bloquants sont responsables de bradycardives, voire d'arythmies ou de syncopes (d'évolution parfois fatale). Les blocs auriculo-ventriculaires de 2e et 3e degrés sont donc des contre-indications absolues à la prescription de tels produits. L'insuffisance cardiaque et les bradycardies sinusales sont des contre-indications relatives (solliciter l'avis du cardiologue).

Les â-bloquants peuvent être impliqués dans l'aggravation d'un syndrome de Raynaud, d'une artériopathie oblitérante : ce sont des contre-indications relatives.

Autres complications décrites

Elles sont difficiles à imputer directement au collyre : myasthénies, diminution de la libido, troubles dépressifs, difficultés à l'équilibration d'un diabète sucré par perturbations de la glycogénolyse [60].

I.4.3. Phénomène d'échappement

Il a été essentiellement décrit avec la maléate de timolol, mais il est commercialisé depuis plus longtemps que les autres collyres. Dans de rares cas, l'efficacité du produit paraît effectivement disparaître, ou diminuer fortement, après une durée d'instillation éminemment variable d'un cas à l'autre. Sa nature est encore controversée : perte d'action réelle du produit ou progression de la maladie sous-jacente ? Le remplacement immédiat par un autre collyre â-bloquant ne relance que rarement les variations de pression après instillation. En revanche, une fenêtre thérapeutique, encore appelée "wash-out", de 1 à 2 mois permet fréquemment de récupérer l'action hypotensive du produit. Certains conseillent empiriquement d'interrompre les instillations 1 ou 2 jours par semaine, pour diminuer le risque d'apparition de cet échappement [79].

I.5. Différents collyres bêtabloquants

I.5.1. Maléate de timolol

Il est commercialisé sous sa forme lévogyre.

C'est le collyre â-bloquant de référence, le premier commercialisé (1979 pour la France), et de loin le plus prescrit à l'heure actuelle dans le monde. C'est un collyre â-bloquant sans sélectivité â1 et sans ASI. Les instillations sont dans l'immense majorité des cas parfaitement bien tolérées. Il est disponible aux concentrations de 0,1 %, 0,25 % et 0,50 %.

Une forme à libération prolongée a été plus récemment mise à disposition, aux concentrations de 0,25 % et 0,50 %. Le véhicule est un polysaccharide anionique dérivé d'une gomme de gellane. En contact avec les cations du film lacrymal précornéen, le produit forme un gel, permettant au principe actif de rester sur le globe durant une longue période, et autorisant a priori une seule instillation quotidienne.

Récemment sont apparus des collyres associant timolol et pilocarpine, ou encore un collyre associant timolol et dorzolamide [46].

I.5.2.Métipranolol

Il a beaucoup de points communs avec le timolol : c'est un â-bloquant complet sans ASI. Il est disponible aux concentrations de 0,1 % 0,3 % et 0,6 %.

La tolérance locale en est globalement un peu moins bonne, tout au moins avec les fortes concentrations, et les patients peuvent, plus souvent qu'avec le timolol, se plaindre de brûlures et de picotements à l'instillation en début de traitement.

Le métipranolol a une diffusion réduite dans l'organisme (le passage sanguin n'est pas décelable par chromatographie gazeuse), ce qui limiterait les effets latéraux cardiovasculaires [1].

I.5.3. Cartéolol

C'est un â-bloquant puissant et non sélectif, dont l'efficacité sur la baisse de pression est aussi meilleure que celle du timolol. Il présente une forte ASI, avec les avantages potentiels - oculaires et généraux - de cette propriété. La tolérance locale est généralement excellente.

Les â-bloquants peuvent intervenir sur les lipides sanguins, en diminuant le taux de HDL- cholestérol (le « bon » cholestérol) et en augmentant celui des triglycérides. De manière significative, le cartéolol diminue un peu moins le taux de HDL-cholestérol que le timolol.

Il est commercialisé aux concentrations de 0,5 % 1% et 2%. Un collyre l'associe, en France, à la pilocarpine [27].

I.5.4. Bétaxolol

C'est un collyre â-sélectif mais ne possédant pas d'ASI. La fréquence des effets secondaires chez les asthmatiques et les insuffisants respiratoires est diminuée par rapport aux collyres non â-sélectifs. Bien que son action soit « cardiosélective », le pouls cardiaque ne se ralentit pas significativement à l'effort. Les autres avantages potentiels d'un tel produit ont été présentés plus haut.

Une forme à 0,50 %, entraînait fréquemment une irritation locale à l'instillation, tout au moins pendant les premières semaines du traitement. Le passage à une forme en suspension à 0,25 % a permis une nette amélioration de la tolérance locale tout en diminuant simultanément l'importance du passage systémique [80].

