L'émergence d ela notion de sécurité humaine dans la protection internationale des droits de l'homme( Télécharger le fichier original )par Sabine Nicole Jiekak Mougoué Université Catholique D'afrique Centrale, Yaoundé, Cameroun - Master en droits de l'homme et action humanitaire 2005 |
SECTION II : DEBATS AUTOUR D'UNE NOTION DE SECURITE HUMAINE AMBIGUE.
La sécurité humaine semble bien admise comme concept nouveau et indépendant par la majorité de la doctrine et par ses usagers. Cependant, l'analyse de cette notion montre combien est grand le risque de la confondre aux droits de l'homme. Une partie de la doctrine pense que ce n'est point un risque, mais plus une réalité : la « sécurité humaine » ne serait plus ou moins qu'une version des droits de l'homme; d'autres par contre voient dans la notion un nouveau principe de coopération internationale qui viendrait ravir la vedette au « développement durable ». Face à ces deux thèses (paragraphe I) qui ne font que compliquer les données, il est nécessaire de penser une thèse médiane susceptible de faire avancer le débat, ce qui contribuerait à une codification62(*) de la « sécurité humaine » (paragraphe II). Paragraphe I : Les thèses en présenceNous examinerons successivement la thèse qui tente d'assimiler la sécurité humaine aux droits de l'homme (A) et celle qui considère la sécurité humaine comme le nouveau principe de coopération internationale (B).
La coopération internationale correspond à l'ensemble des mesures prises au titre de l'aide publique au développement tel que définies par l'OCDE. Elle comprend aussi bien les contributions financières aux organismes multilatéraux, aux gouvernements, aux banques internationales et régionales, aux ONG que les ressources consacrées à des projets et programmes bilatéraux ainsi qu'à l'aide humanitaire. Point focal d'une dynamique institutionnelle, sociale et économique au service du développement dans la décennie passée68(*), elle semble aujourd'hui se mettre au service de la sécurité humaine. En effet, le développement est en train de se transformer en mondialisation, mais avec la conservation des spécificités acquises durant les quarante dernières années, « avec simplement un déplacement de l'objet d'étude, mais une conservation de l'objectif final à savoir la construction d'une société plus juste et plus vivable »69(*). Cette transformation est due à l'effusion des attaques terroristes de toutes parts, des différentes menaces analysées plus haut et la globalisation des rapports économique, politique et juridique. Les acquis de la coopération internationale se trouvent ainsi bouleversés, devant apporter des solutions aux problèmes globaux de l'humanité, et cela suscite des interrogations sur l'impact et le rôle de la coopération internationale. Il devient nécessaire de recadrer la coopération internationale en mettant un accent particulier sur la cohérence des actions entreprises à l'échelle gouvernementale et au niveau international. Les actions de coopération dans le domaine de la santé, de l'éducation ou de l'environnement doivent aller de pair avec l'exigence de respect des droits de l'homme et de bonne gouvernance. Les Etats mènent leurs politiques juridiques intérieure et extérieure en recherchant des consensus dans le but de se rapprocher le plus possible des normes et valeurs propres à la communauté internationale. Le droit international se transforme ainsi en un droit de coopération et de solidarité comme le dit Daniel COLARD70(*) dans lequel la sécurité humaine est un élément clé. Le développement mis à part, un autre aspect de la coopération internationale dans lequel la « sécurité humaine » a un impact certain est la question de la paix. Cette dernière a jusqu'ici reposé sur le postulat selon lequel dans l'ordre interne d'un Etat, la paix publique va de pair avec le maintien de la tranquillité publique, elle même gage de la sécurité des biens et des personnes. Avec la notion de sécurité humaine, la sécurité internationale n'est plus définie comme un état de tranquillité, du moins de stabilité existant au sein d'un groupe d'Etats et résultant de l'absence de menaces militaires contre la paix ; il devient de plus en plus possible de dissocier sécurité et paix dans l'ordre international71(*). Dans un souci de préservation de la paix, la communauté internationale multiplie ses interlocuteurs : acteurs publiques, privés ou société civile doivent s'allier pour développer des actions et mesures intégrées de paix. Les Etats ne sont plus les seuls « faiseurs de paix »72(*) à l'intérieur de leurs frontières n'ayant de compte à rendre à personne. Restreindre la sécurité humaine au domaine des droits de l'homme ou le jeter en pâture sur le devant de la scène internationale ne traduit pas exactement des réalités qu'elle recouvre. Il est nécessaire de repérer dans ces deux thèses les éléments susceptibles de mieux exprimer la notion. * 62 Codification amorcée par la Déclaration de San José du 2 déc. 2001 de la Commission des droits de l'homme sur les les droits de l'homme en tan,t que composante de la sécurité humaine, et la Déclaration de Graz du 10 mai 2003 sur les principes d'éducation aux droits de l'homme et à la sécurité humaine.
* 68 Gilbert RIST, «Les enjeux critiques de l'après-«développement», Repenser le développement et la coopération internationale, Etats et savoirs universitaires, Firouzeh NAHAVANDI (éd), Kharthala, 2003, p.49 * 69 Ibid, p.51 * 70 Daniel COLARD, «La doctrine de la sécurité humaine, le point de vue d'un juris», op.cit, p.51 * 71 Contrairement à l'avis de Jean Pierre QUENEUDEC qui reste dans la logique de l'indissociation entre paix et sécurité initialement consacrée dans la CNU ( voir son article «Les nouvelles menaces contre la paix et la sécurité internationales, l'ordre publique internationale», Les nouvelles menaces contre la paix et la sécurité internationales, Société française pour le droit international, A. Pedone, 2004, pp. 287-293 * 72 Pour reprendre l'expression de MWAYILA TSHIYEMBE, in «Les principes déterminants de la conflictualité», La prévention des conflits en Afrique Centrale, prospective pour une culture de la paix, Khartala, 2001, p. 288. |
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