L'émergence d ela notion de sécurité humaine dans la protection internationale des droits de l'homme( Télécharger le fichier original )par Sabine Nicole Jiekak Mougoué Université Catholique D'afrique Centrale, Yaoundé, Cameroun - Master en droits de l'homme et action humanitaire 2005 |
I- Définition des conceptsLe thème de notre recherche tourne autour de deux concepts qui méritent d'être clairement circonscrits : les droits de l'homme et la sécurité humaine. 1- Droits de l'homme La notion de droits de l'homme est issue de la théorie du droit naturel énoncée par GROTUIS et se définit comme un ensemble de prérogatives que possède tout individu, inhérentes à sa nature et qu'on ne peut méconnaître sans porter atteinte à celles-ci. Plusieurs définitions ont été données à ce concept mais toutes sont unanimes sur les éléments qui la constituent. Selon Nicolas VALTICOS « la notion des droits de l'homme s'entend au-delà des droits des individus, à des droits dont l'homme peut et doit être le bénéficiaire, soit directement, soit à travers les communautés dont il fait partie »6(*). Et Yves MADIOT d'ajouter que les droits de l'homme sont des droits subjectifs qui traduisent, dans l'ordre juridique, les principes naturels de justice qui fondent la dignité de la personne humaine7(*). Les droits de l'homme sont classiquement classés en trois catégories : D'abord, les droits de la première génération qui sont les droits civils et politiques et qui concernent les libertés que l'Etat doit assurer aux individus et aux citoyens. Ce sont ces droits qui constituent les droits fondamentaux et indérogeables, le « noyau intangible » ou « noyau dur » des droits de l'homme. Ils ont un caractère absolu qui consiste souvent en interdictions faites aux Etats et dont la mise en oeuvre doit être immédiate et intégrale. Ces droits peuvent donner directement lieu à un contrôle de type judiciaire. Ensuite, les droits de la deuxième génération, droits économiques et sociaux, se traduisent par des sortes de créances reconnues à des individus qui devraient bénéficier de certaines conditions de vie ou prestations comme travailleurs et membres de la société. La réalisation de ces droits est progressive et dépend très souvent du niveau de développement des pays considérés. Enfin, les droits de la troisième génération ou droits de solidarité comprennent le droit à un environnement sain, à la paix, au développement harmonieux des cultures mais surtout en faveur de l'humanité et plus spécifiquement au profit des générations futures, de l'homme de demain. Ces droits sont en grande partie prospectifs. Ce qui les rapproche e la sécurité humaine qui fait partie du droit prospectif. On remarque donc que la notion de droits de l'homme est une notion évolutive. Ce qui lui confère une double signification selon Nicolas VALTICOS : D'une part, elle signifie que le contenu de plusieurs des droits qu'elle englobe évolue avec le temps et que la portée et même la signification de plusieurs de ces droits se modifient en conséquence. Elle peut aussi vouloir dire, d'autre part que la liste et le nombre de ces droits évoluent et que de nouveaux droits viennent souvent s'ajouter aux droits existants. La sécurité humaine peut-elle être considérée comme l'un de ces droits ? 2- Sécurité humaine Le dictionnaire Robert définit la sécurité comme l'absence réelle de danger, de pauvreté et de toute appréhension. Sur le plan international, elle est définie comme la protection face aux agressions extérieures ou encore la protection des intérêts nationaux en politique étrangère ou enfin comme la protection globale contre un holocauste nucléaire. En y adjoignant l'adjectif humain, la sécurité humaine peut donc s'entendre comme l'absence réelle de danger, de la pauvreté et de toute appréhension de la part des êtres humains et de protection des individus contre les agressions et les intérêts extérieurs à leurs Etats. Mais cette définition ne révèle pas vraiment le contenu de cette notion. En fait, aucune définition de la sécurité humaine n'a encore réellement été donnée. De nombreuses initiatives ont été prises pour la définir, sans toutefois arriver à un consensus. Il en résulte deux courants de pensée susceptibles de regrouper la plupart des définitions données. Le premier8(*) donne un sens large au concept : la sécurité humaine englobe une longue liste de menaces potentielles à la sécurité des individus, les unes classiques -conflits armés- et les autres plus axées contre le développement comme les atteintes à la santé, à l'environnement, la pauvreté. C'est cette définition qui est retenue par le PNUD dans son Rapport 1994 sur le Développement Humain et par une grande partie de la doctrine. La sécurité humaine est donc une notion intégrante et s'applique aux individus en tant que particuliers et collectivités vivant dans un Etat et sur un territoire donné9(*). Elle se concentre entièrement sur l'individu et le protège des menaces, qu'elles s'accompagnent ou non de violence. Lloyd AXWORTHY définit la sécurité humaine comme le fait « d'être à l'abri des privations économiques, de jouir d'une qualité de vie acceptable et de se voir garantir l'exercice de ses droits humains fondamentaux »10(*). Le second courant est plus restreint et rejoint en de nombreux points la définition de la sécurité classique. En effet, il définit la sécurité humaine comme axée sur les personnes, intégrant beaucoup plus de menaces que la sécurité classique, mais limitée aux plus violentes comme les mines terrestres, les armes légères et de petit calibre, la violence et les conflits intra étatiques. Si elle a l'avantage de donner des limites précises à la notion de sécurité humaine, cette définition se rapproche cependant de celle de la sécurité classique en intégrant uniquement l'idée de conflit armé et de menace pour la sécurité physique de la personne dans le cadre d'un Etat. C'est la raison pour laquelle nous ne retiendrons pas cette approche dans le cadre de notre étude, car elle pourra amener une confusion avec la sécurité classique. Or, cela ira à l'encontre des raisons qui expliquent le choix de ce thème. * 6 Nicolas VALTICOS, « La notion des droits de l'homme en droit international », Le droit international au service de la paix, de la justice et du développement, Mélanges Michel VIRALLY, Paris, Pedone, 1991, pp 483-491 * 7 Yves MADIOT, Droits de l'homme, 2è éd. Masson 1991, P. 26 * 8 Conduit par Raoul Dandurand, connu comme étant le précurseur de la sécurité humaine au Canada. Sont de ce courant la majorité des auteurs et des politiciens canadiens. * 9 Voir Rapport 2003 du PNUE sur le Développement durable. * 10 Lloyd AXWORTHY, « Le Canada et la sécurité humaine : un leadership nécessaire », Déclarations et discours, Ottawa, MAECI, déc. 1996, pp 1-2, cité par Béatrice PASCUAL et Charles Philippe DAVID, « Précurseur de la sécurité humaine, le sénateur Raoul DANDURAND (1861-1942), www.dandurand.uqm.ca. Consulté en mars 2005. |
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