I.5.5. Béfunolol

C'est un â-bloquant non sélectif, comparable au cartéolol, car il présente comme lui une ASI. Il est peu commercialisé dans le monde.

La tolérance locale à l'instillation est pratiquement aussi bonne qu'avec le cartéolol. Par ailleurs, le collyre commercialisé contient un principe mouillant, l'alcool polyvinylique, qui peut améliorer cette tolérance chez des sujets présentant une hypolacrymie.

Il est commercialisé aux concentrations de 0,25 % et 0,50 % [76].

I.5.6. Lévobunolol

C'est un â-bloquant non sélectif dépourvu d'ASI.

Sa demi-vie est plus longue, grâce en particulier à sa métabolisation en dihydrolévobunolol, et la baisse de pression obtenue peut durer plus de 24 heures, ce qui pourrait autoriser une seule instillation quotidienne, bien que l'autorisation de mise sur le marché (AMM) français conseille deux instillations quotidiennes. Les effets secondaires locaux et généraux sont identiques à ceux du timolol. Les phénomènes d'échappement seraient moins importants qu'avec le timolol. Il est disponible aux dosages de 0,10 % et 0,50 % [9].

II Agonistes á - adrénergiques (ou sympathomimétiques)

II.1. Agonistes á-adrénergiques non sélectifs (Mydriatiques)

L'action hypotensive oculaire de l'adrénaline est connue depuis le début du siècle. Mais il fallut attendre la diffusion de la pratique de la gonioscopie, vers 1950, pour repérer la contre-indication majeure représentée par l'étroitesse de l'angle iridocornéen, et pour prescrire les agonistes á - adrénergiques dans le traitement des glaucomes [76].

II.1.1. Mode d'action

L'adrénaline est un stimulateur non sélectif de l'ensemble des récepteurs sympathomimétiques : â1, â2, á1 et á2... qui sont eux-mêmes retrouvés dans la plupart des tissus intraoculaires. Plusieurs mécanismes, dont certains sont encore mal connus, participent à la baisse de pression :

-La sécrétion d'humeur aqueuse est légèrement diminuée les premières minutes suivant l'instillation, par vasoconstriction ciliaire (á2)... mais elle augmente secondairement (augmentation de l'ultrafiltration par stimulation â2, augmentation de l'activité des cellules ciliaires épithéliales non pigmentées par stimulation á2).

-L'action prédominante est une augmentation de la facilité d'écoulement par stimulation de récepteurs trabéculaires, essentiellement â2. Cette diminution de la résistance à l'écoulement serait provoquée par une fragmentation du cytosquelette et vraisemblablement, en activant une hyaluronidase locale via une production d'AMPc.

-L'adrénaline semble aussi augmenter la perméabilité des voies uvéosclérates (voir prostaglandines), car il peut encore faire baisser la PIO alors que l'angle iridocornéen est synéchié sur 360°. L'implication de prostaglandines endogènes dans ce mécanisme est probable, car l'administration d'indométacine diminue l'effet hypotenseur oculaire de l'adrénaline.

-Enfin, l'adrénaline pourrait également agir sur le flux sanguins intraoculaires et sur la pression veineuse épisclérale, dont on sait qu'ils interviennent à des degrés variables dans la régulation de la PIO.

En dehors de l'action sur la PIO, l'adrénaline entraîne une mydriase par stimulation des récepteurs â du dilatateur de l'iris, et des effets constricteurs puis dilatateurs sur les vaisseaux conjonctivaux traduisant une excitation couplée des vasorécepteurs á (constriction) et â (dilatation) [10, 87].

II.1.2. Pharmacocinétique

Lorsqu'elle est instillée, l'adrénaline (ou la dipivéphrine) provoque une chute de la PIO d'environ 30 à 40 %, débutant dès la 15e minute, maximale entre la 4e et 6e heure, restant forte de 12 à 18 heures, et persistant parfois au-delà de 24 heures. Cet effet est sensiblement identique à celui obtenu par un collyre â-bloquant. Une ou deux instillations par jour sont donc efficaces à couvrir le nycthémère, et cette efficacité n'est pas augmentée si l'on accroît le nombre d'instillations quotidiennes [74].

II.1.3. Effets secondaires

Ils sont nombreux et freinent considérablement leur prescription, vouée à disparaître progressivement à cause de l'émergence des nouvelles familles thérapeutiques antiglaucomateuses dont la tolérance est meilleure.

II.1.3.1. Effets secondaires locaux

- Mydriase modérée, peu gênante fonctionnellement, mais pouvant créer de véritables fermetures de l'angle iridocornéen chez les sujets prédisposés au blocage pupillaire. Ce risque impose une gonioscopie et une évaluation clinique de la profondeur de la chambre antérieure avant la prescription d'un sympathomimétique, lorsqu'une iridectomie n'est pas présente.

- Brûlures à l'instillation assez fréquentes, qui diminuent souvent en intensité après quelques jours de traitement.

