Université de Paris I
UFR de Philosophie
L'utilité chez Hegel et
Heidegger
Christophe PREMAT
Mémoire de maîtrise
Monsieur Bernard BOURGEOIS
12 juin 1998
Présentation
Il nous a semblé préférable, avant
d'entamer notre propos, d'esquisser un bref parcours philosophique des deux
auteurs. En effet, on ne peut pas voir Hegel et Heidegger d'une manière
uniforme quant au développement de leur pensée, la pensée
étant cette différenciation qui se ménage au fil du temps
et qui lui confère une véritable identité. La
pensée ne constitue pas une fixation dans le temps mais une
évolution. Par conséquent, on ne peut identifier le Hegel de
1801-1805 à celui de 1807 et celui de 1821 que si on n'a
déterminé au préalable des différences ; de
même, le Heidegger de l'après-guerre demeure très
différent du Heidegger de 1927.
En ce qui concerne Hegel, nous nous sommes attardés
à trois étapes de l'évolution de sa pensée par
rapport à notre sujet mais il en existe bien d'autres en
réalité. Le Hegel de 1803, celui d'Iéna et de la
Première philosophie de l'Esprit nous a intéressé
et puis c'est bien sûr le grand ouvrage de 1807, la
Phénoménologie de l'Esprit, qui nous retrace le
développement du concept de l'utilité dans un combat particulier,
celui de la foi et de la pure intellection à l'époque des
Lumières. Enfin, les Principes de la philosophie du droit a mis
en évidence le rôle déterminant de l'utilité dans la
société moderne naissante. J'ai fait évidemment
référence à d'autres ouvrages de cet auteur, mais
l'évolution entre ces trois ouvrages est importante et je voulais la
signaler au début de cette étude. En 1803, Hegel a
dépassé cette période de balbutiements dialectiques mais
il n'a pas encore pensé jusqu'au bout la spécificité de
cette dialectique : le moyen-terme (Mitte) n'est pas encore devenu
médiation (Vermittlung) ; il faudra pour cela attendre 1807.
D'une certaine manière, l'évolution est plus
radicale chez Heidegger entre 1927 et la fin de sa vie. Dans cette
étude, nous avons clairement deux Heidegger : le Heidegger
d'Être et Temps qui réfléchit sur la relation de
l'ustensilité, l'utilité et de l'homme, tout cela sur le fond de
la constitution de la mondanéité du monde c'est-à-dire ce
qui fait que ce monde est notre monde puis nous avons le Heidegger
d'après guerre qui mobilise toute son énergie à effectuer
une critique radicale et efficace de la technique. La question de la technique
est devenue une obsession chez celui-ci, quelque chose de très
préoccupant et l'utilité se trouve alors interrogée dans
un nouveau contexte. J'aimerais attirer l'attention du lecteur sur cette
évolution radicale pour éviter qu'il n'y ait d'amalgames entre
ces deux périodes. En revanche, cela ne signifie pas qu'il faille
opérer une scission dans cette évolution mais il suffit de
repérer ses caractéristiques fondamentales.
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