- Céphalées, parfois insupportables, qui peuvent justifier l'interruption du traitement.

- Hyperhémie conjonctivale habituelle, après une phase immédiate de blanchiment, qui survient vers la 5e heure après l'instillation.

- Blépharoconjonctivite allergique.

- Apparition de dépôts pigmentaires noirâtres d'adénochrome après un traitement prolongé, sur le bord des paupières. La conjonctive, et parfois l'épithélium cornéen qui sont sans conséquence. Les lentilles cornéennes de contact peuvent être colorées après plusieurs semaines de traitement.

- Rarement, chute des cils, sténose des points lacrymaux ou formation de calculs lacrymaux.

- Toxicité endothéliale cornéenne discutée.

- OEdème maculaire cystoïde, qui pourrait survenir chez certains sujets âgés aphaques après plusieurs mois de traitement, régressant en principe à l'arrêt du traitement. La nature « vasospastique » du processus est suspectée.

II.1.3.2. Effets secondaires généraux

L'adrénaline instillée passe dans la circulation sanguine, et peut donc entraîner des effets circulatoires généraux tels que la tachycardie, extrasystoles, palpitations et anxiété, voire augmentation de la pression artérielle. L'adrénaline doit donc être contre-indiquée chez les grands hypertendus artériels, les sujets âgés artérioscléreux, où l'adrénaline pourrait être impliquée [38, 41].

II.1.4. Différents agonistes á-adrénergiques non sélectifs

II.1.4.1. Adrénaline

L'adrénaline est utilisée localement, sous forme de chlorhydrate, de bitartrate ou d'adrénaline base, dans des préparations de 1 %. Une forme à 1 % est associée à l'acéclidine [52].

II.1.4.2. Dipivéphrine

Elle est obtenue en rajoutant deux radicaux d'acide pivalique à l'adrénaline, dont elle est une prodrogue. Intacte, elle n'a qu'une très faible activité pharmacologique. Elle est plusieurs centaines de fois plus lipophile que l'adrénaline, et traverse donc beaucoup plus facilement la cornée. A l'intérieur de celle-ci, la dipivéphrine est rapidement hydrolysée en adrénaline par les estérases locales, le processus étant entièrement terminé à l'intérieur de la chambre antérieure. La biodisponibilité de l'adrénaline est donc très augmentée et, à activité hypotensive égale, la dipivéphrine peut être beaucoup moins concentrée (0,1 %). Certains effets latéraux, locorégionaux mais surtout généraux, sont ainsi diminués, mais il faut retenir que se trouve une quantité identique d'adrénaline à l'intérieur de l'oeil (mydriase, risque maculaire). La dipivéphrine a déjà largement remplacé l'adrénaline dans le traitement du glaucome, mais l'expérience montre que de rares patients préfèrent le collyre à l'adrénaline plutôt qu'à la dipivéphrine [74].

II.2. Agonistes á-adrénergiques sélectifs (ou á2-adrénergiques)

II.2.1. Clonidine

Le développement en ophtalmologie des agonistes á2- adrénergiques a débutée avec la découverte de l'action hypotensive de la clonidine. Cette dernière diminue la PIO de façon rapide (dès la 2e heure), elle est puissante (diminution de 3 à 4 mmHg chez le sujet sain) et sensible (composé actif à la dose de 0,125 %). En instillation répétée, la clonidine entraîne malheureusement une hypotension artérielle marquée, de nature orthostatique, peu compatible avec son utilisation dans une pathologie où l'apport vasculaire au nerf optique doit justement être préservé. La baisse de pression artérielle est liée au passage encéphalique de la molécule lipophile, ce qui a pour effet d'activer les récepteurs á2- adrénergiques présynaptiques et les récepteurs centraux. Les effets potentiellement néfastes de la clonidine sur le nerf optique ont considérablement limité son développement en ophtalmologie [33].

II.2.2. Apraclonidine

La synthèse de molécules imidazoliniques ne franchissant pas la barrière hématoencéphalique a permis de limiter les effets centraux de la clonidine.

L'apraclonidine, ou p-aminoclonidine, est un de ces prototypes. L'apraclonidine diffère de la clonidine par l'adjonction en C4 d'un radical amine-NH2, rendant la molécule plus hydrophile. Cette modification chimique n'altère pas significativement les propriétés hypotensives oculaires de la clonidine, mais sa structure polaire lui confère une perméabilité limitée de la barrière hématoencéphalique et donc un risque faible d'hypotension artérielle [16].

II.2.2.1. Mode d'action

L'apraclonidine réduit la sécrétion ciliaire de l'humeur aqueuse (30 à 35 %) sans perturber ses capacités d'écoulement trabéculaire. Cet effet est médié par les sites récepteurs á2-adrénergiques présents dans l'épithélium ciliaire. Elle peut réduire la PIO à des valeurs très basses, parfois au niveau ou en deçà de la pression veineuses épisclérale (9 mmHg). L'instillation unique ou répétée d'apraclonidine entraîne une vasoconstriction locale limitée au segment antérieur de l'oeil (par stimulation des récepteurs á1- adrénergiques), sans effet significatif sur la circulation papillaire. La vasoconstriction a pour autre conséquence de stabiliser la barrière hématoaqueuse, ce qui explique probablement l'efficacité particulière de l'apraclonidine dans la prévention des pics hypertenseurs induits par le laser. l'apraclonidine ne modifie pas significativement le flux uvéoscléral de l'humeur aqueuse. Comparativement aux â-bloquants peu efficaces la nuit, les agonistes á2 demeurent actifs durant tout le nycthémère , ce qui leur confère un avantage clinique supplémentaire. L'explication de ce phénomène n'est pas claire mais l'apraclonidine pourrait réprimer de façon permanente l'activité basale de l'adénylate cyclasse ciliaire, même lorsque celle-ci est à un niveau minimal (période nocturne) [43].

II.2.2.2. Indications

Le développement de l'apraclonidine a d'abord concerné son utilisation dans les procédures pratiquées au laser : iridotomies et capsulotomies au laser Nd : YAG, trabéculoplastie au laser argon. La réaction uvéale inflammatoire observée au décours de ces interventions s'accompagne fréquemment d'une phase hypertonique initiale. La focalisation du faisceau laser sur les tissus oculaires s'accompagne d'une rupture de la barrière hématoaqueuse avec libération intracamérulaire de médiateurs de l'inflammation présentant une action hypertonisante. L'élévation de la PIO est logiquement plus importante chez les patients glaucomateux dont les capacités trabéculaires sont diminuées ; ses conséquences sont, elle aussi, plus graves du fait de l'hypertonie préexistante.

Son efficacité est supérieure aux autres médicaments antiglaucomateux (pilocarpine, acétazolamide, â-bloquants) ou aux corticoïdes locaux, et son utilisation est dénuée des complications allergiques locales observées lors d'un traitement chronique. L'efficacité de l'apraclonidine diminue l'incidence et la gravité des pics hypertoniques postopératoires. Le champ d'action de l'apraclonidine s'est rapidement élargi au traitement du glaucome chronique à angle ouvert. Chez des patients glaucomateux, la diminution moyenne de la PIO avoisine 25 %, ce qui est comparable à ce que l'on observe avec un â-bloquant. Les données pharmacodynamiques indiquent une durée d'action significative pendant 8 heures, Pour certains, l'efficacité de l'apraclonidine sur la PIO diminue progressivement avec le temps chez un nombre relativement important de patients.

Chez des patients présentant un glaucome non contrôlé médicalement et conservant leur traitement topique, l'apraclonidine à la concentration à 0,5 % permet une réduction supplémentaire de la PIO de l'ordre de 3 mmHg à différents moments de la journée au bout de 90 jours. Même si cette réduction peut sembler faible en valeur absolue, le gain thérapeutique permet de retarder le « moment de la chirurgie » chez 60 % des patients (contre 32 % dans le groupe témoin). Une propriété intéressante de l'apraclonidine est donc de manifester une efficacité à un stade avancé de la maladie, alors que le patient est déjà soumis à un traitement lourd.

Ainsi on peut raisonnablement penser que la molécule peut être utilisée dans toutes les circonstances d'hypertonie oculaire aiguë qui requièrent d'emblée une association médicamenteuse, comme dans le glaucome aigu par fermeture de l'angle ou les glaucomes réfractaires, ou les hypertonies oculaires de nature inflammatoire (glaucome associée à une uvéite, syndrome de Posner-Schlossman, glaucome traumatique ou néovasculaire) [65, 66].

II.2.2.3. Associations

Bien que partageant le même site d'action (procès ciliaires), l'association d'apraclonidine et d'un â-bloquant est synergique. Chez des patients traités par timolol à 0,5 % et dont la PIO n'est pas maîtrisée, l'addition d'un traitement par apraclonidine à 0,5 % ou à 1 % administré deux fois par jour permet une réduction supplémentaire de la PIO de l'ordre de 20 %. L'effet persiste après un traitement combiné de 3 mois, atteignant 5 mmHg 3 heures après la dernière instillation, 3 mmHg 8 heures après celle-ci. L'effet sur la pression de l'apraclonidine à 0,5 % chez des patients traités médicalement persiste au bout de 2 ans, la PIO étant réduite en moyenne de 20 %. Environ 20 % des patients ne sont plus contrôlés médicalement au décours de cette période, suggérant que le glaucome a progressé ou que la molécule a perdu une partie de son activité (tachyphylaxie) [82].

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand